Le cidre a changé! Venez voir (et goûter) pourquoi à Bruxelles

festival pompompom cidre bruxelles
Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

Le cidre artisanal a son rendez-vous incontournable à Bruxelles: PomPomPom. L’évènement revient pour une quatrième édition les 23 et 24 août 2025 au Vaux Hall. Un festival gratuit, au sein duquel plus de 20 producteurs européens viendront faire déguster leurs cuvées libres et insolentes. Les quatre organisateurs livrent les coulisses d’un rendez-vous joyeusement indocile.

L’image du cidre a bien changé en quelques années. On est loin de la bolée rustique d’antan. Petit à petit, la boisson se défait de l’étiquette industrielle, souvent sucrée à l’excès, qui lui collait à la peau. Aujourd’hui, elle incarne une effervescence humble et exigeante, à la fois ancrée dans le terroir et contemporaine, sans châteaux ni monopoles. Ce contraste s’affiche d’autant plus vivement à l’heure où le champagne est rattrapé par des révélations sur l’exploitation de saisonniers dans certains vignobles de grandes maisons, dont Moët & Chandon, avec conditions de travail dégradantes et rémunérations en deçà du Smic.

À contre-courant, le cidre propose un récit différent. Plus de vingt producteurs venus de Belgique, de France, du Royaume-Uni, d’Allemagne, des Pays-Bas, du Portugal et d’Espagne se retrouveront à Bruxelles les 23 et 24 août, dans l’écrin étonnant du Vaux Hall (Parc de Bruxelles). Le festival PomPomPom, dont ce sera la quatrième édition, célèbre un cidre libre, souvent déroutant. Le tout pour un week-end, farci de musiques et de bonne bouffe, pensé comme une zone autonome temporaire – ou TAZ, selon le concept d’Hakim Bey – un espace-temps fugace, affranchi des normes de rentabilité et propice aux échanges.

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On en profitera pour se défaire de quelques idées reçues. Car le cidre reste amplement méconnu, y compris parmi les amateurs éclairés. Un exemple ? On l’imagine exclusivement pétillant, léger, fruité, sucré parfois – alors qu’il existe aussi sous forme « tranquille », sans gaz, plus proche du vin que de la bière. Un cidre plat, c’est un autre tempo : une texture plus soyeuse, une longueur en bouche, une lecture plus nue du fruit. Moins de mousse, mais plus de matière. Et souvent, plus de place aux accords avec la cuisine.

Bref, il est temps de se forger une culture cidricole digne de ce nom – aussi précise, diverse et exigeante que celle du vin naturel ou de la bière craft.

C’est ce que défend PomPomPom. Derrière cette utopie mousseuse : quatre trentenaires bruxellois, Arthur Tixhon, Gary Schwarts, Pablo Crutzen Diaz et Julian Stouffs. Nous les avons rencontrés pour comprendre les racines de cette aventure collective.

Comment est né le projet PomPomPom?

L’idée est née un peu par hasard et beaucoup par envie. On sortait du Covid, on avait besoin de se reconnecter au réel, à la fête, au goût. Un jour, en route pour des vacances en Bretagne, on est tombés sur un panneau au bord de la route : “Vente de cidre artisanal”. On a suivi la flèche. Et on a rencontré Jehan Lefebvre, à la Ferme des Landes, près de Saint-Malo. Il faisait un cidre comme on n’en avait jamais goûté : précis, sec, complexe, loin des clichés sucrés qu’on associait jusque-là à cette boisson. Ce fut une révélation.

De retour à Bruxelles, on a voulu continuer cette impulsion. Alors on s’est mis à faire du cidre, à notre manière. On a récolté des pommes dans des vergers oubliés en périphérie bruxelloise. Comme des pirates, on a fermenté le tout dans les sous-sols du Grand Hospice, dans le centre-ville. Cela nous a permis de découvrir tout un monde que l’on a eu envie de défendre : celui des petits producteurs, des cidriculteurs belges et étrangers qui expérimentaient, assemblaient, inventaient, souvent dans l’ombre.

On a alors eu l’idée de créer un espace, un moment, pour partager cette énergie. Le festival est né comme ça : de l’envie de faire connaître cette nouvelle scène, de faire place une fête populaire dans laquelle le cidre serait à la fois prétexte et matière, boisson et culture. À l’époque, on n’était pas du tout du sérail mais on avait une chose en commun : l’envie de faire ensemble, avec nos moyens, et d’offrir aux autres une expérience joyeuse et désirable.

