tour brusilia
La Tour Brusilia à SChaerbeek © Belga Image

A la rencontre des habitants de la fameuse Tour Brusilia, à Bruxelles

Fanny Bouvry
Fanny Bouvry Journaliste

Cela fait quoi de vivre dans une tour de 110 mètres de hauteur? Nous sommes partis à la rencontre des habitants de la majestueuse (et parfois décriée) tour Brusilia à Bruxelles, qui fête ses 50 ans cette année.

Il y a de ces bâtiments qui clivent, les uns criant au génie architectural, les autres s’offusquant de laisser pareille horreur sortir de terre. L’emblématique tour Brusilia, qui toise Schaerbeek, l’une des 19 communes bruxelloises, de ses 110 mètres de hauteur depuis les seventies, est de ceux-là. Offrant une vue imprenable sur la capitale, voire bien plus loin, et jouxtant le luxuriant parc Josaphat, ce gratte-ciel en arc de cercle est la démonstration des rêves de grandiloquence de l’art de bâtir à la sortie des Golden Sixties.

A cette époque, la bruxellisation, comme on appelle péjorativement cette volonté des promoteurs de faire du Bruxelles d’alors une métropole moderne sans se soucier du tissu existant, était déjà en marche. Et d’aucuns dénonçaient la mainmise de ces financiers – aidés d’architectes comme celui de cet ouvrage, Jacques Cuisinier (1915-2000) –, sur leur belle ville. Il n’empêche, l’édifice en béton armé, revêtu d’éléments préfabriqués en silex lavé, était aussi un projet novateur, osant la carte de la densification urbaine, bien avant que les urbanistes du troisième millénaire y voient une solution à la crise du logement et à la dispersion anarchique du bâti dans nos campagnes.

Une tour avant-gardiste

Sur la brochure présentant le projet d’immeuble aux futurs acheteurs, on pouvait lire : «Brusilia est plus qu’un simple immeuble d’appartements hypermoderne. Nous osons parler d’un nouveau style de vie. Un mode de vie entièrement adapté aux besoins de notre époque.» Nous avons eu envie, tout juste cinquante ans après l’inauguration, de pénétrer dans cette tour qui se dresse encore fièrement dans la skyline de notre capitale.

Pour voir si ce bâtiment, qui n’est pas classé, méritait sa valeur patrimoniale. Pour percevoir également si le modèle avant-gardiste d’alors tenait toujours la route. Pour découvrir enfin ce que cela fait de vivre la tête dans les nuages, avec plus de 200 ménages comme voisins, dans des espaces standardisés – mais remodelés selon les goûts de chacun. En quelques visites, nous nous sommes attachés nous aussi à cette tour et à ses habitants tombés en amour pour ce «monstre».

Paul-Alexander et Liesbeth, 32e étage, « c’est une grande maison avec plein de familles »

Paul-Alexander habite le Brusilia depuis plus de vingt ans. Il occupe un appartement du 32e étage, avec trois faces vitrées – un must dont bénéficie la colonne A – qu’il a métamorphosé avec sa compagne, Liesbeth, architecte d’intérieur.

Paul Alexander : «Lors d’une balade, j’ai aperçu ce monstre de béton. J’étais étudiant en histoire de l’art et ça a été le coup de foudre. Trois ans plus tard, j’y ai acheté un salon de coiffure qui est devenu mon studio pendant dix ans. Je finissais l’université et j’ai décidé de faire mon mémoire sur le Brusilia et son architecte, Jacques Cuisinier. Il n’y avait rien sur lui ; je suis devenu son biographe (rires). Vous saviez que sur ce site, auparavant, on trouvait le Palais des sports et que les Rolling Stones y sont venus ? On a dans notre salon une photo de Mick Jagger marchant dans la rue juste en bas !»

cuisine ouverte bois béton
L’espace a été complètement décloisonné avec un bloc de cuisine central. Copyright: Marthe Hoet

«Lorsque j’ai rencontré Liesbeth, nous avons appris qu’un appartement au 32e étage était squatté. On s’est renseignés et on a pu l’acheter. Il était dans un état catastrophique ; ça nous a permis de le repenser sans culpabiliser de casser des choses saines. J’ai été l’un des premiers aficionados du Brusilia, mais depuis les années 2010, c’est devenu branché d’y vivre. Pour moi, c’est aussi un choix de vie, en termes d’écologie, comparativement à ceux qui choisissent une maison à la campagne.»

