Palais de Justice de Bruxelles: visite de ce lieu si mystérieux
Le Palais de Justice, bâtiment emblématique du paysage bruxellois, a rouvert, ce mois-ci, ses portes au grand public. Des visites guidées organisées par Arkadia révélent tous ses secrets : histoire intrigante, architecture, oeuvres d’art et système judiciaire belge. La rédaction a testé et vous en dit un peu plus.
Nous sommes au coeur de Bruxelles, place Poelaert. Devant nous se dresse ledit Palais de Justice. La pluie tombe et les cloches de l’église retentissent. Un calme apaisant règne au pied du mastodonte de style éclectique. De nombreuses personnes sont présentes et attendent patiemment, tout comme nous, l’arrivée du guide. 15 h 15, nous débutons l’expérience. C’est un homme charmant, au grand sourire qui nous accueille et nous dirige vers le point de départ de notre visite : la Salle des pas perdus.
Réunis autour d’un des bancs de ce grand hall, c’est ici que nous en apprenons le plus sur l’histoire de cette ancienne bâtisse. La Salle des pas perdus n’est pas des moindres. Elle fait 90 mètres de longueur et 40 de largeur, soit 3600 m2 au total. C’est un large vestibule, un hall d’entrée où les avocats et les clients s’entretiennent une dernière fois avant leur procès. Elle comporte une multitude de portes. Chacune d’elles renvoie à une partie du Palais. Un vrai labyrinthe! Il serait facile de s’y perdre. Un conseil : ne vous éloignez pas de votre accompagnateur. Au milieu de la pièce, en levant la tête, on peut apercevoir la coupole. On se sent tellement petit en dessous d’elle.
Si, de l’extérieur, elle fait son effet, sachez que de l’intérieur, elle est encore plus impressionnante et colorée. Les plafonds sont si hauts qu’un écho se forme lorsque nous parlons trop fort. Il fait assez bruyant mais notre attention reste captivée par les histoires que nous raconte le guide. De petites anecdotes sont également de la partie. Saviez-vous que le Palais de Justice pourrait abriter en son sein la Basilique Saint-Pierre du Vatican?
Le Palais de Justice est une oeuvre titanesque imaginée par Joseph Poelaert en 1862. La première pierre fut posée en 1866, sous le règne de Léopold II, mais son inauguration fut tardive, près de dix-sept ans après. Son concepteur était déjà décédé. Il n’a dès lors pas pu superviser la suite des travaux et contempler le résultat final. D’autres architectes ont alors pris la relève. Ce monument était considéré comme l’une des plus remarquables constructions du XIXe siècle. D’inspiration majoritairement gréco-romaine, il multiplie les références à divers styles et époques, ce qui en fait sa singularité.
La plus haute juridiction du pays
Pour se déplacer d’une pièce à une autre, il faut traverser d’interminables couloirs et monter quelques escaliers. On se retrouve alors dans la Galerie des bustes. Comme dans celle du Sénat français, des sculptures, semblables à celles de l’Antiquité, sont disposées sur un socle en marbre. Parmi elles, nous pouvons, par exemple, apercevoir le visage de P. Goudelin, juriste et recteur de l’université de Louvain (XVIe-XVIIe siècle) ou encore P. Leclercq, procureur général (1926-1938). Plus loin, se dresse une statue d’une femme tenant à la main une balance, symbole de la justice et de l’équité. Au fond du couloir, à droite se trouve la première instance juridique que nous allons visiter : la Cour de cassation.
La Cour de cassation estune salle de rouge vêtue, garnie de marbre, de bois et de dorure. Un immense portrait de Philippe Le Bon orne le mur. Des tables sont agencées de sorte à former un ovale. Sur celles-ci sont placés des chandeliers ce qui lui confère un côté à la fois chaleureux et intimidant. Dans cette pièce digne d’un château d’antan, l’immersion est complète. On peut poser des questions et interagir avec notre guide. D’après lui, nous nous trouvons dans la plus belle salle du palais. La mission de cette instance juridique est de vérifier si la loi a été appliquée correctement. Si ce n’est pas le cas, elle casse la décision et renvoie l’affaire vers la Cour d’appel ou bien vers un autre tribunal compétent, où elle sera rejugée. Si cette juridiction peut briser un premier verdict, le nôtre est inébranlable: nous sommes conquis par ce bâtiment et avons hâte de découvrir la suite. Plus nous nous avançons dans la visite et plus nous sommes émerveillés. Sculptures, tableaux, archives, couloirs et escaliers défilent pour nous mener à la Cour d’appel.
