Ils changent le monde | Hadrien Velge, CEO de Eclo: « On veut offrir des possibilités aux gens »

Eclo Hadrien Velge
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Kathleen Wuyard-Jadot
Kathleen Wuyard-Jadot Journaliste

2023 aura été une année fertile pour Hadrien Velge (34 ans), CEO d’Eclo, qui a quitté (Le Champignon de) Bruxelles pour Liège et la production d’un substrat pensé pour booster la durabilité et les valeurs nutritives des cultures européennes.  

Au commencement était le champignon. Ou plutôt Le Champignon de Bruxelles, un projet qui sonnait comme une promesse : celle de cultiver de manière responsable des ingrédients qu’il fallait jusqu’ici importer de (très) loin.

Jusqu’à ce qu’Hadrien Velge et ses acolytes s’en mêlent : sous la houlette de leur quatuor de tête, formé également par Quentin Declerck, Thibault Fastenakels et Sylvère Heuzé, les caves de Cureghem vivent une nouvelle reconversion réussie avec des cultures sur place de… champignons exotiques, shiitakés en tête.

Des ingrédients produits localement par Le Champignon de Bruxelles pour répondre à l’engouement européen pour leur saveur sans passer par la case importation par avion. Un projet d’autant plus ambitieux que quand Hadrien Velge se lance dans l’aventure, il sort tout juste de ses études d’économie et n’a que quelques stages sur son CV : son premier boulot est donc, de facto, au sein de l’entreprise qu’il crée.

Et si le pari peut sembler drôlement risqué, il s’avère rapidement gagnant. Les champignons made in Bruxelles rencontrent un franc succès, tant pour leur goût que pour leur empreinte carbone réduite à peau de mycélium. Pourtant, moins de dix ans après leur arrivée sur le marché, place déjà à une réinvention réussie de l’entreprise. Adieu Le Champignon de Bruxelles, bonjour Liège et la production de substrat, devenue l’activité principale de ceux qui n’en ont décidément pas fini de repenser nos réflexes alimentaires, et le font désormais sous le nom d’Eclo.  

Nouvelle ère

«Le substrat est l’équivalent de petits semis, qu’on prépare pour des producteurs européens qui s’en servent pour cultiver des champignons, qu’ils soient exotiques ou non. A l’époque du Champignon de Bruxelles, on a beaucoup travaillé notre substrat, réalisé en économie circulaire grâce, notamment, à des invendus de pain recyclé dans notre préparation. Progressivement, on a réalisé qu’il y avait un vide sur le marché en ce qui concernait les substrats de qualité », raconte Hadrien Velge, qui a décidé de répondre à une problématique d’offre « inconstante et fluctuante ». 

Pourquoi à Liège ? « Dans notre reconversion, on a pu compter sur le soutien de notre investisseur principal, Noshaq, actif en région liégeoise. C’était donc logique de nous y implanter, d’autant qu’il est très important pour nous de nous inscrire dans une démarche sociale et de création d’emplois, qu’ils soient qualifiés ou non. On veut offrir des possibilités aux gens, en les formant. Tout ce qu’on leur demande, c’est d’avoir la volonté de participer au projet », confie encore le CEO.

Sa volonté à lui ? « Soutenir et être à la base d’une agriculture qui produit des ingrédients ayant des intérêts nutritifs et médicinaux, avec un vrai souci de l’environnement. Notre production fait attention à la planète et à livrer des produits de qualité, et on espère inspirer d’autres à faire pareil. Non seulement en adoptant une démarche durable, par exemple en recyclant des déchets, comme on le fait lors de la production de notre substrat. » Et cela plaît : depuis 2023 et la mise en activité de l’usine liégeoise d’Eclo, celle-ci fonctionne déjà à pleine capacité de production, avec pour objectif 3 600 tonnes de substrat produit à partir de résidus organiques recyclés en 2024, et plus du double à l’horizon 2026. 

Futur fertile

« Notre processus utilise des sous-produits venus d’autres industries, qu’il s’agisse de sciure de bois ou de déchets agricoles tels que le son ou le blé. Le champignon est un très bon décomposeur de matière organique, ce qui lui permet de transformer efficacement ces déchets, et les champignons qui poussent sur notre substrat ont des qualités nutritives très intéressantes. En produisant le matériau nécessaire à leur culture en Europe, on permet à ceux qui le désirent de produire shiitakés et autres espèces exotiques dans leur propre pays plutôt que d’importer des substrats qui viennent en conteneurs réfrigérés de Chine», explique encore Hadrien Velge.

Pour qui « travailler dans une industrie qui a le vent en poupe est enthousiasmant ». Mais il reste réaliste et pointe que malgré l’intérêt actuel pour le champignon et toutes ses applications, de la gastronomie à la mode en passant par l’architecture ou la médecine alternative, « tout ce qui est tenté en ce moment ne fonctionnera pas forcément, mais cela reste un monde d’exploration ».

Et d’ajouter assister actuellement dans son entourage à un éveil, et à la naissance de néo-entrepreneurs qui n’ont plus envie de se contenter de consommer des ressources mais bien de contribuer à la société en lui apportant de la valeur. Par exemple, en se lançant sur le terrain du substrat ? « Dans un monde qui produit beaucoup de déchets, je trouve intéressant d’apporter une solution tout en cultivant une nourriture saine, qui a en outre des intérêts médicinaux assez remarquables. » Vive les spores !

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