La folie des grandeurs, ou quand les parcs à thèmes ne connaissent plus de limites
Un parc Astérix qui fête ses 30 ans avec une nouvelle attraction décoiffante, un Europa Park s’apprêtant à ouvrir une immense extension 100% aquatique, et des projets de dingue prenant vie au Japon, en France ou à Bahreïn. Même chez nous, les géants du divertissement sortent le grand jeu pour attirer toujours plus de familles. Mais jusqu’où iront-ils?
La crise, il y a une dizaine d’années, n’a pas épargné les parcs à thèmes. Et la concurrence est devenue tellement forte que chaque entreprise, aujourd’hui, tente de sortir la tête de l’eau avec des stratégies qui portent (plus ou moins) leurs fruits. D’un côté, l’essoufflement a été compensé par une meilleure mise en vitrine des produits dérivés dans des boutiques hors de prix. C’est la technique préférée de Disney, notamment, dont la vente des billets ne représente désormais plus que la moitié des revenus. De l’autre, on a développé l’offre hôtelière ou la restauration, tout en essayant de monter en gamme afin d’attirer une clientèle plus aisée. En Espagne, PortAventura a ainsi ouvert un hôtel 5-étoiles au sein de son propre parc, tandis qu’en Allemagne, l’Europa Park s’est vu attribuer deux étoiles au Michelin pour l’un de ses restaurants (L’Ammolite). A un niveau différent, chez nous, Plopsaland propose une formule « buffet de luxe et limousine avec chauffeur » aux futurs mariés qui souhaitent se dire « oui » entre deux doses de frissons…
On y va, on y reste
Bien sûr, les pros peuvent faire tout ce qu’ils veulent pour renflouer leurs caisses, mais il y a un impératif immuable: pour attirer les foules, il faut des attractions qui en jettent. Et qui se renouvellent régulièrement. Ce bon vieil Astérix l’a bien compris, lui qui souffle ses 30 bougies et franchit depuis deux saisons la barre des 2 millions de visiteurs annuels. Très loin de Disney – près de 15 millions de fans en 2018 – mais au coude à coude avec le Futuroscope et Le Puy Du Fou, le parc gaulois a sorti des atouts gargantuesques afin que le festin plaise à tout le monde. En guise d’entrée, des personnages « grandeur nature » qui vont davantage déambuler dans les allées ou sur les places du village, ainsi qu’un décor de Noël recouvrant entièrement les lieux dès la fin de cette année. Comme plat de résistance: une attraction en 4D qui, baptisée Attention Menhir!, prend place dans un tout nouveau théâtre de 300 places doté de sièges dynamiques, et où le vent, l’eau et même les odeurs jaillissent de toutes parts durant la projection d’un film d’animation décapant. Pour le dessert, direction la Cité Suspendue, un hôtel flambant neuf et entièrement bâti en bois, dont les 130 chambres sont posées sur des pilotis. De la belle ouvrage, comme on dit. Et à l’ambiance d’autant plus chaleureuse que le buffet du restaurant est aussi délicieux que surprenant. Des sangliers? Eh bien oui, par Toutatis!
Les responsables du Parc Astérix ne s’en cachent pas: en adjoignant un second hôtel (après celui des Trois Hiboux) à leur décor, ils tentent d’appâter une clientèle dite « de séjour », qui ne se contente plus de ne rester qu’une journée sur place. C’est l’une des autres grosses tendances du milieu: convaincre les gens d’envisager leur venue comme un véritable citytrip familial. Pas besoin d’aller jusqu’à (presque) Paris pour trouver un autre exemple: à partir de ce 22 juin, Pairi Daiza proposera à ses visiteurs de passer la nuit dans un complexe comprenant un hôtel, des maisons ou des lodges, le tout au coeur de sa nouvelle aile animalière baptisée The Last Frontier. Le « meilleur parc zoologique d’Europe » – dixit le très sérieux jury des Diamond ThemePark Awards – va ainsi encore plus loin, offrant une expérience alliant à la fois le luxe et l’immersion au sein de la faune.
