« Le maquillage peut avoir quelque chose de très profond, voire même d’introspectif »

Jérôme Touron a eu à sa disposition des milliers de références colorielles pour créer la première collection de rouges à lèvres Hermès.
Aurélie Wehrlin Journaliste

La maison Hermès lancera début mars dans ses boutiques sa première collection de rouges à lèvres. Une entrée très attendue dans l’univers du maquillage et du soin. Découverte en coulisses avec Jérôme Touron, le tout nouveau directeur créatif d’Hermès Beauté.

Avec vous, Hermès fait ses premiers pas dans le maquillage, un domaine qui lui était jusque là totalement étranger. Comment vous y êtes vous pris pour poser les jalons de ce nouveau métier tout en respectant les codes uniques de cet acteur du luxe?

C’est une chance assez unique de pouvoir partir d’une page blanche pour créer un métier véritablement ancré dans le monde d’aujourd’hui: le maquillage reflète mieux que tout le dynamisme de notre époque. En même temps, il fallait imaginer cette première collection de rouges à lèvres en s’inspirant, de manière moderne, de toute la richesse d’Hermès. Et cette richesse est tellement grande que l’on pourrait presque s’y perdre. Nous sommes donc partis de quatre fondamentaux chers à la maison: la couleur, la matière, le geste, l’objet.

Justement, comment avez-vous choisi les couleurs de cette première collection?

Le luxe incroyable, chez Hermès, c’est de se donner le temps. C’est un projet qui a pris plus de 5 ans. Nous avons voulu aller plus loin que de se dire simplement, il nous faut 24 teintes, voilà, on les a, c’est bon. Notre point de départ, c’était le cuir et la soie, en particulier les 75000 nuances de soie répertoriées dans la bibliothèque de Lyon. Sans oublier la célèbre boîte orange. Alors bien sûr, dans ce nuancier, il y a du vert, du jaune, etc… Mais même si l’on se contente de regarder les roses, les rouges, les beiges, c’est infini. Et nous avons essayé une infinité d’options à partir desquelles, avec le comité de création, nous avons réalisé un travail d’édition. Pour sélectionner véritablement ce qui a le plus de sens, ce qui fait qu’au final, notre gamme de couleurs sera complète et correspondra réellement à des besoins.

Le rouge idéal se doit d'être flatteur, doux et parfiatement équilibré.
Le rouge idéal se doit d’être flatteur, doux et parfiatement équilibré.

Parce que l’on peut avoir « besoin » d’un rouge plutôt que d’un autre?

L’idée de besoin n’est pas un gros mot lorsque l’on parle de couleurs. On peut ressentir le besoin d’un rouge vif, central, à la fois audacieux et vibrant qui reste facile à porter. Pour moi, c’est ça le rouge idéal: il est flatteur, doux, parfaitement équilibré, ni trop chaud, ni trop froid. Et il est incarné chez Hermès par notre Rouge Casaque. Si toutes les teintes ne doivent pas aller à tout le monde, elles doivent en revanche toujours passer l’épreuve de l’application. Il ne doit jamais y avoir d’esbroufe, même dans la fantaisie. Cela doit rester beau, élégant, sans être ennuyeux. Pour cela il faut réussir à créer la surprise.

Qui dit application justement, dit matières. En quoi celles des nouveaux rouges Hermès sont-elles particulières?

Là aussi, nous avons pris énormément de temps à les définir. Une formule est aussi influencée par la couleur, par le choix des pigments, par leur intensité. L’aspect soin pour nous était capital: nous y avons pour cela ajouté des principes actifs naturels, comme le mûrier blanc qui est antioxydant, la sésamine, un extrait de graine de sésame aux pouvoirs hydratants et des actifs naturels protecteurs comme la cire d’abeilles et de candelilla. Nous voulions aussi apporter du confort – c’est un mot important chez Hermès – grâce au beurre de karité. Plus spécifiquement encore, qui dit matière dit impact sur le rendu, ce qui nous a amené à choisir deux finis inspirés par deux cuirs de la maison, l’un plus velouté, plus mat et l’autre plus brillant.

La première gamme comporte 24 teintes, une référence au numéro de l'adresse historique du Faubourg Saint Honoré.
La première gamme comporte 24 teintes, une référence au numéro de l’adresse historique du Faubourg Saint Honoré.

Hermès dispose donc désormais de ses propres usines et laboratoires?