Copyright: Marthe Hoet

Liesbeth : « Nous avons enlevé les cloisons pour créer un esprit loft et avoir de la lumière partout. Pendant le Covid, on en a profité car on n’avait pas l’impression d’être enfermé. Pour faire courir notre fils, nous allions en bas, dans le carré d’herbe décoratif devant l’immeuble. C’était devenu le terrain de jeu des enfants du Brusilia. Il y a une vie de communauté ici. Il y a parfois des fêtes. Mais on travaille aussi sur de grands projets.
Avec quelques voisins, nous avons réfléchi au remplacement des châssis. Nous avons fait une suggestion à l’ensemble des habitants qui étaient libres de suivre ou pas. La proximité est aussi pratique au jour le jour : notre baby-sitter habite le bâtiment, on joue au Scrabble avec un couple qui prend son Babyphone avec… C’est comme une grande maison avec plein de familles ; ou un village vertical ! Et la rue, c’est l’ascenseur : on y croise tout le monde. »

Découvrez les autres intérieurs qui composent la tour Brusila

Nathalie et Kaat, 6e étage, « cette vue est cinématographique, pas besoin de regarder la télé »

Nathalie et Kaat travaillent dans le cinéma. Elles ont réalisé la série Beau Séjour sur Netflix. Elles vivent ensemble au 6e étage. L’appartement est adapté pour s’y déplacer en chaise et rénové dans un esprit Le Corbusier. 

Nathalie : «Quand on est réalisatrice et qu’on choisit un lieu pour filmer, c’est pour l’esthétique, mais aussi parce qu’il y a quelque chose qui émane de l’endroit. Je suis sensible à cela. Il m’est arrivé de changer de chambre d’hôtel parce que je ne m’y sentais pas bien. L’énergie de ce bâtiment, je l’ai perçue tout de suite. L’été, quand les toiles solaires sont sorties, on se sent en vacances en Espagne. C’est aussi intéressant de voir tous ces logements standardisés que chacun a personnalisés. Nous, nous voulions un espace traversant et des meubles sur mesure dans un esprit Le Corbusier et Mad Men. Avec des tons jaunes et verts, et du bois, qui rappellent le design danois.»

Copyright: Marthe Hoet

«Au départ, nous ne voulions pas habiter un grand immeuble. Pour nous, cela allait être trop bruyant, agité… Mais nous avons trouvé cet appartement à vendre. Et c’est une bénédiction pour moi qui suis en chaise roulante. Il y a deux ascenseurs qui mènent directement au parking et dans notre espace, je peux circuler librement grâce aux portes qu’on a fait élargir. D’ici, je vois la ville, la vie tout autour, aussi bien du côté du salon que de la cuisine. Cette vue est cinématographique !»

cuisine bois seventies
Une ambiance seventies dans cette cuisine qui fait la transition entre avant et arrière du bâtiment. Copyright: Marthe Hoet

«L’autre point fort, c’est qu’il y a une véritable entraide. Il y a quelques semaines, j’étais tombée de ma chaise. J’ai téléphoné et j’ai rapidement trouvé quelqu’un pour me relever. J’aimerais développer dans cet immeuble un service de troc : un cours particulier de latin contre un bon plat préparé maison… On est 600 personnes et on a tous des compétences à partager. Je suis fière de dire que j’habite au Brusilia et je ne regrette pas d’être si bas dans l’immeuble. J’aime observer les arbres mais encore plus les gens. D’ailleurs, on a une petite télé, mais on ne la regarde jamais !»

