Ils changent le monde | Audrey Contesse, directrice de l’Institut culturel d’architecture: « L’architecture a un rôle à jouer dans les changements que notre société doit réaliser »

Fanny Bouvry
Fanny Bouvry Journaliste

La directrice de l’Institut culturel d’architecture, Audrey Contesse, entend revaloriser l’art de bâtir au sud du pays, notamment avec un manifeste lancé en mai pour « réveiller » nos instances publiques et « régénérer » nos villes et campagnes.

​Sa frêle silhouette ne présage pas la poigne qu’Audrey Contesse (47 ans) peut avoir quand il s’agit de défendre ce en quoi elle croit. Arrivée en 2019 au poste de directrice de l’Institut culturel d’architecture (ICA), un organe qui entend revaloriser et promouvoir l’art de bâtir en Wallonie et à Bruxelles, cette Française d’origine, installée chez nous depuis le début des années 2000, martèle avec ferveur que les talents existent au sud du pays aussi. Mais que contrairement à nos voisins flamands, on ne le sait pas assez ! 

A la demande de la Cellule architecture de la Fédération Wallonie-Bruxelles, elle a donc mené à bien, avec sa team, la réalisation d’un inventaire  – en réalité le quatrième tome d’une série – de ce qui se fait de mieux de notre côté de la frontière linguistique.

Avec en filigrane de tous ces projets sélectionnés pour ce livre intitulé Inventaires #4, 2020-2023 : Architectures Wallonie-Bruxelles, « une approche régénérative ». En deux mots : « L’idée est de prendre sur le territoire ce qui est déjà en place et de le ranimer », résume-t-elle. Et de pointer des exemples vertueux de reconversions dans nos villes bien sûr mais également, ce qui est souvent moins mis en avant, de nombreuses initiatives dans nos campagnes et territoires périurbains.

Autant d’actes concrets où la créativité des solutions apportées a permis de changer la donne. Et qui peuvent inspirer à leur suite une véritable réflexion à l’échelle de la Région, voire plus largement. Audrey Contesse n’exclut pas de donner des idées aux autres pays également…

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Optimisme et détermination 

En mai dernier, alors que s’ouvrait la Biennale de Venise d’architecture et que se pressait sur la lagune tout le gratin du secteur, l’ICA et la cellule archi ont présenté en bord d’un petit canal, dans un espace mouchoir de poche, une expo basée sur cet inventaire. L’occasion de faire un brin de buzz, mais aussi de lancer en parallèle un Manifeste pour une architecture régénérative. Soit un pamphlet pas (trop) énervé et porteur d’espoir, rédigé par six experts à l’initiative d’Audrey Contesse et ses acolytes. L’objectif avancé : « Faire bouger les lignes et réveiller les autorités chargées de l’aménagement du territoire en Wallonie et à Bruxelles. »

De retour au plat pays, c’est à Louvain-la-Neuve que le message a poursuivi sa route, à l’occasion d’une expo, Réappropriations, dans les Halles universitaires. « On avait tiré le livre à 15 000 exemplaires et il est épuisé. Et l’expo, qui s’est clôturée fin novembre, a vraiment drainé un large public, se réjouit celle qui a aussi été auparavant rédactrice en chef de la revue belge d’architecture A+. On avait volontairement choisi le Brabant wallon, car il y a un véritable enjeu par rapport aux maisons 4 façades, qui sont majoritaires dans cette province alors qu’on sait qu’à l’horizon 2070, c’est le territoire qui va recevoir le plus de flux de population après Bruxelles. » 

C’est ainsi que des experts, mais aussi des quidams, ont été invités – au fil de workshops ou encore d’un arbre à souhaits – à repenser nos façons d’habiter, notamment en ce qui concerne le troisième âge, lui aussi bien présent dans ces contrées. « On a vraiment perçu que nos questions faisaient écho et pas seulement chez les professionnels, poursuit la directrice. Il y a eu un impact très concret car nous étions dans un lieu de passage. Les gens s’arrêtaient, réfléchissaient parfois à leur propre maison, à la façon de l’aménager, à s’inspirer pour une transformation… »

2024 en vue

Les autorités n’ont pas non plus été insensibles à cette mise en avant de nos talents et aux perspectives de changements possibles si on s’en donnait les moyens. Et plusieurs visites et interpellations ont eu lieu grâce à l’élan porté par la Cellule architecture et l’ICA.

Désormais l’Institut voit déjà plus loin. En gardant son optimisme : « Notre but n’est pas de dire que l’on fait mal les choses mais d’ouvrir les yeux sur le fait que la société est à un moment-clé et que si nous n’embrayons pas, nous allons continuer sur ce mauvais chemin », avertit la spécialiste. Le nouveau chapitre de ce cri du cœur pour un futur plus durable pour l’architecture s’écrira en mars à Namur, Huy et Temploux, avec des activités de l’ICA autour du concept d’espace public. 

Au second semestre, un événement itinérant, dans toute la Wallonie, mettra aussi la question de la dispersion du bâti sur la table… Et entre-temps, l’expo de Louvain-la-Neuve partira à Lausanne. Pour faire essaimer les idées de nos créatifs mais aussi les confronter à d’autres points de vue. Parce qu’en fin de compte, c’est le partage qui nous assurera un avenir meilleur. 

« Le fait d’être reconnu parmi les changemakers de l’année 2023 par Le Vif Weekend est important pour nous car nous sommes convaincus que l’architecture a un rôle à jouer dans les changements que notre société doit réaliser et que le potentiel est là. Il faut « juste » mettre les gens ensemble et y croire », conclut Audrey Contesse.

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