La gaufre de Bruxelles vue par le pâtissier américain Francisco Migoya
Durant l’été, Le Vif plonge dans l’histoire de notre patrimoine gourmand. Cette semaine, place à cette bonne pâte quadrillée qui nécessite, en gros un peu de farine, des œufs, du lait, du beurre et un gaufrier. Et vu d’Amérique, il n’y a pas franchement de différence. Explications par Francisco Migoya, l’un des meilleurs pâtissiers américains, chef de l’équipe de Modernist Cuisine et coauteur de Modernist Pizza.
Quelle est votre définition d’une bonne Belgian Waffle made in USA et que représente-elle pour le grand pâtissier que vous êtes ?
Pour moi, il s’agit d’une gaufre qui doit spécifiquement être faite avec de la levure comme agent levant afin de produire sa saveur et son arôme distinctifs de pâte fermentée qui la rendent si spéciale. Le goût et l’arôme ressemblent à ceux d’un pain fraîchement cuit, légèrement sucré et beurré, presque comme une brioche, avec une texture de surface croustillante due à la cuisson dans un gaufrier, mais toujours chaude, humide et douce à l’intérieur. Elle peut être de forme rectangulaire, mais si elle est ronde, cela ne pose pas de problème pour moi personnellement. Toute gaufre fabriquée avec un agent levant chimique, comme la levure chimique, n’est pas une gaufre de Bruxelles à mon avis.
Avez-vous déjà testé la version traditionnelle made in Belgium ?
Malheureusement, je ne suis jamais allé en Belgique. J’avais prévu d’y donner un cours en 2020, mais la pandémie a frappé et, bien sûr, le cours a été annulé.
Vous arrive-t-il d’en préparer ? Et qu’y rajoutez-vous pour qu’elles portent votre signature ?
J’ai déjà fait les deux types de gaufres, la bruxelloise et la liégeoise, à partir de recettes que j’ai depuis si longtemps que je ne me souviens même plus d’où elles proviennent. Pour les gaufres de Liège, si je n’ai pas de sucre perlé, j’écrase des cubes de sucre brun qui sont un bon substitut et ont aussi une saveur distincte. Je pourrais même préférer ce sucre au sucre perlé !
La gaufre bruxelloise/Belgian Waffle a conquis l’Amérique lors de l’Exposition Universelle de New York en 1964. Pourquoi un tel succès, selon vous ?
Je pense qu’elle a eu du succès pour de nombreuses raisons, mais surtout parce que j’imagine que l’arôme de sa cuisson était irrésistible et remplissait probablement la pièce. Je trouve intéressant qu’il ait fallu changer le nom de la gaufre de Bruxelles pour celui de gaufre belge, dans l’hypothèse, peut-être vraie, où certains Américains ne sauraient pas où se trouve Bruxelles, mais c’est surprenant, car il s’agissait après tout d’une exposition universelle, pas d’une foire de petite ville.
Quand un Américain en mange à Bruxelles, risque-t-il d’être déçu et de ne pas retrouver sa « Madeleine de Proust » ?
Je n’accorderais pas nécessairement trop d’importance aux attentes d’un Américain mangeant une gaufre de Bruxelles ou de Liège, simplement parce qu’un Américain pourrait trouver inhabituel (et oui, peut-être décevant) que le sirop d’érable ne fasse pas partie de l’équation. J’espère qu’elle sera appréciée pour ses propres vertus et qu’elle ne sera pas comparée à la gaufre américaine, qui est chimiquement levée et différente à cet égard.
Vu d’Amérique, la gastronomie belge se résume-t-elle à ses gaufres ?
Depuis quelque temps, lorsque le nom « belge » est ajouté à un aliment, il est très apprécié aux États-Unis. Le « chocolat belge », par exemple, jouit d’une suprématie sur les autres chocolats et est sur la même longueur d’onde que le « chocolat suisse » pour de nombreux Américains.
En bref
Francisco Migoya est le chef cuisinier de l’équipe de Modernist Cuisine. Il a été nommé Meilleur Chef Pâtissier et Chocolatier des Etats-Unis et a été récompensé de la Médaille du Meilleur Artisan Pâtissier en 2013 par l’école de pâtisserie Gremio de Barcelone. Le travail de chef pâtissier audacieux a été salué en 2014 par l’International Association of Culinary Professional Cookbook Award du meilleur livre de cuisine décerné à son ouvrage The Element of Dessert (éditions John Wiley & Sons). Il est également le co-auteur de Modernist Pizza, encyclopédie en 3 volumes (à paraître en septembre prochain).
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