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Anke et Andries, 15e étage, « ça me choque quand on critique le Brusilia »

Anke et son compagnon, Andries, vivent avec leur fils de 19 ans, au 15e étage. Chez eux, la structure a moins changé. La déco est un joyeux mélange d’objets et de couleurs.

«A la naissance de mon fils, nous avons cherché une maison. Mais les logements abordables nécessitaient trop de travaux. Nous sommes tombés sur un appartement du Brusilia et j’ai tout de suite été séduite par la vue. Nous avons raté cette vente mais le bien libre suivant a été pour nous. Nous n’avons pas fait de grands travaux, nous aimions l’espace comme il était. Certains habitants ont abattu des murs, mais nous aimions l’idée de pouvoir fermer les portes : regarder un film pendant que notre petit dormait… On a également conservé les placards seventies dans la cuisine. Tout ça donne une atmosphère.»

Copyright: Marthe Hoet

«Mon ami travaille pour l’Inspection des bâtiments historiques du Brabant flamand, il est donc très intéressé par les buildings de valeur. Moi, j’enseigne le néerlandais et je traduis de la littérature allemande et suédoise. La bibliothèque témoigne de ma passion des livres. Et j’ai un amour pour la Scandinavie, qui se retrouve dans la déco : des rideaux Marimekko, un papier-peint Stig Lindberg…»

«Je pense que vivre ici a également influencé mon fils car durant son enfance, il s’intéressait énormément à l’architecture : il construisait et dessinait tout le temps des tours. Il disait « ma tour » à ses amis, plutôt que « chez moi ».  Il y a des gens qui pensent que les immeubles hauts enlaidissent la ville.»

Déco mix and match dans cet appartement qui a très peu changé depuis l’origine. Copyright: Marthe Hoet

«Avant, je n’aimais pas trop les gratte-ciel non plus. Mais maintenant, ça me choque quand on critique le Brusilia: c’est ma maison (rires) ! Cependant, il est vrai qu’il y a des inconvénients, notamment le bruit ! On pourrait croire qu’en hauteur, il fait calme, mais on entend fort l’agitation du parc et de la rue. Et il y a beaucoup de propriétaires qui font des travaux : avec la structure en béton, les nuisances se transmettent. Quant aux incendies, j’y pense parfois. En théorie, on devrait sortir par les balcons, mais on ne fait jamais d’exercices. Mais tout cela est effacé par l’endroit… et le parc juste en face, que j’appelle « notre jardin ».»

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Jacques, 34e étage, « pendant plus de cinq ans, chaque fois que je m’approchais de la fenêtre, je me disais « waouh ! » »

Jacques n’habite pas l’endroit. Au dernier étage, le passionné de photos et fondateur du fameux Clockarium, à Bruxelles, a installé en 2006 son bureau et son studio et a cartographié en images le skyline perçu depuis la tour.

«Sur le chemin du travail, je me suis un jour arrêté devant cet immeuble que je considérais comme ignoble et qui était, pour moi, un crime contre cette belle avenue. Et je me suis rendu compte qu’en réalité, il n’était pas mal, avec ses entrées plutôt prestigieuses. Il y avait un petit panneau ‘à vendre’ aux valves. Quand j’ai vu que c’était tout en haut, mon cœur s’est emballé, car j’adore les hauteurs. J’ai travaillé trois ans à Houston-Texas et un ami là-bas habitait une tour avec une vue extraordinaire. Il faisait des photos magnifiques… Quand on est si haut, la lumière est incroyable, même quand il fait moche en bas. J’ai acheté l’endroit et je n’ai rien changé !»

Copyright: Marthe Hoet

«Au début où j’étais ici, j’étais tellement impressionné que j’ai décidé de cartographier la vue par degré depuis le nord. Maintenant, je poste progressivement ce travail sur Flickr. C’est en observant que je me suis rendu compte qu’on voit le port d’Anvers, la centrale de Doel ou la cathédrale de Malines, lorsque la clarté est parfaite. Je réalise des photos (NDLR : il nous montre Bruxelles plongé dans une mer de nuages ou encore un travail de superposition de dizaines de photos de feux d’artifices prises le 31 décembre avec un pied) que j’expose notamment lors de l’Affordable Art Fair. Mais c’est avant tout pour le plaisir !»

