Le retour en grâce de l’after-shave
Si l’univers du soin visage est de plus en plus unisexe, le rasage et tout ce qui l’entoure restent l’un des derniers bastions de la cosmétique masculine. Les lotions à l’ancienne dérivées des best-sellers de la parfumerie connaissent toujours un joli succès.
Saviez-vous que pour obtenir une peau glabre en se rasant au rabot, la lame pouvait glisser près d’une quinzaine de fois sur une même zone? Autant de risques de micro-agressions qui peuvent donner lieu à des coupures, des rougeurs et des irritations. Ces dégâts collatéraux peuvent être accentués par de mauvaises pratiques: une lame émoussée ou un rasage « à froid » sur une peau agressée toute la journée par la pollution extérieure, par exemple. « Depuis que l’homme se rase, il a cherché à apaiser le feu du rasoir en limitant les saignements et les risques d’infection, rappelle Raphaël Hobart, consultant en cosmétique chez Senteurs d’Ailleurs, à Bruxelles. C’est assez naturellement vers l’alcool qu’il s’est d’abord tourné. »
Cette pratique, qui remonterait même à l’antiquité, doit beaucoup aux barbiers professionnels qui, jusqu’au XVIIIe siècle, étaient aussi très souvent… chirurgiens. Tous avaient leur « recette » pour pimper ce liquide dont le rôle premier était antiseptique, surtout en ces temps d’hygiène très relative. L’eau de Cologne inventée par Farina à la même époque et composée presque exclusivement d’alcool pur et d’une faible concentration d’huiles essentielles a longtemps rempli cette même fonction.
Il a fallu attendre les années 50 pour que la lotion after-shave devienne le produit sophistiqué que l’on connaît désormais. « On y a peu à peu adjoint d’autres composants aux propriétés hydratantes, cicatrisantes ou astringentes comme l’aloe vera ou l’hydrolat d’hamamélis, précise Raphaël Hobart. Le menthol est souvent ajouté pour produire cet effet « kiss cool » qui tonifie. » Leur texture aussi a évolué petit à petit vers le baume ou l’émulsion, une manière de diminuer la teneur en alcool, voire de la supprimer, car il peut s’avérer desséchant ou carrément irritant pour les peaux les plus sensibles. En cas de doute, un coup d’oeil à la liste des ingrédients permet de constater s’ils en contiennent ou pas: dans les lotions « à l’ancienne », l’alcool arrive souvent en première position.
Madeleine de Proust
Si les produits visage non genrés privilégiant les formules peu ou pas du tout parfumées ne cessent de gagner du terrain, les after-shave apparentés aux best-sellers de la parfumerie masculine rencontrent pourtant toujours autant de succès. Dès qu’une fragrance cartonne, la ligne de grooming suit. « Tout ce qui touche au rasage reste vraiment l’un des derniers bastions de la cosmétique dite masculine, où l’on trouve encore des soins qui leur soient entièrement dédiés, reconnaît Insaf El Idrissi, responsable formation et développement chez Ici Paris XL. On choisira une lotion ou un baume selon la tolérance de sa peau ou de la sensorialité recherchée. La fonction soin est bel et bien présente mais l’homme qui choisit un après-rasage dans la famille de son sillage pense d’abord à se parfumer: il ne cherche pas de cette manière à remplacer sa fragrance – certes ces lotions sont moins chères mais leur tenue n’est pas du tout comparable – mais plutôt à en intensifier l’effet. »
Le raffinement du geste un brin rétro séduit de plus en plus de jeunes qui, s’ils ne se rasent plus tous les jours, plébiscitent désormais les outils traditionnels quand ils décident de passer à l’acte. « Les lotions after-shave ont même un petit côté madeleine de Proust qui réveille les souvenirs enfouis, note Raphaël Hobart. C’est souvent générationnel: un jeune homme qui achète une jour ce type de produit aura souvent vu son père ou son grand-père même l’utiliser. » Ce parfumage manuel – la lotion se pose sur la joue et le cou avec le plat de la main – reste bien plus intime qu’un simple spray. Et juste perceptible le temps d’une accolade. Ou d’un baiser.
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