Vie de famille et confinement: qu’est-ce que ça change – et va changer – entre parents et enfants?
En Belgique, mais aussi dans de nombreux pays, des millions de familles se retrouvent 24h sur 24h en tête à tête, privées d’activités et d’interactions réelles avec l’extérieur. Un huis clos que l’on devine aisément perturbant et lourd de conséquences, négatives et positives. Pour nous éclairer sur cette situation sans précédent et de grande ampleur, on a voulu faire le point avec un spécialiste des problématiques familiales.
Exemple poussé à son paroxysme de l’entre soi journalistique (smiley qui sourit), j’ai profité d’être contrainte de télétravailler, et surtout de la sieste de l’enfant, pour poser quelques questions, depuis ma cuisine, à un spécialiste de la parentalité et des problématiques familiales en Belgique, de retour d’une interview sur la Première, à savoir Yves-Marie Vilain Lepage, journaliste au Ligueur et conjoint de moi-même.
Au Ligueur, le magazine de la Ligue des Familles, vous êtes les spécialistes des questions familiales. Et du coup, en ce moment plus que jamais, en première ligne pour recevoir les interrogations et états d’esprit des parents. Qu’en ressort-t-il ?
Il en ressort que les parents ont pris l’urgence des mesures très au sérieux, qu’ils sont très vite passés de la résignation à l’action, c’est-à-dire à l’improvisation, au champ de la débrouille, chacun avec ses propres solutions dans un intérêt général. Et pour beaucoup, c’est une première de devoir se débrouiller sans l’aide des grands-parents.
Quels sont les principaux sujets de stress ?
L’articulation des rythmes entre le travail et la sollicitation permanente des enfants, surtout les moins de 5 ans. Et les sources de stress qu’il va falloir endiguer au fur et à mesure. À savoir : réussir à ne pas trop coller les enfants devant l’écran. Essayer de les faire manger sainement et d’être créatif dans la diversité des repas. Réussir à maintenir un rythme proche du tempo scolaire parce qu’on n’est pas en vacances non plus, sans nécessairement charger la mule au niveau des apprentissages. Parce que, comme on le constate durant les grandes vacances, par exemple, les enfants apprennent autre chose. Il ne faut pas sous-estimer la valeur pédagogique des parents.
Il ne faut pas sous-estimer la valeur pédagogique des parents
Vous avez quelques exemples ?
L’acquisition du langage. Les profs nous relatent souvent qu’après quelques semaines de congès au contact des parents, ils retrouvent leurs élèves avec un langage plus construit. Plus élaboré. L’ouverture d’esprit, au-delà de la matière scolaire académique. Et puis à circonstances excpetionnelles, apprentissages singuliers: pour beaucoup, nous travaillons à la maison, donc les adultes avec leur casquette professionnelle initient, même malgré vous, leurs enfants à leur domaine d’activité ou expertise: comptable, menuisier, graphiste, ou même journaliste. Autant d’univers, voire de pistes pour leur futur – qui s’ouvrent, aux plus petits comme aux plus grands.
C’est un moment historique pour la cellule familiale non ?
Complétement. Je pense que, dans un autre registre évidemment, c’est l’évènement le plus important du point de vue familial pour les parents belges depuis l’affaire Dutroux ou les attentats de 2016, qui ont eu des incidences éducatives très concrètes. Et là, on peut parier qu’après 3 semaines minimum à vivre les uns avec les autres H24, on va forcément transformer nos rapports, et notre rapport à nos enfants.
Et alors, comment va-t-on en ressortir ? Plus soudé, plus divisé ?
Je pense que si l’on agit avec bon sens, si on s’écoute, si on se parle, forcément plein de cartes vont être rebattues et redistribuées. Prenons l’exemple de la douloureuse problématique de la charge mentale. C’est peut-être le moment de profiter de cette période pour se réattribuer les rôles, se répartir les taches concrètes sur le plan domestique. Je pense aussi à ce que l’on appelle au Ligueur, « le judo parental ». Par exemple, se servir des besognes quotidiennes comme levier pour négocier avec les enfants. Par exemple: une corvée contre un dessin animé ou une pizza ou encore un message WhatsApp aux copains tenus à distance.
Quels conseils donneriez-vous à nos lecteurs et néanmoins parents pour traverser ces semaines dans la plus grande harmonie malgré la promiscuité permanente et forcée?
- De profiter de la situation: une des problématiques est souvent l’accélération du temps, comme le dit le psy Aboude Adami. Or ici, c’est l’occasion de passer du temps avec ses enfants, de les regarder grandir quand bien même on doive combiner le travail à cette vie de famille.
- Dire les choses plutôt que de prendre sur soi jusqu’à exploser. Par exemple, j’en ai marre de faire à manger à chaque repas aux petits, j’ai un dossier à rendre mais j’ai les enfants dans les pattes, etc. Les enfants peuvent comprendre que si papa n’envoie pas un mail à son patron, ça va être pénible pour lui.
- Se servir de la force de ses enfants plutôt que de les envisager comme une contrainte. Ils peuvent vous aider sur plein de trucs, les aînés peuvent faire la classe au petits. Les plus jeunes vont s’autonomiser peu à peu.
- Se rappeler et garder à l’esprit que le but de la manoeuvre est de ne pas tomber malade. Donc de ne pas se mettre à plat. Se ménager. Tous ensemble, et pas les uns contre les autres.
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