Astrid Centner, directrice de Christie’s Belgique: « Mon plus grand plaisir est d’être au plus près des œuvres »
En 2006, Astrid Centner (44 ans) est engagée comme catalogueur chez Christie’s à Paris, où elle prend en 2018 la direction du département Tableaux Anciens. Depuis trois ans, elle est à la tête de Christie’s Belgique & Luxembourg. La maison de ventes vient de s’établir avenue Louise, où elle a ouvert un hub qui sera aussi un lieu d’expos, conférences et master class.
C’est ma grand-mère qui m’a d’abord initiée à la peinture
Avec mon grand-père, ils collectionnaient des œuvres de maîtres flamands. Ma grand-mère était par ailleurs une conteuse hors pair. C’est ainsi que, dès mes 12 ans, j’ai développé une passion qui allait bien au-delà de l’observation. La thématique d’une toile et la période à laquelle elle a été réalisée, son parcours et les collections auxquelles elle a appartenu ; l’histoire derrière une œuvre me passionne.
Mon année à l’étranger à l’âge de 18 ans a été un tournant décisif dans ma vie
J’ai eu une enfance heureuse, mais j’étais assez réservée. Je venais d’une famille aimante et protectrice, et je n’avais pas beaucoup goûté à la liberté. Lorsque j’ai fait un séjour linguistique à Oxford et à Salamanque, la donne a changé. Loin de mes parents, j’ai pu découvrir un environnement varié et multiculturel. Si je voulais en tirer profit, il fallait que je sorte de ma coquille. Aujourd’hui encore, j’en récolte les fruits ; je suis devenue une personne plus extravertie, ayant davantage confiance en elle, ce qui me permet d’endosser de nouvelles responsabilités chez Christie’s.
On peut induire l’amour de l’art chez les enfants, sans l’imposer
Lorsque j’étais petite, mes parents m’ont notamment emmenée au Louvre à Paris, mais ils ne m’ont jamais obligée à visiter une collection dans son entièreté. Aujourd’hui, avec mes enfants, je leur demande de se concentrer sur une ou deux œuvres qui les interpellent. Si je les bombarde d’informations, ils les oublient aussitôt, alors qu’ils garderont plus facilement en mémoire une anecdote sur un tableau.
Les vraies passions ne s’envolent jamais
Après la naissance de mon troisième enfant, j’ai mis ma carrière entre parenthèses pendant deux ans. Je continuais cependant à visiter les musées et à donner des conseils à l’un ou l’autre collectionneur qui me sollicitait. Je n’ai eu aucune difficulté à faire passer la maternité et ma famille au premier plan pendant quelque temps. Même si j’adorais les voyages professionnels et le contact avec les collectionneurs, la vie est si courte qu’il faut se fixer des priorités à chaque grande étape.
Les rencontres en voyage, c’est une vraie source d’enrichissement
Il est important de s’immerger dans l’art et la culture, mais c’est surtout grâce au contact des gens que l’on découvre un pays et ses coutumes. Plus jeune, j’ai eu la chance de goûter à ce dépaysement ; lors de longs séjours avec des amies en Chine, au Mexique et aux Etats-Unis, j’ai été accueillie avec beaucoup de convivialité dans la plupart des lieux visités.
Le contact physique avec des objets d’art est toujours un émerveillement
Je sais combien les livres sont une source d’information inépuisable, mais mon plus grand plaisir est d’être au plus près des œuvres, de les analyser sous toutes les coutures. Je suis consciente d’être privilégiée d’avoir pu le faire auprès de mes grands-parents dès mon plus jeune âge et aujourd’hui chez Christie’s.
Une vente aux enchères n’est pas une science exacte
J’essaie toujours de donner le meilleur conseil possible aux clients qui veulent acheter ou vendre une œuvre, mais nous n’avons pas toujours toutes les clés en main. Un acheteur potentiel peut se rétracter à la dernière minute. A contrario, il peut arriver que les offres fusent lors d’une vente aux enchères alors que nous ne nous y attendions pas. Généralement, j’arrive sans difficulté à gérer cette facette du métier, mais c’est parfois plus délicat lorsque des proches font partie de l’équation. Si le résultat n’est pas à la hauteur de leurs attentes, l’aspect émotionnel peut être plus intense.
Etre bien entouré est indispensable dans la vie
Sur le plan privé, j’ai la chance de connaître mon mari depuis presque vingt-cinq ans et nous nous complétons la plupart du temps, nous formons une équipe, mais chez Christie’s aussi, c’est essentiel pour moi d’avoir le point de vue de mes collègues. Il est inspirant et on en sort toujours grandi.
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