Visite d’une maison partagée avec un senior, mêlant Art déco et modernité
En Flandre, il existe des «zorgwoningen» qui permettent à une famille de dédier une partie de sa maison à un senior nécessitant des soins. Pour Karen, choisir cette option pour sa mère vieillissante était une évidence. C’est ainsi qu’est né ce projet de villa alliant détails Art déco et modernité.
«Je n’avais même pas fini ma phrase que ma maman répondait déjà un grand «oui»», se souvient Karen. Elle lui avait alors demandé si construire une maison partagée l’intéresserait. C’était en 2007: à l’époque, on parlait peu de ce type de projet dans le monde de l’architecture et de la construction, mais pour Kristof et Karen, c’était une évidence. «Je suis fille unique et ma maman est célibataire. Elle n’avait encore que 57 ans et n’avait pas besoin de soins, mais je regardais déjà vers l’avenir: un jour viendra où je m’occuperai d’elle, alors pourquoi ne pas vivre sous le même toit?»
Kristof, son mari, n’a pas hésité une seconde non plus. «A condition de bien s’organiser, notamment en termes d’intimité, ce mode de vie ne présente que des avantages: nos enfants – qui ont aujourd’hui 15, 18 et 21 ans – ont grandi en profitant de leur grand-mère, et lorsqu’elle est en vacances, nous nous occupons de ses animaux de compagnie et de ses plantes. De plus, ma belle-mère ne souffre pas de la solitude: Karen et sa mère se voient tous les jours et, lorsque les enfants étaient petits, nous mangions ensemble au moins un soir par semaine», ajoute-t-il.
Alors qu’il partageait déjà leur vie avec la mamy depuis dix ans, Kristof a alors eu l’envie de retenter l’aventure constructive. Avec la volonté de mieux encore adapter l’endroit à la personne plus âgée. «J’ai vu ce terrain de 7 000 m2 non loin de notre ancienne habitation, en pleine nature, et je me suis mis à rêver d’une maison d’architecte dans le style d’Henry Van de Velde, de la Villa Empain.»
Il lui a fallu un certain temps pour convaincre Karen et sa mère. Cette dernière craignait surtout de déménager. Pour la conception, le couple s’est associé à Frederik Dutry, du cabinet d’architectes Freek. Leurs exigences: un style Art déco avec des touches de modernité, des façades blanches avec des briques et des pierres naturelles et un air de logis de vacances. L’appartement de la grand-mère devait évidemment être adapté aux personnes à mobilité réduite, au cas où elle aurait besoin d’un fauteuil roulant. Pour le reste, Frederik a reçu carte blanche.
Laver son linge en famille
Le projet a été appelé «A-tree-M house», un double jeu de mots faisant référence aux arbres qui entourent la maison et au patio qui se trouve en son centre. «Kristof et Karen savaient très bien ce qu’ils voulaient: une nouvelle construction de caractère avec une âme Art déco. D’où les angles arrondis, l’auvent courbé, les fenêtres classiques en bois et le socle en Sinaï Pearl. Cette pierre calcaire beige avec des fossiles gris clair s’accorde parfaitement avec les pierres de la façade», explique Frederik. La maison principale et la «maison de soins» disposent chacune d’une porte d’entrée et d’un jardin.
Elles ne possèdent qu’un seul espace commun: la buanderie. Celle-ci est reliée à chaque unité résidentielle. «Dans notre logement précédent, nous partagions la même entrée, et nous voulions remédier à cela ici», explique Karen. Chaque pièce des deux logements donne sur l’atrium et la piscine, ce qui donne aux résidents l’impression d’être en vacances presque tous les jours.
Le couple avait par ailleurs demandé à l’architecte que les deux unités ne fassent qu’un en termes de style et de matériaux. «Ma mère pensait que ses meubles ne s’intégreraient pas dans l’intérieur moderne que nous avions en tête, mais maintenant qu’elle voit que c’est le cas, elle est très heureuse. Nous habitons ici depuis deux ans, et elle ne déménagerait pour rien au monde. Qu’adviendra-t-il de son appartement plus tard? Nous plaisantons parfois à ce sujet: comme les hommes ne vivent pas aussi longtemps que les femmes, peut-être qu’un jour j’y vivrai seule, plaisante Karen. Ou l’un de nos enfants. Ils connaissent les avantages de la cohabitation multigénérationnelle depuis l’enfance. Nous n’avons rien inventé: il y a cent ans, ce mode de vie était courant, et je suis ravie qu’il connaisse un second souffle.»
Texte Katrien Depoorter
En bref Freek architecten
Frederik Dutry a étudié l’architecture à la LUCA School of Arts de Gand.
Il a travaillé chez Bosch Architects à Amsterdam, Stéphane Beel Architects et Beel-De Geyter.
Il a fondé Freek architecten à Gand en 2009.
freekarchitecten.be
@freekarchitecten
Un exemple venu du Nord
En Flandre, il existe une règlementation concernant la «maison de soins» (zorgwoning), soit un logement indépendant, attenant à une habitation individuelle et adapté pour y accueillir une personne de 65 ans et plus ayant besoin de soins. La personne aidée et ses aidants sont alors considérés comme deux familles à la même adresse. L’avantage? Celles-ci ne perdent aucune allocation sociale ni avantage.
Dans le cas d’une nouvelle construction, cette «maison de soins» doit être reliée à l’entité principale par des portes communicantes et se trouver sous un même toit. Si la personne qui vit dans la maison de soins décède, l’espace peut être récupéré ou accueillir un nouveau résident.
Ce modèle reconnu n’existe pas (encore) de notre côté de la frontière linguistique. Néanmoins, on dénombre d’autres initiatives visant à favoriser le maintien à domicile le plus longtemps possible. Parmi elles, le projet wallon de Logements inclusifs et solidaires, subventionné par un Fonds européen. L’idée est de créer 125 logements privés adaptés, d’ici 2026, où il sera possible de vivre en famille avec une personne nécessitant des soins. Une assistance digitale pilote sera également mise en place.
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