Directrice de la Brafa

Beatrix Bourdon, directrice de la Brafa: « L’art est pour tout le monde »

Beatrix Bourdon © Laetitia Bica
Anne-Françoise Moyson

L’art, de l’antiquité au contemporain, n’a pas de secret pour elle. Depuis trente-deux ans, Beatrix Bourdon (58 ans) met en musique la Brafa. Elle qui se rêvait journaliste orchestre avec élégance cette foire d’art éclectique que le monde nous envie. Elle en peaufine la 69e édition, avec comme invité d’honneur la Fondation Paul Delvaux et 132 galeries venues de 14 pays. Elle savoure sa chance.

Le monde de l’art est un monde masculin

Même si de plus en plus de femmes y trouvent leur place. Je ne connaissais ni la Foire ni la Chambre des Antiquaires quand, en 1992, j’ai entendu qu’elle cherchait à engager, mais de préférence un homme plutôt qu’une femme. J’ai trouvé ça misogyne et très choquant. Je ne pouvais accepter cette discrimination. Le lendemain, j’envoyais mon CV, on était une vingtaine à postuler. Et j’ai été engagée pour organiser la Foire des antiquaires de Belgique, j’avais 27 ans. Et puis durant quatre ans, j’ai dû entendre que j’étais peut-être bien la bonne personne mais qu’ils auraient tout de même préféré un homme !

L’internat fut un pur bonheur

J’y suis entrée à 
11 ans, chez les Bénédictins, à l’Abbaye Saint-André à Loppem. C’était normal dans notre éducation, c’était un plus, et non une punition. J’avais un papa plus âgé qui était né en 1914, il y avait peu d’enfants autour de nous et là soudain, c’était plein de jeunes, on pouvait faire du sport et rencontrer des gens. Jusque-là, j’avais grandi à Knokke – mon enfance, c’était la mer, la plage.

Rencontrer des artistes est une chance

C’était au restaurant Au Vieux Saint Martin, Christo voulait présenter une installation à la foire, elle faisait 15 mètres sur 6, nous ne savions pas où la mettre et il désirait m’expliquer comment placer cette œuvre… Je ne comprenais pas, alors il a pris le napperon en papier sur la table, avec un imprimé d’Alechinsky, il l’a retourné et a dessiné dessus. Le serveur a voulu jeter le napperon, j’ai dit « surtout pas », on l’a fait encadrer et il trône désormais au bureau.

Les enfants vous font changer votre vision du monde

Ils sont plus ouverts à tout. J’écoute les miens, ce n’était pas le cas de mes parents : je devais me taire à table, sauf si on m’adressait la parole. J’étais très timide, je me cachais sous la table quand il y avait des invités. Mes enfants, Pierre et Camille, ont 24 ans. Ils sont jumeaux et ils ont eu leur petit langage à eux, jusque vers l’âge de 4 ans, ils ont donc commencé à parler très tard. A l’époque, je n’ai pas lu de traité sur la gémellité, j’ai préféré laisser faire la nature et me laisser guider par la vie.

Quand on achète une œuvre d’art, il ne faut pas réfléchir

Il faut surtout avoir un coup de foudre et ne pas penser à l’investissement – et si cela en devient un par après, tant mieux ! Une œuvre doit provoquer une émotion. C’est pourquoi je ne suis pas tout à fait convaincue par les ventes en ligne. J’estime par exemple qu’une sculpture, il faut la regarder de tous les côtés, sentir la matière, percevoir sa vibration. C’est pour cela que les foires existent. Et dans notre cas, on y réunit 132 galeries d’art qui viennent y montrer ce qu’elles ont de mieux.

Franchir la porte d’une galerie peut être impressionnant

Surtout quand il n’y a personne et qu’on a peur de déranger… Je le comprends mais cela s’apprend ! Il faut juste prendre son courage à deux mains et surtout poser des questions aux galeristes. Il n’y a jamais de questions inutiles. Et l’art est pour tout le monde.

Le golf vous enseigne la discipline

On est une famille de golfeurs, je n’ai pas eu le choix, à 6 ans, je prenais des cours. Ce sport m’a donné le sens de la compétition et m’a permis d’avoir des amis. Il m’a aussi appris une certaine retenue, un peu à l’anglaise… Car au golf, on ne peut pas râler ! Quand on rate, pas question de jeter son stick en l’air, cela ne se fait pas.

Je ne suis pas collectionneuse

On l’est quand on ne sait plus où mettre ses œuvres chez soi et que l’on a besoin d’un espace pour les stocker. Je trouve toujours une petite place pour mes coups de cœur, je veux vivre avec eux, c’est bien la preuve que je ne suis pas encore une collectionneuse. Et puis, j’ai la chance de voir beaucoup de belles œuvres, je n’ai donc pas besoin de les posséder à tout pri

En Belgique, on n’est pas assez fiers de nous-mêmes

Nous avons de grands collectionneurs, mais ils sont très discrets. Nous avons de grands artistes mais ils sont souvent plus connus à l’étranger. Et je le constate également dans notre communication : on écrit que la Brafa est une foire d’art qualitative mais pas que nous sommes les premiers au monde. On n’utilisera jamais « We are the best » à l’américaine, car il y a toujours une marge d’évolution saine et passionnante même après 69 éditions ! Et puis on n’oserait pas, on est trop humbles.

Du 28 janvier au 4 février prochain, à Brussels Expo. brafa.art

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