D’une pièce à une autre, le style change, mais l’époque aussi. Contrairement à la juridiction précédente, la Cour d’appel ne possède pas de très hauts plafonds ou d’ornements luxueux. Elle est très simpliste avec des couleurs assez douces, ce qui lui confère un certain charme. De nombreux tableaux de nudité sont présents. Selon notre guide, ces peintures symbolisent la paix, la justice et l’abondance. Elles représentent l’âge d’or de l’humanité. Il semble qu’avant 1968, on recouvrait les fresques à l’aide de rideaux pour ne pas déconcentrer l’assemblée. Cette juridiction du second degré traite les contestations des décisions rendues en premier ressort par le tribunal de Première Instance et celui du Commerce.
Le jugement qui change une vie
Au fond d’un couloir éclairé grâce à de grandes vitres, nous atteignons la Cour d’assises. Mais déception, nous ne pourrons malheureusement pas explorer cette pièce à cause de soucis techniques. Ne vous inquiétez toutefois pas: elle figure bel et bien dans la liste des salles à découvrir lors de cette visite. Même si, pour nous, cette Cour garde ses portes closes, nous ne restons pour autant sur notre faim. Le corridor où nous nous tenons nous offre une vue panoramique sur notre belle capitale. De plus, notre guide nous détaille ce qu’est cette instance. Son histoire, son architecture, mais aussi sa mission; il ne laisse rien de côté.
Cette juridiction s’occupe des crimes. Cependant, dû aux coûts financiers et temporels de cette procédure, nombre d’entre eux sont correctionnalisés. Seuls les méfaits estimés graves sont pris en charge par cette Cour. Par exemple, le meurtre ou l’assassinat d’une personne relève de sa compétence. Notre accompagnateur en profite pour nous rappeler le principe de présomption d’innocence. « Prenons l’exemple de l’affaire Dutroux, dit-il. Ça peut paraître choquant, mais cet homme était présumé innocent jusqu’à preuve du contraire. Il faut que différentes preuves incriminent l’accusé. » Le verdict est alors rendu sur la base de ces preuves, des circonstances atténuantes ou non, des magistrats présents, mais aussi du vote du jury. Ce dernier est représenté par douze jurés tirés au sort parmi la population. Ils sont amenés à se prononcer individuellement sur la culpabilité des prévenus. De nombreuses conditions ont été mises en place pour choisir ces citoyens. Ils doivent être de nationalité belge et parler la même langue que celle du procès, être âgés de 28 à 65 ans et n’avoir subi aucune condamnation de plus de quatre mois de prison ou une peine de travail de plus de 60 heures. Plusieurs métiers sont également écartés tels que fonctionnaires, magistrats, mandataires politiques, journalistes, avocats, etc. Toute personne ayant un quelconque lien avec l’accusé ou la victime est bien sûr exclue.
La visite touche à sa fin après plus de 1 h 30 d’exploration. Nous avons totalement été charmés et nous en sortons la tête remplie d’informations. Entre décor, récit et rouage judiciaire, ce monument historique nous a réservé moult surprises. Il est connu de part et d’autre du globe, pourtant peu de gens ont déjà franchi ses portes chez nous. Et c’est à cela que le Fédéral et la Région veulent remédier. D’après Mathieu Michel, Secrétaire d’Etat à la Régie des bâtiments : « Le Palais est un chef-d’oeuvre architectural remarquable dont la richesse mérite d’être partagée largement avec l’ensemble des Belges, mais également avec nos visiteurs venant du monde entier. » Une collaboration a ainsi été faite entre la Régie des bâtiments, le SPF Justice, la Cour de cassation et la Région de Bruxelles-Capitale. Grâce à cela, des visites guidées sont dès lors organisées le mercredi après-midi et le samedi sous la tutelle de Korei Guided Tour (néerlandais et anglais) et d’Arkadia (français). Et on vous conseille vivement de franchir les portes de ce haut lieu du patrimoine national.
Par Dounia Boussetta
En pratique
Réservation obligatoire sur www.arkadia.be
Tarif individuel: 13-16 euros (adultes) et 10-12 euros (moins de 26 ans).
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