Il y a deux sortes de chefs après Top Chef: ceux qui vrillent happés par la lumière des projecteurs, et ceux qui prennent du recul pour reconsidérer le sens de leur métier. Ce qui suit donnera une idée de la catégorie à laquelle Logan Depuydt semble appartenir.
En face de L’Artiste, son adresse principale, le chef s’autorise un pas de côté. Avec Babette, il promet un lieu plus accessible, convivial. Etagères, lampes suspendues, compositions végétales qui dévalent du plafond: tout semble avoir été posé là avec la volonté d’optimiser le scroll. A ce souci du «joli» répond une lourdeur diffuse, qui culmine jusque dans les toilettes, où un miroir affiche en lettres blanches «Je plains la poule qui passe du coq à l’âne.» LOL.
L’accueil, pour le moins renfrogné, donne le ton. Dents serrées, pas de contact, une tension qui ne se relâchera – à peine – qu’au moment de l’addition. Message reçu: ce sera l’assiette, et rien d’autre.
Mais là encore, l’enthousiasme retombe. Les beignets de fleurs de courgettes? Sur le papier, on imagine une friture fine, japonaise. Dans les faits, elle prend toute la place, laissant les papilles patiner dans un gras sans répit. Même scénario pour le popcorn de poulet, croustillant, mais empêtré dans une mayonnaise que peine à réveiller un soupçon de citron vert. Présentée dans une sorte de papier journal marqué de slogans, l’ensemble singe la street food sans jamais en restituer ni l’urgence, ni la vitalité. La carte annonce la préparation «plus fun qu’un apéro Zoom». Vraiment? On chercherait en vain une acidité qui réveille, une amertume qui contraste ou même un relief qui accroche. Zéro nuance.
Heureusement, la pizza La Pistachissimo tient ses promesses et remet les pendules à l’heure. Pesto menthe-pistache, mortadelle, burrata, asperges: tout y est, y compris une pâte bien levée et un pesto enthousiasmant de fraîcheur. Il reste que c’est trop tard, le plaisir est resté aux abonnés absents et l’on n’a plus envie de donner sa chance aux desserts (tiramisu, pain perdu, glaces…). On salue, en guise de baume, une carte de bières bien vue, avec en guest stars les gueuzes Cantillon et Tilquin.
Edit: La parution de cette critique m’a valu une réaction vive du chef Logan Depuydt. À la relecture, je reconnais que l’introduction de mon article pouvait être perçue comme une attaque personnelle à l’égard de l’intéressé. Ce n’était pas mon intention. Je maintiens bien sûr mon analyse du repas mais je tiens à préciser qu’elle ne visait en rien à mettre en cause la passion, le travail ni la détermination du chef. Mon propos portait uniquement sur l’expérience de table et non sur sa personne ou sa carrière. »
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