Comment l’architecture peut se mettre au service de notre bien-être mental

hôpital psychiatrique architecture
© Getty Image

En France, un hôpital psychiatrique innove avec une nouvelle aile de soin dont l’architecture a été pensée comme un pansement. Et prouve le lien entre le bâti et notre bien-être.

Des dispositifs pour absorber les sons, des alcôves pour s’isoler, des couleurs douces: un hôpital psychiatrique vient d’inaugurer une unité inédite en France, dont l’architecture ambitionne d’apaiser les patients atteints de troubles autistiques sévères.

Les premiers résidents se sont installés jeudi dans cette structure de l’hôpital du Vinatier dans la métropole de Lyon (centre-est). Elle comprend dix lits, mais aussi une salle de sport, une installation de balnéothérapie et un jardin d’hiver. « Quand on a repris le service en 2019, il y avait des temps de décontention prévus. C’est-à-dire que tout le reste du temps, les patients étaient attachés », note Anne Duchamp, cadre supérieure de santé du pôle neurodéveloppement.

Dans la nouvelle unité de 1.107 mètres carrés, chacun a sa chambre individuelle avec sanitaires. Au milieu du vaste espace commun, un arbre fossilisé baigne dans la lumière naturelle. Les patients, qui y passent environ six semaines, peuvent observer l’extérieur par de grandes fenêtres ou se lover dans de petites « niches » pour s’isoler des autres et se couper du monde.

Son architecte, Lionel Thabaret, dit s’être inspiré de son expérience dans la conception de spas. « Ce projet vise un apaisement plus profond et plus durable, permettant de limiter le recours aux psychotropes, avec l’idée que les murs véritablement pourraient avoir un rôle soignant », explique Caroline Demily, cheffe du pôle neurodéveloppement, dont la voix amortie par de petits trous dans les murs.

Modulables

Selon le spécialiste de l’autisme Laurent Mottron, la plupart des chercheurs considèrent que « la place de la perception est plus importante » chez les personnes souffrant de troubles autistiques que dans la population générale et qu’il est nécessaire, si on veut adapter leur environnement, de limiter le bruit et la surpopulation.

Ces patients « recherchent souvent à se mettre à l’abri de la socialisation (…) et ont donc besoin d’avoir un lieu de repli, tout en restant accessible » pour l’équipe soignante, note le professeur en psychiatrie. Mais ils ne sont pas tous perturbés par les mêmes facteurs et, si l’architecture a un rôle à jouer, « le grand mot, c’est l’individualisation du soin », insiste-t-il.

« On a un ensemble d’espaces qui sont très modulables, pour que la personne en fonction de ses besoins puisse trouver un endroit où elle se sente bien », ajoute Mme Demily, espérant que cette unité, la première en France entièrement conçue pour et avec des personnes autistes, ne reste pas une entreprise isolée.

Paire-aidante elle-même atteinte de troubles autistiques, Anne Royneau a été consultée pendant l’élaboration du projet sur son ressenti de l’espace. Une grande partie des crises subies par les personnes autistes, explique-t-elle, sont au départ occasionnées par des gênes sensorielles, d’autant plus quand elles vivent en communauté.

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Retour sur investissement

Si ce type d’architecture s’est beaucoup développé aux Etats-Unis, « en France, on est toujours restés en marge parce qu’on considère qu’on fait des structures fonctionnelles », estime Mme Demilly. « La qualité de vie n’est pas vraiment prise en compte dans les bâtiments hospitaliers ».

L’hôpital a investi sept millions d’euros dans ce projet, a indiqué Mme Duchamp, mais le développement des services ambulatoires et la réduction des temps de séjour et des réhospitalisations ont parallèlement permis de fermer 36 lits.

Aux Etats-Unis, la firme HKS s’est spécialisée dans cette nouvelle voie de recherche appelée neuroarchitecture. « Aujourd’hui, nos clients exigent et sont prêts à payer » pour des projets qui prennent en compte l’impact des espaces sur le cerveau, assure un de ses architectes, Eric Kutche, lui-même autiste. « Avant, ces choses étaient les premières à passer à la trappe dans les budgets », note-t-il. Aujourd’hui, on mesure que « le retour sur investissement est significatif, et pas seulement en dollars, mais avec de meilleurs résultats sur la santé des patients ».

« Si un patient n’arrive pas à se calmer, les soignants doivent les sédater médicalement », développe sa collègue Erin Peavey. « Mais si vous pouvez l’aider à se sentir calme, à réduire son agitation, c’est non seulement plus agréable pour lui, mais tout se déroule de manière plus fluide et coûte moins cher ».

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