La cuisine aux algues, quand l’océan se change en verger

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Fanny Bouvry
Fanny Bouvry Journaliste

Riches en nutriments, les végétaux marins sont également d’imparables ingrédients pour les cuistots en quête d’originalité. Deux Bretonnes nous montrent la voie, cela va de soi.

Elles se sont rencontrées lors d’un cocktail de l’Office de tourisme. Régine Quéva avait alors déjà découvert toute la richesse des algues à l’occasion d’une sortie sur l’estran quelques années plus tôt:  » Ce fut pour moi une révélation, se souvient-elle. Je me suis d’un coup rendu compte du potentiel nutritif de tous ces végétaux à disposition sur le sol. C’était un peu comme si je venais de marcher sur la table d’un grand dîner… Depuis, je n’ai cessé de m’intéresser au sujet et j’organise moi-même des balades, des conférences, etc. « 

Par Régine Quéva et Catherine Le Joncour, éditions Flammarion, 160 pages.
Par Régine Quéva et Catherine Le Joncour, éditions Flammarion, 160 pages.© sdp

Catherine Le Joncour, elle, n’avait pas encore goûté à cet aliment venu du large mais un tartare que lui présenta Régine la convainquit immédiatement.

 » J’ai trouvé ça délicieux, raconte la chef. On a continué à se voir ; j’ai testé des recettes… Se lancer dans la cuisine aux algues est une gageure mais il y a quatre ans, je me suis finalement jetée à l’eau et j’ai proposé dans mon restaurant (NDLR : Le Ty Mad à Plestin-les-Grèves) une courte carte à partir de ces produits… Aujourd’hui, j’ai carrément un menu complet sur cette thématique, de l’apéro aux mignardises !  »

En cette fin de printemps, les deux passionnées signent, aux éditions Flammarion (*), un recueil inspirant pour oser prendre nous aussi le large avec des assiettes teintées d’iode…

Pourquoi avoir réalisé ce bouquin ?

Régine Quéva : C’est une envie de démocratisation de la cuisine aux algues. Selon certaines enquêtes, on sait que 95 à 97 % des Français sont prêts à consommer de tels aliments et qu’une grande majorité préfère tenter cette expérience que celle des insectes comestibles… Il existait déjà beaucoup d’ouvrages spécialisés et scientifiques mais nous voulions réaliser un vrai livre de recettes, avec des photos professionnelles, comme on en ferait un autour du chocolat. Nous, on dit :  » Testez, essayez, goûtez, découvrez… Bref, lancez-vous !  »

Est-ce facile ?

R.Q. : Au départ, il vaut mieux se renseigner et idéalement se faire initier car on n’a pas le droit de se tromper, sous peine d’en être dégoûté pendant deux ans tellement ce sera immangeable. Un bon début est de saupoudrer – c’est d’ailleurs le titre de notre premier chapitre – pâtes, purées et omelettes d’algues sèches. Cela permet de s’habituer progressivement à l’arrière-goût iodé… qui devient très vite addictif car c’est un exhausteur.

Catherine Le Joncour : Le plus difficile est de trouver le juste équilibre, d’autant que plus on en mange régulièrement, moins on en perçoit le goût…

L’algue apporte protéines, vitamines, magnésium, calcium, fibres… c’est un concentré de nutriments.

Pourquoi est-ce bon pour la santé ?

R.Q. : L’algue est un concentré de nutriments et ses bienfaits sont impressionnants. Elle apporte protéines, vitamines, magnésium, calcium, fibres… Il est recommandé d’en manger toutefois maximum 5 à 20 grammes par jour, soit trois cuillères à soupe, vu sa teneur forte en iode.

C.L.J. : Personnellement, je ne travaille pas les algues pour leurs nutriments car de toutes façons, en les chauffant, on en perd une bonne partie… mais je trouve qu’elles sont extraordinaires de saveurs par contre.

Comment expliquer que, contrairement aux pays asiatiques par exemple, elle ne fasse pas partie de notre alimentation de base en Europe ?

R.Q. : Nous sommes à l’origine des agriculteurs et des éleveurs et nous n’avons jamais connu de famine qui nous ait poussés à nous tourner vers la mer. Mais désormais, avec les scandales sanitaires, la croissance exponentielle de la population et la prise de conscience de la souffrance des bêtes et des inconvénients des protéines animales, on se tourne davantage vers le végétal…

C.L.J. : Les gens sont demandeurs. Dans mon restaurant, je fais 80 % de mon chiffre d’affaires avec mes menus aux algues. Les clients me disent souvent qu’ils ne s’attendaient pas à voir une cuisine si élaborée… Ils imaginaient avoir un tas de verdure dans leur assiette ! Ce qui surprend le plus, ce sont mes desserts iodés ! Par ailleurs, c’est aussi pour moi une manière de faire revenir les gens dans le coin… Ma petite commune a beaucoup souffert de la prolifération des algues vertes qui sentent mauvais en se putréfiant… Moi, j’affiche en grand que j’ose cuisiner les algues et ça attire du monde !

