Avec son restaurant new-yorkais Ilis, le chef Mads Refslund réécrit les règles de la gastronomie

© Evan Sung

Le chef danois Mads Refslund (47 ans) a co-fondé le Noma, ce qui fait de lui l’un des pionniers de la nouvelle cuisine nordique. Après plus d’une décennie de consulting à New York, il a ouvert à Brooklyn en octobre dernier Ilis, un restaurant qui, selon le Michelin, «tente de réécrire les règles de la gastronomie».

Prendre des risques


Travailler pour d’autres est une prison confortable.
En tant que consultant, j’étais dans une position désirable, sans véritable stress financier, mais je savais qu’un jour j’aurais à nouveau ma propre entreprise. J’ai pu décider entièrement de l’ADN d’Ilis, du menu à la conception du site Web. Dans la vie, on n’atteint ses objectifs qu’en travaillant dur et en prenant des risques.

Pas de frontières


La frontière entre cuisine et salle à manger m’a toujours paru insensée. Les personnes qui travaillent en cuisine font de très longues heures pour gagner moins que le personnel de salle, qui travaille moins longtemps mais empoche les pourboires. Ce contraste est particulièrement marqué aux Etats-Unis. Dans ma propre entreprise, je n’ai pas voulu de cette distinction, donc les chefs travaillent comme serveurs quelques jours par mois. De cette façon, ils restent en contact avec les clients et tout le monde gagne le même montant. En outre, personne ne peut décrire avec plus d’enthousiasme le contenu d’une assiette que quelqu’un qui l’a préparée lui-même.

La liberté

Ce n’est qu’en ouvrant la porte de sa cage que l’on sait si un oiseau veut rester ou non. Il en va de même pour les gens. C’est cela la liberté: choisir de rester quelque part, même si l’on sait qu’il y a d’autres possibilités. Avec Ilis, j’ai créé un lieu de jeu, d’expérimentation, un endroit où j’ai envie de revenir encore et encore parce que j’ai choisi de le faire.

Le feu et la glace


Les contrastes de la nature sont une source d’inspiration. Ilis est une contraction des mots danois pour «feu» et «glace». Au fond, en cuisine, on recherche toujours l’harmonie entre les contrastes: sucré-salé, amer-acide, cru-cuit… Et puis la nature est capricieuse et changeante. Une tomate n’a pas le même goût aujourd’hui que demain ou hier. Pourquoi rechercher la constance si les matières premières qu’on utilise ne le sont pas?

« J’ai appris qu’on n’avance que lorsqu’on accepte ce que l’on ne peut pas changer. »

L’ancêtre du Noma


La créativité naît des contraintes. Lorsque René Redzepi et moi avons ouvert un restaurant à la North Atlantic House, l’ancêtre du Noma, il s’agissait d’une sorte de centre culturel pour la région de l’Atlantique Nord. Nous étions tenus de ne cuisiner qu’avec des ingrédients locaux, et c’est justement cet impératif qui nous a poussés à nous dépasser. Nous nous sommes plongés dans l’histoire de nos traditions culinaires, découvrant des cultures disparues ou oubliées, ainsi que des techniques de cuisson et de conservation. C’est en raison de limites imposées que la gastronomie néo-nordique a vu le jour.

Gaspiller moins


Le partage de connaissances est un devoir. Tout au long de ma carrière, j’ai cherché des méthodes pour gaspiller le moins de nourriture possible. Avec une simple carotte, on peut faire une soupe, une huile et un pesto. Pas un morceau n’est gaspillé. Actuellement, je cherche aussi comment incorporer la viande de vaches laitières à la retraite dans mon menu. C’est un privilège d’avoir le temps de se préoccuper de telles questions. Mais il ne prend toute sa valeur que lorsqu’on peut transmettre les réponses, avec l’espoir d’initier un changement à grande échelle.

Maniaque du contrôle


On ne peut pas contrôler le vent, seulement la voile de son bateau. Je suis un maniaque du contrôle. Ce côté de moi a pu prendre le dessus, mais j’ai appris qu’on n’avance que lorsqu’on accepte ce que l’on ne peut pas changer. L’ouverture d’un restaurant s’accompagne de frustrations et d’échecs. Des voisins qui se plaignent, du personnel qui fait défaut: la clé est de trouver des solutions créatives et de ne pas se focaliser sur ce qui est hors de votre contrôle.

Changer


Le changement climatique doit donner lieu à un changement de nos choix alimentaires. Trop de gens mangent encore chaque jour de la viande de mauvaise qualité, alors qu’ils pourraient tout aussi bien investir dans un bon morceau une fois par semaine. Quand on voit les produits chimiques utilisés dans l’agriculture, il ne faut pas s’étonner si l’on est bientôt à la merci de maladies invisibles et d’une pénurie d’eau potable. Ces questions devraient préoccuper tout le monde.

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