Exotisme et Halloween
Du côté de Walibi – « meilleur parc d’attractions de Belgique » selon le même classement -, cette année 2019 est également marquée par l’arrivée d’armes de séduction massive bien affûtées: Karma World et Fun World, soit deux univers dotés de leurs propres spécificités. Dans le premier, on trouve la Popcorn Revenge, une attraction indoor qui revisite les scènes mythiques du septième art en permettant aux visiteurs de dégommer des pop-corns avec un fusil laser. Dans le second, dédié aux kids, la montagne russe Fun Pilot est une future star en puissance, avec ses passagers se propulsant à 40 km/h sur un parcours aérien. Bien sûr, dans ces nouveaux mondes, la restauration en profite pour monter en gamme avec deux enseignes qui s’échappent de la zone de confort frites/pizzas: l’une sert carrément des plats indiens dans une ambiance Bollywood. Pas de doute: l’exotisme a la cote. Tout comme les fameuses parenthèses en mode Halloween, devenues incontournables dans les calendriers, et qui permettent de faire le plein de visiteurs en seulement quelques journées, à une période jadis effrayamment creuse…
De l’eau à la pelle
Toujours chez nous, c’est Bellewaerde, à Ypres, qui sort le grand jeu et vient de débourser pas moins de 17 millions d’euros pour donner vie à un parc aquatique de 4.200 m². Piscines et toboggans à gogo, évidemment. Mais aussi une Lazy River qui parcourra l’ensemble du parc avec une halte dans une grotte, un mur d’escalade, des balades en bateau, ou une zone de détente extérieure avec bar et transats. Clou du spectacle: une longue course de vitesse sur des bouées géantes, qui s’imposera comme « une première en Europe » selon les gérants de l’hyperactive Compagnie des Alpes qui, soit dit en passant, exploite également le parc Astérix, le groupe Walibi ou le Futuroscope. Date d’ouverture de ce petit coin de paradis rafraîchissant: le 1er juillet prochain, autant dire demain. Soit une bonne année avant l’inauguration, à Hannut, d’un autre parc d’eau estimé à 22 millions d’euros et des poussières : le Plopsaqua, version sublimée de celui qui excite déjà les mômes à La Panne.
En ce début de siècle aux thermomètres estivaux qui s’affolent, les parcs à thèmes semblent avoir pris les devants. Même en Allemagne, dans le splendide et multiprimé Europa Park, on a choisi de faire pleuvoir les euros afin de bâtir un gigantesque monde aquatique. Répondant au nom de Rulantica, ce lieu grandiose devrait être prêt pour la fin 2019 et s’impose comme l’une des plus belles promesses en la matière. En son sein: pas moins de 25 attractions déployées sur 32 600 m² et réparties sur neuf espaces thématiques. Une ville sur pilotis, une rivière sauvage, une piscine à vague, des huttes suspendues, un lagon avec cascades et couchettes à remous, un pool bar, une aire en forme de glacier… Cela dans une ambiance Grand Nord où s’inviteront les trolls, les sirènes et les fées. Pour couronner le tout, un hôtel 4-étoiles – alias le Kronasar – a été implanté juste à côté. Inspiré d’un musée d’histoire naturelle, il abrite 304 chambres, dont 28 suites de luxe pouvant atteindre 92 m² de superficie. Côté cuisine? Deux options: le familial Bubba Svens en forme de hangar à bateaux, ou encore l’ultraraffiné Tre Kronen qui concocte des mets gastronomiques scandinaves dans un cadre gustavien. Ici, ce n’est pas un court séjour que l’on aspire à réserver, mais bien des vacances entières.