Quelles sont les principales variétés comestibles ?

R.Q. : Les dulses et nori qui sont rouges ; l’algue verte, qui a longtemps eu la réputation de polluer les plages ; le haricot de mer ; le kombu ou encore le wakamé, qui est asiatique mais se cultive en Europe, en Bretagne notamment… On peut se les procurer dans des magasins spécialisés dans les produits naturels ou même sur Internet ! Et puis, bien sûr, il est possible de partir soi-même à la cueillette, quand on s’y connaît.

Comment évalue-t-on leur qualité ?

R.Q. : Les algues fraîches du commerce sont généralement conservées dans du sel, ce qui leur assure une belle qualité, comme si elles venaient d’être cueillies sur le rocher. Pour les sèches, il faut regarder le paquet de près. Si certaines sont blanches, c’est qu’elles ont été exposées trop longtemps à la lumière. Il ne faut pas les acheter ! Après, mieux vaut privilégier celles qui viennent de nos régions plutôt que d’Asie car la traçabilité de ces dernières n’est pas optimale… Et opter pour des articles bio.

Avec quoi se marient bien les algues ?

C.L.J. : L’entéromorphe va parfaitement avec les fruits rouges ; le nori avec des pommes de terre et du parmesan ; ou avec un velouté de champignons de type shiitakés. Je fais aussi un risotto aux haricots de mer. C’est sublime ! Globalement, les saveurs explosent lorsque les algues sont préparées avec de la matière grasse. Une sauce montée au beurre, c’est mauvais pour le cholestérol, mais qu’est-ce que c’est bon !

R.Q. : Chaque variété a ses spécificités – c’est comme comparer une betterave et une courgette – mais de manière générale, elles s’accommodent mieux avec le poisson que la viande. Et avec les légumes, le mélange terre-mer est un régal !

Roses des sables bretonnes*

La cuisine aux algues, quand l'océan se change en verger
© C.MADANI

Pour 50 à 60 roses

Ingrédients:

• 40 g de sésame grillé

• 40 g de graines de courge

• 40 g de graines de tournesol

• 40 g d’amandes concassées

• 1 tablette de chocolat noir de 200 g,

• 50 g de beurre demi-sel,

• 50 g de beurre de cacao,

• 30 g de nori grillée

• 150 g de feuillantine (crêpe dentelle).

Préparation:

• Torréfiez l’ensemble des graines et des amandes dans des plats différents au four à 200 °C jusqu’à coloration, sans les brûler. Laissez refroidir.

• Faites fondre le chocolat coupé en morceaux avec le beurre demi-sel et le beurre de cacao pendant 50 secondes au four à micro-ondes. Mélangez le tout et ajoutez la nori émincée.

• A l’aide d’une cuillère, faites des petits tas sur une plaque recouverte de papier sulfurisé et réservez au froid pour que les roses figent.

* recette du livre « Algues gourmandes » par Régine Quéva et Catherine Le Joncour, éditions Flammarion, 160 pages.

Fromage de la mer*

La cuisine aux algues, quand l'océan se change en verger
© C.MADANI

Ingrédients – pour 125 g:

• 100 g de fromage frais nature

• 20 g de roquefort ou de fromage de chèvre

• 10 g ou 2 c à s d’algues en paillettes (le mélange des trois algues – dulses, nori et laitue de mer – vendu généralement dans le commerce),

• épices au choix (paprika, coriandre, curry, cumin, citron, poivre, baies, piment…),

• poivre.

Préparation:

• Ecrasez les fromages à la fourchette jusqu’à l’obtention d’une pommade.

• Ajoutez les algues en paillettes et mélangez l’ensemble de manière à ce que toutes les paillettes d’algues soient imbibées de fromage.

• Assaisonnez en fonction de vos goûts : privilégiez une seule épice à doser avec parcimonie. Poivrez légèrement.

• Conservez au réfrigérateur quelques heures avant de servir. Ce fromage sera meilleur le lendemain : les algues auront absorbé la matière humide du fromage.

* recette du livre « Algues gourmandes » par Régine Quéva et Catherine Le Joncour, éditions Flammarion, 160 pages.

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