Felicity Jones: « vous ne pouvez pas changer le monde si on ne vous laisse pas respirer! »

. © DR
Isabelle Willot

Dans Une femme d’exception, l’actrice britannique incarne Ruth Bader Ginsburg, avocate brillante et militante féministe, devenue juge à la Cour Suprême des Etats-Unis. Le film qui retrace plus de 20 ans de lutte contre le patriarcat démontre à quel point la route, hélas, est encore longue.

A 85 ans, Ruth Bader Ginsburg est devenue une véritable icône de la pop culture aux Etats-Unis. Ce sont ses petites phrases surtout qui l’ont rendue légendaire. L’une d’elles, en particulier, résume parfaitement le fond de sa pensée. »Placer les femmes sur un piédestal revient à les enfermer dans des cages, assure-t-elle. Nous demandons seulement aux hommes d’ôter leurs pieds de notre nuque ». A quelques jours du 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, celle-ci n’a hélas rien perdu de sa pertinence. Une femme d’exception, le film de la réalisatrice Mimi Leder, retrace à travers la vie de Ruth Bader Ginsburg et de son mari Marty Ginsburg, les prémisses des premiers combats féministes pour l’égalité homme-femme.

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Ascot Elite Entertainment F1.0https://www.youtube.com/user/AscotEliteRomandiehttps://i.ytimg.com/vi/cRj7a0UGeyY/hqdefault.jpg480YouTube270Une femme d’exception (On the Basis of Sex) – Bande-annonce 1 vostfrvideo

Nous avons rencontré les deux acteurs principaux, Felicity Jones et Armie Hammer qui incarnent tous deux à l’écran ce couple exemplaire au sein duquel la notion même de partage des tâches n’a jamais été un vain mot.

Le film nous montre Ruth Bader Ginsburg dans plusieurs rôles : femme, mère, avocate. Quelle facette avez-vous préféré jouer ?

Ce qui m’intéressait c’était de montrer la difficulté de jongler avec ces différents rôles justement. Aussi à quel point cela peut être dur de se battre contre les attentes des autres, contre la culpabilité. Pour une femme vraiment passionnée par son travail, focalisée sur sa carrière, devoir aussi être une bonne mère pour sa fille,… cela ne va pas de soi. La société attendait d’elle qu’elle soit une mère aimante et parfaite mais ce n’était pas le cas tout le temps. Marty se débrouillait bien mieux dans ce rôle finalement. Dans un sens c’était un couple très rock’n’roll et ils se battaient contre les stéréotypes.

Est-ce en cela que ce couple était avant-gardiste finalement?

Ils ont osé bousculer complètement les normes de genre. Ce qui était totalement inhabituel pour l’époque. Si je regarde la génération de mes grands-parents, le rôle de la femme était cantonné à la cuisine et à l’éducation des enfants. Leur relation était de ce point de vue révolutionnaire.

Mais pensez-vous vraiment que les choses aient changé? Les enquêtes récentes démontrent encore que les tâches ménagères incombent toujours plus souvent aux femmes qu’aux hommes dans un couple…

Je sais et c’est assez déprimant. On aurait pu penser que ce film aurait un petit côté nostalgique, que l’on pourrait se dire :  » oh regardez comment c’était avant « . Mais nous nous sommes rendu compte pendant le tournage que ce qui est montré reste toujours d’actualité. Il est indéniable que les choses changent mais hélas pas aussi rapidement qu’on le voudrait. Aujourd’hui, l’égalité homme-femme reste encore à conquérir ne serait-ce qu’en matière d’égalité des salaires.

Felicity Jones:

Si vous pouviez obtenir, là, d’un seul coup, une victoire pour les droits des femmes, que choisiriez-vous ?

L’égalité salariale justement ! Et la possibilité voire l’obligation pour les hommes de prendre des congés de paternité au travail, c’est essentiel. Il faut que les hommes aussi aient le droit de s’occuper de leurs enfants, que ce soit considéré comme normal comme pour les femmes. Car cela allégera la charge des femmes et leur permettra de progresser aussi dans leur carrière.

Qu’est-ce que cela vous a fait d’avoir l’opportunité d’interpréter le rôle de Ruth Bader Ginsburg à l’heure du mouvement #MeToo ?

J’ai souvent voulu explorer des thématiques féministes dans mon travail alors trouver un film dans lequel cela puisse se faire de manière aussi explicite, c’était vraiment idéal. Après, jouer quelqu’un que l’on respecte énormément, que l’on admire, c’est bien sûr un challenge. C’est même un petit peu effrayant. Mais j’ai appris énormément grâce à ce rôle.

