Bruxelles se métamorphose
Connu de par le monde pour ses projets avant-gardistes et écologiques, l’architecte belge Vincent Callebaut s’attaque à notre capitale. Entretien.
Au départ, le Belge Vincent Callebaut s’est fait connaître à travers des projets utopistes, et souvent non réalisés, dans les pays émergents. Petit à petit, certains concepts se sont concrétisés et depuis l’élaboration du plan Smart City 2050, commissionné par la mairie de Paris, le natif de La Louvière et son équipe internationale sont appelés à travailler dans les métropoles européennes sur de nombreux bâtiments à forte valeur patrimoniale. Notamment à Bruxelles où ils viennent de réaliser une étude de faisabilité pour le Botanic Center, dans le centre-ville. Le projet : une robe végétale habille la façade tandis qu’au sommet, une chrysalide joue les fermes solaires et produit l’électricité nécessaire aux usagers. Interview minute avec l’auteur de cette étude.
Pour le Botanic Center, vous parlez de métamorphose. Pourquoi ?
On parle beaucoup de » Smart City » construite au milieu des rizières à Songdo en Corée du Sud ou en plein désert à Masdar près d’Abu Dhabi. En Europe, on ne travaille pas à partir d’une page blanche. La métamorphose urbaine est le grand défi de nos villes au patrimoine historique intrinsèque. Le challenge est d’intégrer le meilleur de chaque époque à notre avenir. Notre volonté est d’agir comme des prospectivistes pour propulser, dans ce cas-ci, le Botanic Center vers le XXIe siècle en termes d’usages, d’avancées technologiques et de principes constructifs innovants et durables. L’architecture est capable aujourd’hui de mettre en oeuvre le concept de » Solidarité Energétique » entre un patrimoine – moderne dans ce cas – allié à un projet contemporain. Le second fournissant l’énergie nécessaire au premier pour atteindre un bilan sobre en carbone.
Après avoir surtout travaillé dans les pays émergents, vous commencez à plancher sur des projets chez nous ? Qu’avez-vous appris de ces expériences internationales ?
Les pays émergents ont quinze ans d’avance sur l’Europe. Travailler au Caire ou à Taiwan, la Silicon Valley asiatique, m’a permis d’approcher toutes les cultures, toutes les innovations sociales et de maîtriser de nombreuses techniques de construction sobres en carbone au contact des plus grands ingénieurs américains et japonais. Ce bagage, je peux aujourd’hui le mettre au profit de projets fondateurs d’un urbanisme durable au service des citoyens et respectueux de l’environnement. Transformer les contraintes – liées au programme de mes clients et aux règlements – en opportunités pour inventer de nouveaux modes de vie écoresponsables, tel est mon challenge permanent.
Est-ce que la Belgique est prête à concrétiser de telles utopies ?
L’utopie veut simplement dire » ce qui n’existe pas encore « . L’inconnu fait peur en Europe mais exalte le reste de la planète. Nous vivons dans un monde en profonde mutation. Nous traversons un carrefour de crises – écologique, économique et politique. Voulons-nous vraiment nous laisser enfermer par ces constats anxiogènes ou nous mettre en état d’agir positivement en inventant des prototypes urbains ? Oui, la Belgique, au centre de l’Europe, est prête et se veut avant-gardiste ! Elle doit montrer l’exemple à ses partenaires européens. Les promoteurs et investisseurs du pays n’en peuvent plus de l’architecture et de l’urbanisme » boîte à chaussures « , dépendants de notre système énergétique centralisé et dévastant les écosystèmes. Tout est en place aujourd’hui pour mettre en oeuvre la transition énergétique et les recommandations de la COP21 à Bruxelles et en Belgique. Le XXe siècle fut celui du pétrole, de l’acier et de la chimie verte. Le XXIe siècle sera biologique ou ne sera pas !
Propos recueillis par Fanny Bouvry
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