Copenhague demeure le haut lieu de la nouvelle cuisine nordique. Dans ce lignage, les plats minimalistes de Rasmus Kofoed, du restaurant Geranium, procurent une expérience hors du commun.
Les chefs scandinaves ont pris le parti de repenser la gastronomie, en intégrant, dans des plats débordant de créativité, des ingrédients bien de chez eux et toutes les richesses de la nature locale. Au Nord, on se livre à coeur joie à ces expériences culinaires, si bien qu’aujourd’hui, le monde entier veut découvrir la nouvelle cuisine nordique. Des chefs danois se vantent d’ailleurs que la moitié des touristes visitent leur pays pour sa bonne chère. Avec son restaurant Noma, numéro un mondial, René Redzepi a placé le Danemark parmi les destinations gastronomiques incontournables. Même si d’autres grands noms ont suivi ce surdoué, comme les Suédois Mathias Dahlgren et Magnus Nilsson, Copenhague demeure le haut lieu de cette mouvance innovante.
Depuis peu, un autre chef du cru est aussi souvent cité : Rasmus Kofoed (39 ans). Son restaurant, Geranium, est juché au huitième étage d’un immeuble de bureaux moderne, dans un complexe qui abrite aussi un stade. La salle à manger spacieuse, décorée dans un style scandinave, tout en sobriété, offre une vue sur la ville, ses parcs et la mer à l’arrière-plan.
Ce n’est toutefois pas du jour au lendemain que Rasmus Kofoed est devenu l’un des meilleurs chefs au monde. Ce fut avant tout une question de persévérance puisqu’il a remporté successivement le bronze, l’argent puis l’or aux Bocuse d’Or, l’un des plus prestigieux concours mondiaux de la discipline. Ces trophées sont exposés sur une table surélevée, devant la vitre blindée qui donne sur le terrain de football. Depuis son poste d’observation, Rasmus Kofoed supervise sa cuisine-laboratoire. Dans tout ce qu’il entreprend, ce travailleur obstiné reste délicat et concentré. Rien n’est d’ailleurs laissé au hasard, preuve en est les deux étoiles Michelin décrochées en deux ans.
Une musique chaloupée est diffusée dans la grande cuisine ouverte tandis que quatorze cuistots s’appliquent dans le calme à leurs préparations minimalistes, souvent une pincette à la main. Le menu Univers se compose de vingt-huit petites portions, servies l’une après l’autre, à un rythme soutenu. Lorsque les quarante-huit places du restaurant sont occupées, c’est près d’un millier de ces bouchées qui sortent de la cuisine en une soirée ! Les jeunes cuisiniers viennent des quatre coins de la planète pour travailler au Geranium. Ainsi, Klaus Mayr, chef aux bras recouverts de tatouages, est mi- allemand, mi-mexicain. Il habitait en Floride avant de débarquer à Copenhague. Comme beaucoup de garçons de cuisine, il a l’air brut de décoffrage mais sa manière de travailler est subtile et méticuleuse. La clientèle est, elle aussi, internationale, et c’est un véritable melting-pot de langues qui émane de la salle du restaurant. Un restaurant dont les clients sont prévenus : ils ne doivent pas venir ici pour se gaver, mais pour vivre une expérience hors du commun en dégustant des plats à base de baies d’argousier, de moutarde de Bornholm, d’ail des ours, d’aspérule odorante, etc.
C’est que Rasmus Kofoed a une passion depuis toujours pour les légumes et les herbes aromatiques. Né à une centaine de kilomètres de la capitale danoise, il a grandi dans un environnement boisé, en contact avec la nature. Sa mère était végétarienne, mais lui utilise aussi du poisson, des fruits de mer et des produits laitiers locaux, comme le fromage de chèvre et de brebis frais. Le menu Univers ne compte qu’un plat à base de viande : une gelée translucide, concoctée à partir de jambon local et servie avec une eau de tomate transparente et des fleurs comestibles. Pour accompagner ces mets légers et naturels, des vins qui le sont tout autant, ainsi que des jus de légumes et de fruits frais ou des bières de petites brasseries danoises.
Perfection contagieuse
Rasmus Kofoed est la tête pensante de l’établissement. Il trouve les idées que l’équipe peaufine ensuite. Une cinquantaine de plats voient ainsi le jour chaque année. Selon le chef australien Will King-Smith, Rasmus Kofoed veut exceller en tout. Son but est de s’améliorer de jour en jour, et cette mentalité semble déteindre sur l’ensemble de l’équipe.
Rasmus Kofoed aime également les illusions d’optique. Le repas commence par un faux épi de blé, avec une sauce froide à base de fromage de chèvre danois. Il est suivi d’une boule croquante à la carotte, fourrée de canneberges. Viennent ensuite des branches croustillantes de topinambour et de seigle, accompagnées d’une mayonnaise aux noix. La coquille de couteaux est imitée par une pâte peinte à l’encre de seiche, ce factice étant ensuite farci d’un hachis à base de ce crustacé. Rasmus Kofoed sert par ailleurs des pattes crues de crabe royal sur un bloc de glace, garnies de chair cuite et d’herbes fraîches. Le plat est assaisonné à table avec de la mûre arctique séchée et broyée. Spectaculaires, les « pierres d’aneth », vertes et comestibles, sont servies sur des galets avec une sauce au raifort et un croustillant au concombre. Du côté des desserts, on a droit à une branche croquante de prunes à la pastille de bière amère, une bouchée sucrée au goût subtil et intense. Du grand art que cette savante simplicité…
Sa Recette de Mousse de yaourt de brebis avec feuille de betterave rouge
Pour 4 personnes
50 g de yaourt au lait de brebis
10 g de blanc d’oeuf
15 g de sucre impalpable
20 g de crème
1 feuille de gélatine
Pour la feuille de betterave rouge :
125 g de purée de betterave rouge
15 g de sucre
20 g d’isomalt
5 g de glucose
3 g d’acide ascorbique
Pour la garniture :
poudre d’oseille séchée
fleurs comestibles
Faire tremper la gélatine dans de l’eau glacée. Battre la crème avec le sucre jusqu’à ce que des pointes se forment. En faire autant du blanc d’oeuf. Dissoudre la gélatine dans le yaourt de brebis et y intégrer d’abord le blanc d’oeuf battu puis la crème battue à l’aide d’une spatule. Répartir dans quatre petits moules. Mettre au congélateur.
Pour la feuille de betterave rouge, mélanger les ingrédients. Étaler une fine couche d’appareil sur une plaque de cuisson antiadhésive. Cuire à 100 °C pendant 90 minutes.
Rouler la mousse de yaourt dans la poudre d’oseille et laisser la mousse dégeler partiellement. Décorer avec une feuille de betterave rouge et des fleurs comestibles.
Par Pieter van Doveren
>>> Retrouvez l’intégralité de cet article et deux autres recettes délicieusement trompe-l’oeil dans le Vif Weekend du 10 octobre 2014. p>
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