Fast beauty: achetez-vous trop de produits cosmétiques?

Nos armoires de salle de bains débordent de produits inutiles

Votre armoire de salle de bains déborde de soins, de parfums et de maquillage que vous utilisez à peine? Sans doute avez-vous succombé aux mirages de la super fast beauty.

Les dégâts de la fast fashion sur l’environnement ne sont hélas plus à démontrer. La prise de conscience est heureusement réelle, même au niveau politique où des mesures sont en train d’être mises en place pour en contrecarrer les effets. Le même emballement est malheureusement en train de se produire avec nos cosmétiques. Les acteurs de ce que l’on appelle désormais la «super fast beauty» appliquent à nos produits de soin et make-up les mêmes recettes délétères qu’à la mode. A savoir la volonté constante de lancer de nouveaux articles et l’ambition de devenir viral sur des plates-formes telles que TikTok et Instagram.

Des références à 1 euro


Le récent essor de SheGlam, la marque de cosmétiques de la chaîne de fast fashion Shein constitue le parfait exemple de super fast beauty. Avec des centaines de nouvelles références lancées chaque mois, au prix de départ de 1 euro, Shein pousse incontestablement à la surconsommation, en particulier parmi les membres de la Gen Z qui constituent son principal fond de commerce.
Ses «dupes», imitations bon marché de produits de marques établies, contribuent au phénomène. Peu importe l’original, le but ici est de faire «comme si». SheGlam va même jusqu’à proposer à la vente des pots «airless» vides ressemblant aux contenants emblématiques de la marque Drunk Elephant. Peu importe ce que vous y glisserez. Résultat? Deux fois plus de déchets et un produit manipulé parfois avec les doigts qui n’est pas du tout hygiénique.

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Toujours plus

Selon le Dr Jetske Ultee, médecin et chercheuse en dermatologie cosmétique, nos cosmétiques peuvent être comparés à des aliments: «Vous videz un pot de beurre de cacahuètes et vous le jetez. Il en va de même pour votre pot de crème. Comme les aliments, les produits de beauté ont une durée de vie limitée. Or la chasse aux dernières tendances pousse à la surconsommation et les produits finissent souvent à la poubelle après une ou deux utilisations. C’est cela la fast beauty.»
L’experte confirme d’ailleurs le parallèle avec la fast fashion. «On se retrouve face à un torrent de produits que l’on utilisera à peine. Comme nos vêtements bon marché qui sont très peu portés avant d’être jetés. La fast beauty suit exactement le même schéma, même si les produits peuvent parfois être plus chers.»

Dans les cas d’école de cette fast beauty on retrouve par exemple les fameux «sheet masks» que l’on n’utilise que quelques minutes et que l’on jette ensuite avec l’emballage. Stars des réseaux sociaux, les produits de soin à la mode tels que les crèmes à base de bave d’escargot, les nettoyants en gelée ou les peelings exfoliants, font également partie de ces articles qui poussent à essayer la dernière tendance sans penser aux effets à long terme sur notre peau.

Les collections en édition limitée de marques telles que Kylie Cosmetics, qui créent une rareté artificielle, alimentent également cette surconsommation. Un phénomène qui s’exporte aussi chez le discounter Action dont les palettes de maquillage s’arrachent dès leur sortie… avant de finir au double du prix sur Vinted…

Quantité versus qualité


Pour des labels de fast beauty comme SheGlam, Makeup Revolution, E.l.f., Essence, ou Primark la concurrence est la principale source d’inspiration. Leur stratégie? Produire en masse pour réduire les coûts, le plus souvent en Chine, ce qui alourdit l’empreinte écologique du produit. Cette approche se fait parfois au détriment de la qualité des ingrédients – car non, tous les acides hyaluroniques ne se valent pas… – et de la durabilité des emballages. Ces marques sortent des nouveautés à la pelle, mettent en avant leurs produits sans relâche et donnent aux consommateurs l’impression qu’ils passent à côté de quelque chose s’ils ne testent pas les dernières nouveautés.

Pour Giselinde Kuipers, sociologue à la KU Leuven, cette irrépressible soif de neuf dans le domaine des cosmétiques est un signe des temps, «dans une société où la consommation joue un rôle crucial dans la définition de l’identité»: «L’apparence est la manière la plus évidente de se présenter. Ce glissement vers l’autoreprésentation visuelle comme critère pour la valeur personnelle et sociale est caractéristique de notre époque.»

