Retour aux sources: un chalet d’Avoriaz, réaménagé tout en finesse
L’architecture « mimétique » et organique du Français Jacques Labro a donné corps au village alpin d’Avoriaz. En hiver, une famille belge s’y ressource dans l’un de ses premiers chalets réaménagé avec soin par Caroline Notté.
« Les lieux ne sont pas faciles d’accès. Mais la récompense est fantastique », explique Marie, maman de quatre enfants. Avec son compagnon, elle s’est lancée dans la rénovation de l’un des premiers chalets privés d’Avoriaz. « On arrive sur le parking et on met nos sacs à dos. Les enfants portent ce qu’ils peuvent. Nous prenons ensuite le téléphérique jusqu’à la falaise, puis nous entamons une longue marche jusqu’au chalet. L’organisation n’est pas toujours parfaite, croyez-moi. »
Le couple a acheté le chalet après plusieurs séjours dans le village, charmé par le décor. « Nous sommes tombés amoureux de l’atmosphère du lieu. Elle est détendue, contrairement à de nombreuses autres stations de ski. Ici, rien n’est trop sophistiqué. L’endroit correspond parfaitement à notre personnalité. Nous aimons la nature et la randonnée. La foule et les voitures des stations comme Megève et Courchevel, c’est moins notre truc. » Aujourd’hui, Avoriaz reste l’une des rares destinations de ski d’Europe où les voitures n’ont pas leur place. « Cela lui donne un petit côté hippie, c’est vrai, observe Marie en riant. L’endroit n’a pas changé depuis sa création et c’est vraiment exceptionnel. »
Chantier sans voitures
Au milieu des années 60, l’architecte français Jacques Labro a été chargé par un promoteur immobilier, Gérard Brémond, futur président de Pierre et Vacances, de concevoir les premiers bâtiments d’Avoriaz. En bonne passionnée d’architecture, Marie a fait appel à l’architecte dès qu’elle a acheté le chalet. « Il s’en souvient comme si c’était hier. Il m’a dit qu’ils avaient d’abord construit un grand bloc d’appartements juste en dessous de l’endroit où nous sommes maintenant. Puis ils ont construit l’hôtel, suivi par les petits chalets. « Les Premiers », comme il les appelle. C’est de là que ces logements tirent leur nom. Il s’agissait des premiers chalets individuels dans cette région nouvellement habitée des Alpes françaises. »
Jacques Labro aime les formes traditionnelles, aussi son travail se caractérise-t-il par des angles, des variations de niveaux et des pentes. Son style est discret dans le sens où il ne cherche pas à être différent. Il s’inspire des langages traditionnels de l’architecture, mais en regardant de plus près, vous remarquerez des variations subtiles qui donnent une « touche Labro » à ses oeuvres. « Le bâtiment est conçu pour se marier à l’environnement d’une manière intéressante, note l’architecte bruxelloise Caroline Notté, qui a travaillé à la rénovation à la demande des propriétaires. Il n’y a pas d’énormes fenêtres contemporaines comme on peut en voir partout aujourd’hui. Techniquement, le concepteur aurait pu en installer, mais il a décidé de ne pas le faire. Il a choisi de respecter la tradition locale. L’extérieur n’a rien d’extravagant. Pourtant, il se distingue. A l’intérieur, il y a des espaces très intéressants à vivre, pleins de petits détails. Les volumes sont remarquables. On peut dire que c’était avant-gardiste. Jacques Labro a fait preuve de beaucoup d’audace. »
Marie et son mari ont acheté le chalet en septembre, ce qui signifie qu’ils n’avaient que quelques mois pour le préparer pour la saison d’hiver qui approchait. Chaque année, la ville est fermée à toute circulation automobile à partir du 12 décembre. « Je savais que la rénovation serait difficile, notamment en raison de l’altitude. Nous sommes à 1 850 m. Il commence déjà à neiger à la fin de l’été. Mais au climat s’est ajouté le fait que la ville n’est pas accessible en voiture pendant la majeure partie de l’année. » Le défi logistique et la pression du temps ont été les catalyseurs nécessaires au projet. « Je pense que Marie recherchait un architecte capable de réagir rapidement et de suivre un projet en dehors du pays. Il était également clair que je respecterais le style du chalet, sans chercher à le transformer du tout au tout », poursuit Caroline – les deux femmes étant amies d’enfance.
Escalade intérieure
La signature originale et épurée de Jacques Labro était cachée sous de nombreuses couches de boiseries. Le résultat de plus de quarante ans de rénovations et de prétendues améliorations du chalet. « Nous voulions absolument revenir à la simplicité originale des espaces et du style du créateur. Nous voulions respecter les espaces qui avaient été fortement remodelés au cours de la vie de ce logis », décrit la propriétaire. L’oeuvre de Jacques Labro est souvent qualifiée d’organique car elle s’inspire des formes irrégulières des montagnes. Les volumes intérieurs sont disposés sur plusieurs niveaux. Les déplacements entre ceux-ci peuvent être comparés à de l’escalade, en un sens. Mais le monopole du pin, omniprésent, rendait l’intérieur oppressant. « Nous voulions remettre au jour des formes que nous connaissions d’autres appartements signés par lui et restés intacts. C’était important. Nous désirions aussi retrouver l’esprit et le style des années 60 qui étaient présents dans la construction de départ. »
« Nous avons complètement vidé le chalet, résume Marie. Nous n’avons pas touché à la structure. Une petite salle de bains au rez-de-chaussée a été transformée en local à skis. C’est tout. » Les amies d’enfance se sont mises d’accord pour que la rénovation se limite à une petite palette de matériaux afin de recréer l’atmosphère des sixties. « Ils ont tous été choisis avec le plus grand soin. Rien n’a été laissé au hasard. » Marie compare la disposition de l’intérieur à celle d’un bateau ou d’un restaurant. Chaque espace a été soigneusement dessiné sur la base de sa fonction. L’une des adaptations a été l’installation de « hublots » permettant à la lumière naturelle de pénétrer dans la cage d’escalier. Une touche typique de Jacques Labro que Caroline Notté a adoptée sans hésiter. Le ton foncé original du bois de l’escalier a été utilisé pour les plafonds du reste de l’habitation. Un choix qui rend les volumes cohérents et l’ensemble plus chaleureux.
« Ce n’est pas un chalet particulièrement grand. Il n’y a pas une seule pièce qui soit carrée ou rectangulaire. En fait, sa forme est tellement différente qu’elle est indescriptible. C’est ce qui fait la beauté de vivre dans une architecture Jacques Labro. Il n’a pas le confort d’un hôtel de luxe, mais… nous l’aimons, conclut Marie. Le résultat est à la hauteur de tous nos efforts. Le chalet respire l’authenticité. »
En bref Caroline Notté
L’architecte bruxelloise est née en 1977.
Elle a étudié à La Cambre, à l’Instituto Universitario de Arquitectura de Séville et au New York Institute of Photography.
Avant de créer son propre studio en 2005, elle a travaillé avec les architectes belges Marc Corbiau et Lionel Jadot.
Elle réalise des projets à la frontière entre l’architecture et le design d’intérieur.
carolinenotte.com
Jacques Labro
L’architecte français est né en 1935.
Il est lauréat du prix de Rome en 1961, il a aussi reçu le prix de l’Equerre d’Argent pour son travail à Avoriaz. L’ensemble de la station a été labellisé « Patrimoine du XXe siècle ».
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