Dans son studio, Jacques de Selliers expose ses photos prises de la tour. Copyright: Marthe Hoet

«Maintenant, je suis habitué à voir tout de haut mais pendant plus de cinq ans, chaque fois que je m’approchais de la fenêtre, je me disais «waouh !» Monter par l’escalier ? Je ne l’ai jamais fait, par contre mes filles bien… Mais un jour, j’ai perdu la carte mémoire de mon appareil photo en prenant des vues et j’ai cru l’apercevoir au septième étage. J’ai tout descendu à pied et ce que je prenais pour ma précieuse carte n’était qu’une vulgaire crotte de pigeon. J’avais fait tout ça pour rien. Je suis remonté par l’ascenseur !»

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Jean, 13e étage, « Beaucoup de gens n’ont pas cela, même dans leur belle villa. »

Jean est un des habitants d’origine de la tour. Ancien président du conseil des propriétaires, il possède deux appartements et a rénové celui-ci (au 13e étage), en gardant un esprit seventies.

«Je suis né à Liège, mais j’ai ensuite travaillé trente-deux ans à Anvers et on y a habité un temps. En 1974, ma femme a eu envie de déménager à Bruxelles. Beaucoup me conseillaient de chercher un logement du côté d’Uccle ou Ixelles, mais ça voulait dire encore plus d’embouteillage pour rejoindre la Flandre. Par hasard, je suis passé non loin d’ici pour rentrer chez nous. La tour était à 95% terminée. J’ai été attiré par le bâtiment. On a visité un appartement témoin et on a été séduit par la proximité de l’autoroute, du centre, d’une école… Par le côté moderne aussi. Le style avant-gardiste ne me dérangeait pas du tout !»

Copyright: Marthe Hoet

«Aujourd’hui, mon appartement a bien changé. On a abattu un mur et mis une cloison courbe. On ne dirait pas mais je bénéficie de 200 mètres carrés ! C’est mon épouse, qui n’est plus là aujourd’hui, qui s’est chargée de cette réflexion. Maintenant, je continue à faire évoluer le mobilier. Ma passion, c’est de restaurer des objets. Ces quatre chaises, dans ma salle à manger, je les ai fait réparer. Elles sont magnifiques. On a vécu au troisième des années. Mais ensuite, j’ai acheté ce logement, qu’on a transformé. Et je loue l’autre.»

mur courbe chaise vintage brusilia
Quatre chaises restaurée par Jean, passionné de vintage. Copyright: Marthe Hoet

«Quand je m’assieds, je ne vois pas les nuages car on est trop bas. J’aperçois le parc, et ça me convient! Tous les jours, après cinquante ans, je profite toujours de ce dégagement en ville. Beaucoup de gens n’ont pas cela, même dans leur belle villa. Quand on est dans l’appartement, on n’a pas l’impression d’être dans une tour de 204 logements, on se sent chez soi. Cela dit, j’ai été président du conseil des propriétaires durant de nombreuses années et j’ai pu observer des évolutions. Il y a notamment beaucoup plus de néerlandophones que par le passé ici. Et de manière générale, on se parle moins malheureusement… J’ai coutume de dire que ce sont les habitants qui doivent s’adapter à la tour et pas la tour qui s’adapte aux gens.»

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Nathalie, 14e étage, « Brusilia, c’est un condensé de petites tranches de vie. »

Nathalie partage sa vie entre la France et la Belgique et a un appartement au Brusilia depuis 2001. Elle a apporté quelques menues modifications et essaye de ne pas submerger son espace de déco.