Une faim insatiable


L’enseignante constate que nous sommes arrivés aujourd’hui à une vraie «course effrénée pour la beauté»: «Les gens investissent toujours plus de temps, d’argent et d’effort dans leur physique pour rester dans le coup. La beauté est devenue une compétition sans fin.» Et l’industrie en tire habilement profit: des soins pour la peau aux procédures esthétiques, tout est bien plus à notre portée qu’autrefois. «Il y a un siècle, c’était un exploit d’atteindre les 40 ans avec ses dents intactes, développe-t-elle. Aujourd’hui, la norme, c’est une dentition parfaite. Ce qui était autrefois une exception est devenu aujourd’hui la règle. Pour être séduisant, la barre est de plus en plus haute.»

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Pour notre spécialiste, les réseaux sociaux sont responsables de ce nouvel état de fait. «La beauté est un must dans toutes les facettes de notre vie. Il ne s’agit plus seulement d’être au top pour des situations sociales ou romantiques: nous attendons aujourd’hui une apparence impeccable également aux niveaux professionnel et personnel.» Une pression constante à laquelle il est difficile d’échapper.

Un challenge écologique

Cependant, alors que la fast fashion est largement étudiée, les dégâts écologiques de la fast beauty restent en grande partie sous les radars. On sait que les lancements sont bien plus nombreux qu’avant, en particulier chez les géants de l’ultra fast fashion comme Shein, H&M, Zara et Primark – mais des détails concrets sur leur durabilité, il n’y en a aucun.
En Belgique, l’impact écologique de ces cycles rapides de produits reste peu mesurable, mais les chiffres mondiaux font froid dans le dos. Le British Beauty Council estime que l’industrie cosmétique produit chaque année plus de 120 milliards d’emballages, dont à peine 9% sont recyclés. Le reste finit à la décharge. Et ce n’est que le sommet de l’iceberg: l’Environmental Protection Agency (EPA) américaine alerte sur le fait que certaines substances chimiques contenues dans les cosmétiques pourraient polluer les eaux et dégrader les écosystèmes.

Des tentations pas sans risque


Les chiffres sur le panier moyen du consommateur restent aussi effarants: s’il possède chez lui pas moins d’une quarantaine d’items, seuls seize d’entre eux sont susceptibles d’être utilisés. Les autres restent intacts, ou presque, avant de se retrouver à la poubelle. S’ajoute à cela le danger potentiel de certains «hacks» plébiscités par des pseudo-experts souvent payés par les marques elles-mêmes. Surtout lorsque l’on achète en ligne des labels étrangers à l’Union européenne dont les produits ne sont pas toujours aux normes.

«Une crème est récemment devenue virale parce qu’elle promettait de lisser les rides en très peu de temps, ajoute Jetske Ultee. L’effet provenait du silicate de soude, une matière chimique utilisée pour hydrofuger les sols et donc extrêmement dangereuse. La peau semblait effectivement plus lisse, mais à quel prix? Cet agent irritant pouvait provoquer des gonflements et des rougeurs oculaires.»

Un faux sentiment d’urgence


La hype autour de la «bave d’escargot», plébiscitée pour sa teneur en acide glycolique et en acide hyaluronique constitue un autre exemple parfait. «Même si elle contient quelques composants utiles, les concentrations réelles et les valeurs du pH sont difficiles à vérifier quand cela provient d’un animal vivant, précise notre spécialiste. Ces mêmes actifs peuvent tout à fait être ajoutés séparément dans les produits de soin et de manière totalement contrôlée.»

Il est vrai que face aux tentations qui défilent en permanence sur notre feed, il peut être difficile de résister au sentiment d’urgence – «il me faut absolument ce produit» – qu’elles engendrent, suivi du pic de dopamine généré lors de l’achat… et du déballage ultérieur. «En matière de cosmétique, rien n’est jamais indispensable, souligne le docteur Jetske Ultee. Le seul produit dont on ne devrait pas se passer, c’est la crème solaire.»

Bien sûr il n’y a rien de mal à vouloir améliorer notre routine personnelle, ce qui n’empêche pas de rester critique. Dans un monde idéal, les réseaux sociaux pourraient même nous y aider. «Nous avons besoin d’une approche systématique pour stimuler la consommation durable, pointe Giselinde Kuipers. Au lieu de pousser continuellement de nouvelles tendances, les plates-formes pourraient aider à montrer comment gérer mieux les produits que nous avons déjà. C’est seulement ainsi que nous pourrons construire une culture de la consommation raisonnée et de la durabilité. »






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