François Perret, meilleur pâtissier du monde: « Il faut désacraliser tout ça » (+ 3 recettes)

© ALBAN COUTURIER

Encore une petite tranche de Noël, avec celui qui vient d’être sacré Meilleur pâtissier de restaurant des Grandes tables du monde. Le chef sort un livre tout en gérant la carte sucrée d’un mythique hôtel parisien. Oui, on peut avoir le goût du Ritz et celui du risque.

« Une pâtisserie, il faut presque que ça fasse peur », aime répéter François Perret. Déconcertant, surtout qu’à la première poignée de main, on décèle tout au plus une pointe de malice, mais aucune volonté d’intimidation. A l’une des tables du Ritz, le chef pâtissier de l’hôtel 5-étoiles nous explique d’où vient son envie d’effrayer les gourmands: « Je souhaite qu’en voyant arriver le dessert, on se dise « oh là là, je n’arriverai jamais à le finir ». Mais qu’à la fin, on ait envie d’un deuxième. »

Pour créer tout en légèreté ce goût espiègle de « revenez-y », pas question de renoncer au beurre, au lait entier ou à la crème sans UHT que le natif de Bourg-en-Bresse fait venir d’Etrez. Si le chef a décroché le titre de Meilleur pâtissier de restaurant des Grandes tables du monde, c’est grâce à un travail élaboré des volumes. Derrière l’apparente densité, se cache un jeu de biscuits émulsionnés, mousses aérées et textures vaporeuses.

Ainsi, de loin, son emblématique Marbré ressemble à une épaisse couche de ces cakes à deux pâtes. Mais la lame du couteau révèle la supercherie, dévoilant un montage précis de mousse à la vanille, caramel, chocolat croquant et biscuit. « Je t’ai bien eu! », semble aussi se targuer son Ritz au Lait, sorte de Petit écolier pour géant qui se révèle sensible comme une princesse au petit pois. On soupçonne le chef de veiller à nourrir le garnement qui est en lui. « Il faut que ce soit ludique. Notre métier est précis, rigoureux. Il faut jouer avec les formes, amener une pointe d’humour, désacraliser tout cela. Il y a beaucoup de l’enfance dans la pâtisserie: c’est la récompense, mais aussi ce dont on est privé quand on fait une bêtise. »

Il faut désacraliser tout ça.

C’est d’ailleurs dans la boîte en fer blanc de son enfance, garnie d’un assortiment de biscuits, qu’il est tout allé puiser. En 2015, après un passage remarqué au Shangri-La ou à l’hôtel Lancaster, il se voit confier les rênes de la réouverture de cette icône parisienne. « Quand on m’a dévoilé le nom du salon Proust – l’une des tables de l’établissement -, je me suis dit qu’il était impossible de proposer un tea time classique. Le Ritz a donné le ton dans l’hôtellerie de luxe, je voulais qu’il le donne aussi dans la pâtisserie. J’ai donc proposé un thé à la française, avec des présentoirs en porcelaine dessinés par Haviland et une déclinaison de seize biscuits. » Bien sûr, on y trouve la madeleine pour contenter le portrait de l’auteur au-dessus de la cheminée, mais aussi des spritz, pailles framboise ou gavottes. « Chaque client peut y retrouver sa madeleine de Proust. D’ailleurs, quand je discute avec eux, chacun évoque un dessert différent en fonction de ses souvenirs. »

Ses créations, il en dévoile les secrets dans un livre généreux de soixante recettes. Techniques décortiquées et précision du geste raviront les experts, mais le chef encourage à y voir surtout un guide d’inspiration. « Une recette est là pour donner des idées, pour vivre. On me demande parfois si c’est compliqué, or ce n’est pas la question. Notre rôle, c’est de figer ce qu’on a créé, mais après, il ne faut pas forcément suivre la recette de A à Z. L’autre jour, j’ai pris moi-même le livre à la maison pour faire le gâteau au chocolat à ma fille, mais je l’ai fait différemment. »

Instants sucrés au Ritz Paris, par François Perret, La Martinière, 200 pages.

François Perret, meilleur pâtissier du monde:
© BERNHARD WINKELMANN

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