Pouvez-vous nous parler de votre rencontre avec Ruth Ginsburg ?

C’est une personne qui attache énormément d’attention au moindre détail, elle ne prend rien à la légère. Je lui ai demandé si elle avait des conseils à me donner. Elle m’a juste dit : « j’ai vu votre travail, je sais que vous ferez cela très bien ». Cela m’a mise en confiance. Elle avait approuvé le casting avant notre rencontre donc nous avions sa bénédiction.

Felicity Jones:

Ça lui fait quoi, pensez-vous, d’être devenue une véritable icône de la pop culture?

Oh, elle doit adorer ça, je pense. Au fond d’elle-même c’est une vraie rappeuse ! Elle se bat contre le système, elle veut le changer et elle y parvient ! Plus elle reçoit d’attention, plus les idées qu’elle défend sont aussi mises en avant. C’est du gagnant-gagnant. Croyez-moi, elle n’est pas prête de prendre sa retraite ! Son bureau dans sa chambre à coucher est à moins d’un mètre de son lit. De cette manière, quelle que soit l’heure à laquelle elle se réveille au milieu de la nuit, si elle se sent inspirée et a une idée, elle n’a qu’à tendre le bras pour trouver de quoi écrire. Son travail est sa passion. Elle n’a pas aucune raison de s’arrêter, son esprit est tellement aiguisé, brillant et sa fonction à la Cour Suprême plus que jamais essentielle.

Pensez-vous qu’une avocate doit aussi être une bonne actrice?

Quand vous plaidez, oui, vous devez dans une certaine mesure être un bon acteur, il y a une forme de performance dans ces réquisitoires. Vous avez votre texte mais pour être vraiment bon, vous devez croire dans ce que vous défendez. C’est la force de ses convictions qui lui a donné autant de pouvoir. Elle a toujours fait preuve d’une telle intégrité dans ses arguments. Elle ne s’est jamais battue pour des intérêts particuliers mais toujours pour le bien des Etats-Unis. Un pays qu’elle aime et respecte profondément.

Quelles sont vos icônes féministes?

Avant de devenir actrice, j’ai étudié la littérature anglaise. Donc évidemment Virginia Woolf a eu un profond impact sur moi. Quelqu’un comme Simone de Beauvoir aussi, en particulier par sa relation avec Sartre. Et bien sûr Jane Austen qui décrit des femmes qui osent vivre comme elles l’entendent. Si on parle d’actrice, Meryl Streep m’a toujours impressionnée, c’est un peu notre déesse à toutes!

Un an après l’avènement du mouvement #MeToo, quel regard portez-vous sur l’industrie qui est la vôtre?

Cela a été traditionnellement une industrie dominée par les hommes. C’est sans doute pour cela que les horaires sont épouvantables! C’est l’un des boulots les plus antisociaux qui soit. Cela reste très peu équilibré sur les plateaux de tournage, mais c’est en train de changer. On commence à entendre parler de crèches sur le lieu de travail pour les membres de l’équipe qui ont des enfants. L’environnement devient peu à peu moins hostile aux familles.

Felicity Jones:

On vous voit passer des années 50 aux années 70 et adopter à chaque décennie une nouvelle garde-robe. Pensez-vous que la mode ait pu jouer un rôle dans l’émancipation des femmes?

Tout à fait ! On sent vraiment dans les vêtements à partir des années 60 ont participé à une évolution de la perception des genres . Dans les années 50 il fallait être la femme parfaite ! Jusque dans la manière dont on s’asseyait, dont on parlait, dont on marchait. Il reste quelque chose de cette discipline forcée dans l’attitude actuelle de la juge Ginsburg. Dans les années 70, les vêtements deviennent tout simplement plus confortables. Et l’apparence n’est plus ce qui prime chez la femme. Je pouvais véritablement ressentir cette libération sur le plateau. Je détestais enfiler ces robes cintrés des fifties à 5 heure du matin, devoir faire rentrer mon corps dans ces modèles étroits, corsetés dans lesquels on peut à peine respirer ! Et c’était encore bien pire à l’époque victorienne. Tout à coup dans les années 70 les femmes ont pu respirer ! Et si vous pouvez respirer vous pouvez changer le monde !

Etait-ce important pour vous que ce film soit tourné par une femme?

C’était vital d’avoir quelqu’un qui puisse vraiment comprendre ce que Ruth avait traversé. Mimi a déjà dénoncé publiquement à quel point l’industrie du cinéma reste machiste, elle a dû se battre comme Ruth. mais surtout, elle sait mieux que personne comment raconter une histoire et garder le public à bord d’un bout à l’autre.

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