Pourquoi avoir choisi la forme d’un festival plutôt qu’un salon?

Parce qu’on n’avait aucune envie de faire un énième salon de dégustation avec nappes blanches et crachoirs. Ce n’est pas notre monde, ce n’est pas notre génération. Le cidre qu’on aime, celui qu’on a découvert et qu’on fabrique parfois, c’est une boisson vivante. Il fallait donc un format en phase. On voulait casser les codes, mélanger les genres, croiser les publics. Et surtout faire la fête.

Dès le départ, on a imaginé un événement hybride. Où l’on pourrait goûter des cuvées pointues, parler terroir avec des producteurs, mais aussi danser, manger, se retrouver dehors, en plein air. Un moment de culture populaire au sens noble du terme. C’est comme ça qu’est né PomPomPom : un festival qui ne réduit pas le cidre à sa fonction d’accompagnement, mais qui en fait le cœur battant d’une expérience sensorielle et collective.

La musique a toujours été essentielle. Plusieurs d’entre nous viennent de ce milieu. Donc très naturellement, on a voulu programmer des DJ sets, des lives, des sons qui bousculent, qui embarquent. On propose de la rumba congolaise, de la dub, des performances plus expérimentales aussi, à l’instar de ce jeune musicien qui mixe de la dub sur vinyle… tout en jouant de la flûte traversière en direct par-dessus. Une sorte de sound system baroque, bricolé et généreux.

Et côté nourriture, vous avez aussi soigné la proposition?

Évidemment. Le cidre se marie bien avec la nourriture. Il fallait donc que la nourriture soit à la hauteur – accessible, festive, mais jamais banale. On a toujours fait appel à des ami·es ou des gens qu’on respecte dans l’horeca bruxellois, parce qu’on voulait que ce soit incarné. Pas juste un food truck posé là pour remplir l’estomac.

L’année dernière, on avait une petite offre très bien pensée : un pain garni avec du kimchi maison et une bonne saucisse de campagne, une version végétarienne au halloumi grillé, une autre au falafel – de vrais sandwiches généreux, travaillés, avec du goût. Cette année, on garde ce même esprit : street food joyeuse, pas snob mais bien exécutée, avec des produits de qualité. Et une attention réelle à l’alternative végé.

Le festival est gratuit, vraiment?

Oui, et on y tient. L’accès au festival est entièrement gratuit. Pas de billet d’entrée, pas de badge à scanner. On voulait que PomPomPom soit un lieu poreux, ouvert, où les gens puissent venir par curiosité, rester pour l’ambiance, repartir avec une nouvelle culture en bouche. Évidemment, il y a un système de dégustation payant, mais on l’a voulu transparent et juste.

Pour goûter les cidres, on demande simplement aux visiteurs d’acheter un verre sérigraphié. Il coûte 4 euros et il est réutilisable, durable. Beaucoup de gens le gardent d’une année à l’autre. C’est aussi une manière de soutenir l’événement, de le matérialiser.

Ensuite, on fonctionne avec un système de tickets. Chaque producteur propose ses cuvées et les fait déguster contre un ticket. Là aussi, on veille à l’équité : tous les stands pratiquent le même tarif, et les portions sont généreuses. Il ne s’agit pas de micro-gouttes sur un comptoir en inox, mais de vrais verres, pensés pour que les gens prennent le temps de déguster. Pas pour faire le tour en dix minutes.

Ce modèle fonctionne aussi parce que les producteurs jouent le jeu. Ils ne paient pas pour avoir un stand, contrairement à ce qui se fait dans beaucoup de salons. En échange, ils reçoivent une part des bénéfices générés par les dégustations. C’est gagnant-gagnant : le public découvre de super cuvées à prix modéré, et les producteurs repartent avec une vraie reconnaissance – humaine et économique. Enfin, tout ça ne serait pas possible sans une grosse part de bénévolat. PomPomPom reste un projet parallèle à nos activités principales. Mais on est entourés d’amis, de proches, de gens qui croient au projet. Et cette énergie collective, ça se ressent dans l’ambiance.

Pourquoi un tel engouement pour le cidre aujourd’hui?