«Je l’appelle la Tour infernale, car elle détonne dans le paysage. Mais c’est un bâtiment qui est agréable à vivre. Ce qui m’importais quand j’ai acheté, c’était de ne pas avoir de vis-à-vis. Et je suis servie ! Pas besoin de mettre des voilages aux fenêtres. La lumière, la façon dont l’appartement était aménagé : tout me convenait. Un seul regret : je n’ai pas de cheminée ! C’est amusant de voir ce que les uns et les autres ont fait de ces appartements standards. Des voisins sont venus récemment et m’ont dit : «Ton appartement est plus grand que le nôtre.» C’est évidemment impossible, c’est à cause de leur déco qui est plus chargée.»

Copyright: Marthe Hoet

«Certains râlent des nuisances dues aux rénovations des appartements. Moi, je trouve que c’est bon signe. Ça prouve que le lieu vit. Je préfère cela à un bâtiment qui se meurt.  Pour les 50 ans de l’immeuble, on prévoit une expo d’œuvres des habitants, car il y a beaucoup de créatifs ici. Il y aura aussi un volet historique et d’autres choses.»

L’intérieur assez dépouillé de Nathalie qui c’est aménagé au fond à gauche un petit espace salle à manger plus cosy. Copyright: Marthe Hoet

«Des anecdotes sur le lieu, on en a tous ! Je me souviens d’un moment horrible. Un jour, une personne a utilisé des échafaudages voisins puis les escaliers de secours pour atteindre le toit et se jeter dans le vide. Je suis rentrée chez moi. La police était là et j’ai appris la terrible nouvelle. Quelques années plus tard, alors que je regardais la télé, j’ai vu passer deux ombres devant ma fenêtre. J’ai pensé à un suicide, mais pas du tout ! Des gens sautaient clandestinement du sommet en parachute. Ils avaient déniché un pass et une fois arrivés en bas, ils couraient vers leur voiture se cacher.»

L atrès grand chambre avec une vue, aussi époustouflante, sur l’arrière. Copyright: Marthe Hoet

«Je me souviens aussi d’un mariage dans une famille africaine. Ils étaient tous dans le hall avec des tenues magnifiques, des couleurs, de l’élégance. C’était une splendeur et moi j’étais aux premières loges. Brusilia, c’est un condensé de petites tranches de vie. Il y a des moments gais et d’autres moins. Et on vit cela tous ensemble.»

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Kristien et Gideon, 26e étage, « c’est une petite ville où on peut garder ses pantoufles. »

Kristien et Gideon vivent avec leurs ados au 26e étage. Tous deux architectes de formation, ils ont fortement décloisonné l’espace et joué avec des voiles et rideaux pour adoucir la rigidité du volume.

Kristien : «Nous avons vécu à Gand puis à Rotterdam mais nous voulions changer de ville. Nous avons trouvé ce logement alors que j’étais enceinte, il y a dix-sept ans. L’appartement était dans son état initial avec plein de petites pièces. Il n’y a que deux poutres porteuses ; on a donc pu abattre les cloisons pour que l’espace soit traversant et qu’on bénéficie de la lumière de l’est et de l’ouest.»

Copyright: Marthe Hoet

«On a gardé un volume central dans lequel on trouve la cuisine, des placards et la salle de bains, couverte de polyester. De la baignoire, on peut même voir l’Atomium ! Pour contrebalancer la rigidité du volume, on a utilisé des rideaux qui offrent également une flexibilité dans l’utilisation des espaces et des vues. En ce qui concerne le reste de la tour, j’ai déjà eu quelques idées également. Mais il n’est pas évident d’obtenir l’aval de tous. On pourrait par exemple implanter un potager sur le toit. Ce serait magnifique.»

rideau
Les voiles permettent de structurer l’espace tout en légèreté. Copyright: Marthe Hoet

Gideon: «Brusilia, c’est une petite ville où on peut garder ses pantoufles. Il y a une chouette communauté et on se rend des services. On ne peut cependant pas comparer ce projet à celui de la Cité Radieuse de Le Corbusier à Marseille. Lui a voulu ériger là-bas une unité d’habitation, avec des logements mais aussi une crèche, des magasins… Comme un village mais avec des couloirs-rues. Au Brusilia, on retrouve le schéma classique prôné par les promoteurs bruxellois, avec des ascenseurs qui desservent à chaque niveau deux appartements. L’architecte du Brusilia, Jacques Cuisinier, était un personnage notoire à l’époque dans Bruxelles, avec Charles De Pauw entre autres… mais il était critiqué.»