Valeur sûre: la pop culture
En parlant de vacances, les aventuriers, les vrais, devront carrément s’en aller explorer les quatre coins du globe pour comprendre à quel point les parcs d’attractions débordent d’idées folles et de projets affriolants. Les plus attendus? D’abord les nouveaux joujoux de Legoland, dont les ouvriers s’activent à emboîter les briques de deux chantiers de taille: l’un à New York (ouverture en 2020) et l’autre en Corée du Sud, sur l’île de Hajungdo, à l’est de l’immense métropole de Séoul, et ses 10 millions de visiteurs potentiels. Produits dérivés de la célèbre marque danoise Lego, ces mastodontes du loisir gérés par le groupe Merlin Entertainments (également propriétaires des labels Madame Tussauds ou Sea Life) sont les témoins d’une autre tendance dans cet univers ultraconcurrentiel: la confiance en des figures populaires, chouchous quasi intemporels du grand public.
L’entreprise Universal Studios, par exemple, l’a très bien compris. Après avoir décliné les grands classiques du cinéma – de King Kong à Jurassic Park, en passant par Shrek ou Harry Potter – à travers ses parcs américains et asiatiques, elle a aujourd’hui jeté son dévolu sur… les jeux vidéo. A ce titre, le Super Nintendo World s’annonce comme une machine de guerre. Première étape: l’empire du Soleil levant, où une immense zone thématique consacrée à Mario, Luigi et compagnie sera dévoilée en 2020 du côté de la baie d’Osaka, dans un Universal Studios Japan qui ne désemplit pas depuis sa création au début de ce siècle et qui reste le deuxième parc d’attractions le plus fréquenté de la nation (derrière Disney, of course). Avec ses paysages faits de gros champignons, de longs tuyaux verts et de briques en forme de points d’interrogation, ce « parc dans le parc » promet des sensations inédites, parmi lesquelles un parcours tiré du célèbre jeu Mario Kart ou une immersion à travers l’inquiétant château de Bowser… Ça promet.
Après le cinéma, les parcs s’attaquent aux jeux vidéo.
Et demain?
On le sent: le défi consiste aujourd’hui à en mettre plein la vue aux visiteurs. Partout dans le monde, les géants du divertissement se jettent dans l’arène à coups de milliards de dollars. Il faut dire que chaque parc d’attractions du globe se retrouve en permanence face au même défi: offrir des frissons à toutes les catégories d’âge d’une même famille et, surtout, les inciter à revenir encore et encore frapper à sa porte. Et puisque désormais, un parc qui en jette devient un prétexte à voyage en soi, il y a de fortes chances pour que la surenchère ne fasse que commencer. En ce moment même, à quelques centaines de kilomètres à peine de chez nous, Disneyland Paris est en train de créer un gigantesque lac surplombé d’une montagne de 40 mètres de hauteur qui servira d’extension à sa zone Studios. Soit le début d’un chantier qui ne s’achèvera que vers 2025, et qui verra s’ouvrir trois annexes respectivement dédiées à Star Wars, aux super-héros de Marvel (une première mondiale) et à La Reine des Neiges. Un challenge colossal. Mais la bande à Mickey n’a jamais eu peur des loopings.
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C’est indiscutablement l’un des projets les plus exceptionnels jamais imaginés: un parc à thème entièrement sous-marin. On le doit au royaume de Bahreïn, archipel prospère du golfe Persique qui, d’ici quelques mois, attirera tous les regards avec cette étendue de 100.000 m² qui se visitera muni de bouteilles de plongée. Sa pièce maîtresse: l’épave d’un Boeing 747 totalement immergé, dans lequel on pourra nager et qui servira de « maison » à la faune marine. Attention: l’endroit se voudra avant tout une zone écologique, puisqu’il permettra prioritairement d’observer les coraux et les dizaines d’espèces de poissons naviguant dans ces eaux ultraprotégées par le gouvernement du pays. Un modèle, sachant que jusqu’ici, on parle assez peu d’écotourisme quand on évoque les parcs d’attractions. Preuve qu’il reste encore quelques beaux défis à relever, même au nom de l’amusement. p>
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