On pense qu’il y a une vraie soif de sens derrière ce retour du cidre. C’est une boisson qui résonne. Qui parle de fruit, de terroir, de fermentation naturelle. Dans un monde de plus en plus désincarné, le cidre propose quelque chose de tangible, de sensoriel, d’immédiatement lisible. Il y a une sorte de compensation symbolique là-dedans : on a perdu le lien au végétal, aux saisons, aux gestes agricoles – et le cidre, quelque part, le rétablit. Même en ville, même à travers un verre.

« C’est une boisson qui colle à notre époque: plus légère en alcool, plus digeste, plus mobile. »

Il y a aussi quelque chose de plus intime, presque archaïque. Le goût de la pomme, le bruit d’un pressoir, l’odeur d’un fruit trop mûr… ça parle à beaucoup de gens. Ça réveille un imaginaire rural, un souvenir d’enfance peut-être, même chez ceux qui ne l’ont pas vécu. On touche là à une forme de paradis perdu. Le cidre, c’est un peu de nature liquide, à portée de main. Ça rassure, ça ancre. Et c’est une boisson qui colle à notre époque : plus légère en alcool, plus digeste, plus mobile. On peut en boire à midi sans se sentir plombé. On peut en parler sans jargon. On peut en faire chez soi sans formation d’œnologue. Ce côté accessible, démocratique, y compris dans la production, fait que beaucoup de gens s’y reconnaissent.

Et puis il y a la diversité. Il n’y a pas un cidre mais des cidres. Pétillants, tranquilles, bruts, acidulés, houblonnés, infusés… Il y a des producteurs qui travaillent comme des vignerons, d’autres comme des brasseurs, certains comme des alchimistes. Il y a des cuvées élevées en amphore, d’autres complètement sauvages, avec des levures indigènes. Il y a même du cidre… sans pomme ! On a vu des trucs avec du coing, de la poire, de la rhubarbe. Pour nous, le cidre, ce n’est pas un produit fini : c’est un terrain de jeu.

Comment le public du festival a-t-il évolué depuis la première édition?

C’est l’un des plus beaux trucs à observer, honnêtement. Au départ, PomPomPom, c’était très confidentiel. Une première édition montée un peu à l’arrache, entre potes, avec quelques producteurs qu’on aimait bien, dans la cour du Grand Hospice. On avait bricolé un bar, posé deux enceintes, prévu un peu de bouffe. On n’avait pas de budget, mais on avait l’élan. Et les gens sont venus. Pas des foules, mais des gens vraiment curieux, ouverts, réceptifs.

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Depuis, ça n’a cessé de grandir. Pas seulement en nombre, mais en diversité. Aujourd’hui, on voit débarquer des amateurs de vin nature, des gens de la restauration, des familles avec enfants, des cyclistes de passage, des touristes qui tombent dessus par hasard. C’est très joyeux, très mélangé. Il y a des discussions autour des cuvées, des gens qui prennent des notes, d’autres qui dansent un verre à la main. Ce n’est pas cloisonné. Il n’y a pas de codes à respecter pour participer.

Ce qui nous touche, c’est que le festival a créé un vrai espace de rencontre. Entre producteurs et public, bien sûr, mais aussi entre les producteurs eux-mêmes. Il y en a qui ne se connaissaient pas avant PomPomPom et qui ont monté des projets ensemble ensuite. On sent qu’il y a une petite scène européenne du cidre qui est en train d’émerger, et si on peut être un des points de passage de cette dynamique, c’est déjà énorme. Mais ce qui a le plus changé, peut-être, c’est le regard porté sur le cidre. On n’entend presque plus les réflexes du genre “je n’aime pas le cidre, c’est trop sucré”. Les gens viennent avec un vrai appétit de découverte. Et ça, c’est une victoire collective.

EN PRATIQUE
Les samedi 23 août et dimanche 24 août 2025. Vaux Hall, Parc Royal, 1000 Bruxelles.
Horaires: de 12h30 à 23h, les deux jours.
Accès: entrée gratuite pour tous, sans réservation.
Verre de dégustation: 4 euros, à acheter sur place (verre réutilisable).
Dégustations: système de tickets à acheter sur place, chaque ticket donne droit à un verre de cidre.
Producteurs présents: plus de vingt cidriculteurs venus de Belgique, France, Royaume-Uni, Allemagne, Pays-Bas, Espagne et Portugal – dont les Belges de Druug, de l’Atelier Constant Berger ou de la Cidrerie du Condroz, voire Elegast (NL), Ross on Wye (UK), Antoine Marois (FR) ou Raia (ES).

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