Léa Bayekula, athlète ambitieuse et rieuse: « C’est inadmissible qu’on doive s’adapter dans un monde qui devrait être accessible à tous

© Gilles Dehérand
Kathleen Wuyard-Jadot
Kathleen Wuyard-Jadot Journaliste & Coordinatrice web

Les jeux paralympiques viennent de commencer, et bien qu’elle n’ait pas été sélectionnée, la Bruxelloise Léa Bayekula, médaillée de bronze aux derniers Championnats d’Europe de para-athlétisme et nouvelle ambassadrice pour Handicap International, vise l’excellence. Ambitieuse, elle ne se prend pas au sérieux pour autant.

C’est important de traiter les personnes en situation de handicap de la même manière que les personnes valides.

Avec ma soeur jumelle, on est les aînées d’une fratrie de six enfants et à la maison, chacun avait ses tâches ménagères à accomplir, moi compris. Il n’a jamais été question pour mes parents de dire « Léa est handicapée donc on va la laisser assise dans un coin et la traiter comme une reine », on était tous sur un pied d’égalité et je leur en suis très reconnaissante parce que ça m’a aidée à affronter le regard des autres. A l’extérieur, on me voyait comme une moins que rien, quelqu’un qui ne savait rien faire, tandis qu’à la maison, j’étais considérée comme une valide. Ça m’a permis de me construire, même si je me serais bien passée de devoir assurer le repassage dans le partage des tâches ( elle éclate de rire).

J’ai la chance de trop aimer rire pour vraiment sombrer, mais quand je sens que ça va mal, je me rappelle d’où je viens.

Léa Bayekula

Le sport pour personnes en situation de handicap reste relativement confidentiel.

Pour ma part, je l’ai découvert seulement en 2010, quand quelqu’un m’a contactée via les réseaux sociaux pour me demander si ça m’intéresserait. A l’époque j’ai hésité parce que je préférais les activités où valides et non-valides se mélangeaient, mais je venais de perdre mon père, j’avais besoin de me changer les idées et donc j’ai dit « oui » et j’ai commencé le handibasket. J’étais la seule fille et j’ai rapidement réalisé que j’adorais la compétition.

La parathlète flamande Marieke Vervoort a vécu une vie incroyablement inspirante.

C’est elle qui m’a donné envie de me lancer dans l’athlétisme: elle était venue nous montrer comment se servir de nos fauteuils, j’ai voulu suivre ses traces. Au départ, on est un peu livré à soi-même pour apprendre la technique, et si j’en suis là aujourd’hui, c’est à force de motivation et d’envie de toujours accomplir plus. J’étais très stressée à mes premiers Championnats d’Europe, et quand je vois aujourd’hui que je parviens à battre certaines filles qui avaient de meilleurs chronos que moi à l’époque, je suis fière: ça prouve que le travail paie.

Marieke Vervoort veut être enterrée avec le wheeler qui lui a valu tant de succès.
Marieke Vervoort veut être enterrée avec le wheeler qui lui a valu tant de succès.© CHRISTIAN VANDENABEELE

La foi est quelque chose qui apporte une dimension supplémentaire aux compétitions.

Je suis croyante et j’ai besoin de prier et de remettre ma course à Dieu. Je ne lui demande pas de m’aider à gagner, sinon ce serait de la triche, mais plutôt de me donner de la force, de m’aider à ne pas perdre mes moyens et à être en paix sur la piste. Le dimanche, on va à l’église puis on se retrouve en famille pour manger tous ensemble, j’adore ces moments parce qu’on rit beaucoup à la maison.

C’est inadmissible qu’on doive s’adapter dans un monde qui devrait être accessible à tous

On me fait toujours des blagues sur le fait que je change très souvent de coiffure.

Pour moi, mes cheveux sont super importants en compétition, le maquillage aussi. L’image que je renvoie quand je cours compte beaucoup: j’ai trop souffert, et j’ai tellement confiance en moi aujourd’hui que je ne peux pas me négliger. C’est primordial que je me sente belle sur la piste, à chaque compétition, je me fais belle comme pour un mariage.

C’est inadmissible qu’on doive s’adapter dans un monde qui devrait être accessible à tous.

Je mène un combat quotidien pour l’accessibilité, parce qu’avant d’avoir une voiture j’ai passé des années à devoir galérer dans les transports en commun, à apprendre à manoeuvrer des escalators en chaise… Je suis ravie d’avoir l’opportunité de faire bouger les choses avec Handicap International. Ça m’offre aussi la possibilité de raconter mon parcours dans les écoles, ce que je trouve primordial car il faut changer les mentalités et apprendre aux enfants que rien n’est impossible.

La santé mentale est très importante, et on a chacun notre histoire personnelle.

Qui suis-je pour critiquer le choix d’une athlète de se retirer d’une compétition? Simone Biles (NDLR: la championne américaine de gymnastique qui a renoncé à plusieurs épreuves aux JO) a dû traverser beaucoup de choses et je la comprends tout à fait. J’ai la chance de trop aimer rire pour vraiment sombrer, mais quand je sens que ça va mal, je me rappelle d’où je viens, le chemin que j’ai parcouru, et ça me motive énormément.

J’aurais aimé que mon père soit dans les gradins pour me voir.

Récemment, j’ai retrouvé une photo de lui sur une piste d’athlétisme, celle de mon premier club, c’est fou parce que je ne savais pas qu’il en avait fait! A chaque belle personne que je rencontre dans ma carrière, je me dis que c’est un signe que mon père m’envoie et qu’il est content et fier de moi.

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