salle de bains ouverte
De la baignoire donnant sur le bureau, on voit l’Atomium ! Copyright: Marthe Hoet

«Le Brusilia est un bâtiment incroyable mais aussi le vestige d’un côté sombre des années 70, celui de la bruxellisation. Mais nous n’avons rien à voir avec tout ça. Et nous avons quand même un sentiment de fierté à être là, face à cette vue dont on ne se lasse pas, avec une communauté riche de ses différences d’âges et de ses cultures. D’autant que le panorama change avec la météo. Regardez, pour le moment, on voit le Cinquantenaire sous le soleil. Tout à l’heure, ce sera peut-être Woluwe…»

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Corentin, 21e étage, »en arrivant ici, je me rappelle que je tremblais un peu. »

Corentin a longtemps fait partie du conseil des propriétaires et travaille activement aux célébrations du 50e anniversaire de la tour. Il s’est installé dans un espace ouvert et clair qu’il occupe avec son épouse et leurs enfants de 4 et 6 ans.

«Quand on entend parler de ce qui se passe dans d’autres tours de logements de Bruxelles, je me dis qu’on fait bien les choses au Brusilia. C’est vrai qu’il y a parfois des frictions, mais on s’en sort pour gérer tous ensemble le bâtiment. C’est pour ça que je me suis impliqué de nombreuses années dans le conseil des propriétaires. Permettre aux gens de participer à la gestion commune d’un bien est quelque chose qui m’anime.»

Copyright: Marthe Hoet

«Je suis arrivé au Brusilia un peu par hasard. Je cherchais un appartement lumineux avec une vue. Quand j’ai pénétré dans l’espace et que j’ai vu le panorama, je me rappelle que je tremblais un peu. L’opportunité était trop belle. Lorsqu’on a eu nos enfants, l’espace de notre premier appartement était devenu trop petit et on a eu beaucoup de chance : pile à ce moment-là, un autre logement, avec plus de pièces, s’est libéré deux étages plus bas. On s’est donc installé dans cet appartement déjà complètement rénové et très ouvert. On a juste eu à peindre et mettre nos quelques meubles, dans un esprit minimaliste.»

Un aménagement contemporain et minimaliste, pas besoin de plus face à la vue. Copyright: Marthe Hoet

«Vivre ici procure une certaine fierté car ce bâtiment a une identité. On a tous conscience d’habiter dans quelque chose de particulier. D’ailleurs, il y a maintenant des gens qui attendent qu’un appartement se libère dans la tour. On en voit aussi qui “entrent” par les logements du bas, et puis qui en rachètent un autre et montent toujours plus haut. Même du côté de nos enfants, il y a quand même un sentiment particulier : vu qu’ils vont à l’école tout près, tout le monde connaît leur maison. C’est un vrai objet dans la ville.»

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Brusilia en chiffres

En chiffres

– La Tour Brusilia a été érigée entre 1970 et 1974, à l’emplacement de l’ancien Palais des sports de Schaerbeek. 

– Avec ses 110 mètres de hauteur, elle a été longtemps considérée comme la plus haute tour de logement de Belgique, jusqu’à l’érection d’Up-Site, le long du canal bruxellois, en 2014.

– Au départ, le projet prévoyait douze travées d’habitations et une travée technique. Seules cette dernière et six colonnes de logements ont cependant été construites. La crise pétrolière a eu raison du reste du complexe. Finalement, en 2014, un bâtiment plus bas a été construit sur les fondations inexploitées.

– L’immeuble compte 34 étages de logements pour un total de 204 appartements, tous traversants et bénéficiant de jusqu’à 4 chambres.

– Du dernier niveau, on peut apercevoir Anvers, à 40 km et la centrale nucléaire de Doel, à 52 km.

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