Nous avons créé un laboratoire de recherches et développements entièrement dédié à la beauté au Vaudreuil, en Normandie, sur le même site que celui sur lequel sont fabriqués nos parfums. Mais nous codéveloppons nos formules exclusives avec des partenaires qui possèdent l’expertise nécessaire pour nous permettre d’arriver au niveau de qualité que nous souhaitons.

Ces 24 rouges ne sont que le début de l’aventure beauté?

Notre objectif à terme est effectivement de proposer une offre maquillage pour tout le visage mais également du soin. Cette idée est d’ailleurs déjà présente dans cette collection car nous proposons aussi un baume à lèvres hydratant et avec lui tout un rituel de beauté des lèvres. Même si nos rouges ont vocation à durer, nous avons ajouté déjà trois coloris en édition limitée, des propositions plus pétillantes, plus éphémères. Le geste aussi est important, raison pour laquelle nous avons d’emblée ajouté un crayon et un objet pinceau à lèvres. La femme pourra décider de se maquiller en quelques secondes, la forme du raisin a été pensée pour cela. Mais elle pourra le faire aussi avec un objet en bois laqué de fabrication artisanale, ce qui participe aussi d’un certain art de vivre car se maquiller c’est aussi prendre soin de soi, prendre du temps pour soi.

Le maquillage pourrait donc nous faire du bien?

L’une des fonctions du maquillage, c’est l’esthétisation de soi. Mais cela peut avoir quelque chose de très profond, d’introspectif, qui révèle quelque chose de soi, de la personnalité. Quand on arrive à créer cette correspondance entre la manière dont on se sent à l’intérieur et ce que l’on dévoile à l’extérieur on touche à quelque chose de très sain, de très léger qui procure une petite sensation de bien-être finalement assez précieuse. Ce confort doux et plaisant que l’on ressent, c’est sans doute la finalité ultime du maquillage.

En plus des 24 teintes de la collection permanente, il existe aussi trois coloris plus pétillants, plus éphémères
En plus des 24 teintes de la collection permanente, il existe aussi trois coloris plus pétillants, plus éphémères

Quel est votre coloris favori dans la collection?

Je n’en ai pas un mais trois! Je suis particulièrement content de nos trois couleurs emblématiques: le Rouge Casaque dont j’ai déjà parlé, parce que c’est un rouge qui a l’air évident et qui en réalité a été le plus compliqué à définir. J’aime aussi beaucoup notre Rouge H car il a le potentiel de devenir un nouveau classique. Quand on le voit dans le raisin on se dit : waouw. Mais quand on le porte il est incroyablement chic. Enfin, je suis aussi très heureux du Orange Boîte, un véritable challenge en soi car au départ, c’était un peu un essai: on croise les doigts et on voit ce que ça donne. On l’a tellement travaillé que l’on ose même le présenter dans les deux rendus, mat et satiné. Ce qui m’intéresse avec ces deux rouges, c’est qu’ils sont audacieux. C’est facile de lancer un rouge à lèvres bleu, un rouge à lèvres vert. Il n’y a pas de comparatif. Cela va seulement marquer les esprits. C’est plus difficile d’oser s’attaquer à un sujet risqué, en l’occurrence ici deux couleurs porteuses de sens pour la maison, et de parvenir à en faire des teintes que l’on aimera réellement porter.

Alerte rouge

La collection. Baptisée Rouge Hermès, tout simplement, la ligne se déclare en vingt-quatre teintes – dix finis mats et quatorze satinés inspirés par l’analogie tactile et visuelle de deux cuirs emblématiques du sellier – augmentées d’une édition limitée saisonnière de trois coloris.

Les couleurs. Des tons choisis à partir des quelque 75 000 coloris échantillonnés sur soie et conservés dans la bibliothèque chromatique de Lyon. S’y ajoutent aussi un crayon universel pour définir les contours, un baume de soin et un brillant glossy.

La formule. La texture fondante hautement concentrée en pigments laisse sur les lèvres un film à la fois léger et couvrant sans effet de matière. La formule a même été dotée de sa propre signature olfactive. Une odeur subtilement végétale imaginée par le nez d’Hermès, Christine Nagel.

Le design. Pensé pour durer, l’étui en métal à la fermeture aimantée est rechargeable, le mécanisme qui contient le raisin étant indéfiniment interchangeable. L’utilisation du plastique est strictement limitée au mécanisme intérieur en contact direct avec le raisin.

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