Les algues, véritables alliées beauté de l’industrie cosmétique

Elles sont pour les laboratoires le nouveau Graal, la source de bien-être de demain. Pleines de qualités, ces plantes aquatiques alimentent autant la diététique que la cosmétique. En phase avec la nature et la modernité, il ne leur manquait que le glamour. Il arrive.

Les algues, véritables alliées beauté de l'industrie cosmétique
© RICHARD BURBRIDGE / ART + COMMERCE / ABACAPRESS.COM

Depuis que le New York Times a publié la recette de l’unicorn lattevendu à Williamsburg, Instagram pullule de clichés de ce smoothie coloré ultraphotogénique. Et à quoi est dû ce drôle de bleu ? A la microalgue qu’il contient, appelée spiruline. Pressée à froid, additionnée de noix de cajou, gingembre, dattes, jus de citron, cette boisson healthyest  » parfaite après une séance de méditation  » (sic).

Ne levez pas les yeux au ciel, c’est le signe que ces végétaux sont officiellement en train de devenir glamour. La preuve, ces breuvages pastel ont même traversé l’Atlantique : on les consomme dans le très cool café végétarien Palm Vaults, situé dans l’East London. Et ce n’est que la partie émergée de l’incroyable popularité de cet ingrédient.

Ce  » soja de la mer « , comme on le nomme aujourd’hui, contient un taux de protéines exceptionnel, qui en fait un aliment vegan marin remplaçant du poisson. Faut-il y succomber ?  » L’engouement est justifié, concède la nutritionniste Valérie Espinasse. La spiruline est également riche en minéraux, et notamment en fer, qui constitue une alternative aux multivitamines synthétiques mal absorbées par l’intestin. Dans les programmes détox, j’intègre également la chlorelle, une autre algue de rivière. Les deux neutralisent les toxines et stimulent l’activité de drainage. Elles apportent de l’oxygène aux tissus et permettent une meilleure régénération.  »

Concentré apaisant aux algues, N° 80, Remedies, Bobbi Brown, 42 euros les 14 ml.
Concentré apaisant aux algues, N° 80, Remedies, Bobbi Brown, 42 euros les 14 ml. © PATRICK PARCHET / SDP

Bref, ce sont de véritables alliées santé qui ouvrent l’appétit… de l’industrie alimentaire et cosmétique. En toute simplicité, la société Polaris, basée à Quimper, qualifie sa nouvelle huile d’algue anti-âge de  » green oil of the future « .

Phénomène significatif, les sociétés productrices d’algues se font racheter par les grands groupes de production de matières premières. Algues & Mer a été acquise fin 2016 par le géant Solabia, et Solazyme, un producteur de microalgues pour les biocarburants, vient de signer un contrat de 200 millions de dollars avec Unilever pour produire des huiles d’algues durables.

Retour en grâce

Certes, le fait d’utiliser ces plantes aquatiques pour préserver sa santé ne date pas d’hier : les Romains en faisaient déjà état.

Huile sublimatrice visage, Tata Harper, 67 euros les 30 ml.
Huile sublimatrice visage, Tata Harper, 67 euros les 30 ml. © PATRICK PARCHET / SDP

Côté français, on les a redécouvertes au milieu du XIXe siècle, en pleine révolution industrielle ; les malades contaminés par la pollution de l’air contenant des particules de charbon étaient alors envoyés en cure de thalasso.

Mais, depuis, seules quelques marques ultraspécialisées, pas toujours désirables pour les consommatrices de moins de 30 ans, valorisaient leurs bénéfices. Pour les autres, les algues étaient des ingrédients cachés au fond des formules, rarement un argument de vente.

Pureté, masque clarté absolue, Thalgo, 29 euros les 75 ml.
Pureté, masque clarté absolue, Thalgo, 29 euros les 75 ml. © PATRICK PARCHET / SDP

 » En Europe, on les a longtemps utilisées pour le fourrage des animaux, comme un matériau avec peu de potentiel, déplore Eric Bordron, PDG de la marque Algologie, un laboratoire de cosmétiques marins. On exploitait aussi leur qualité d’épaississant, par exemple dans les yaourts (sous le nom d’alginates).  » Il était temps qu’elles gagnent leurs lettres de noblesse et que leur champ d’action ne se limite plus aux marques spécialisées dans les actifs marins.

Ultime consécration : Glossier, le label beauté le plus cool du moment, créé par la blogueuse new-yorkaise Emilie Weiss, vient de lancer une crème anti-âge (disponible uniquement aux Etats-Unis) contenant un extrait d’algue rouge.

Classé par familles – bleues, brunes, rouges, vertes, uni- ou multi-cellulaires -, on découvre chaque jour de nouvelles qualités à cet ingrédient exploitables en matière de beauté : réparateur, super-hydratant, oxygénant, réénergisant…

Re-Nutriv, crème contour des yeux Lift, Estée Lauder, 202 euros les 15 ml.
Re-Nutriv, crème contour des yeux Lift, Estée Lauder, 202 euros les 15 ml. © PATRICK PARCHET / SDP

Du coup, il se glisse partout, dans les produits capillaires, les crèmes minceur, anti-âge, liftantes et même solaires.  » On peut tout faire avec les algues, s’enthousiasme Gérard Redziniak, expert en cosmétologie. En premier lieu parce qu’elles ont une très grande affinité avec la peau. Notre corps est un aquarium composé à 95 % de molécules d’eau. Elles sont bien plus proches de nous que les plantes terrestres.  »

Le Sérum hydratant revitalisant, La Mer, 180 euros les 30 ml.
Le Sérum hydratant revitalisant, La Mer, 180 euros les 30 ml. © PATRICK PARCHET / SDP

La légende – le storytelling, plutôt – veut que la Crème de La Mer, l’une des plus chères au monde, ait été inspirée par les marins de la baie de San Francisco, qui, après leur travail, s’enduisaient les mains d’algues pour réparer les agressions qu’elles avaient subies…

Aujourd’hui, les précieux produits en contiennent toujours.  » Les algues n’ont pas de système racinaire : elles puisent directement les minéraux avec l’ensemble de leur corps, explique Eric Bordron. Celles que l’on voit au bord de la mer, sur l’estran, vivent dans le milieu le plus oxydatif au monde. Elles sont exposées au vent, au sel, au soleil et subissent des changements de température et d’hydrométrie constants. Elles ont une capacité extraordinaire à garder l’eau, afin de ne pas se dessécher.  »

Pour survivre, ces super-algues ont développé des stratégies qui inspirent les formulateurs. L’une d’entre elles, par exemple, très riche en oligosaccharides, permet d’améliorer l’oxygénation de la peau. Certaines, exposées à un très fort ensoleillement dans la zone équatoriale, savent réparer leur ADN : on les utilise dans certains médicaments.

D’autres encore, dites auto-immunes, ont la capacité, dès qu’elles sont blessées, de faire bouger la charge minérale de leur corps. Idéales pour redonner de l’énergie aux cellules de la peau. Enfin, il en est aussi qui vivent dans l’obscurité tout en créant de la photosynthèse…

Vous en voulez encore ?  » Il existe des milliers d’algues que l’on ne connaît pas. Les possibilités sont infinies. Ce n’est pas une tendance, c’est l’avenir de la cosmétique « , assène Gérard Redziniak.

Terroir hexagonal

Aquasource Everplump Night, Biotherm, 50 euros les 50 ml.
Aquasource Everplump Night, Biotherm, 50 euros les 50 ml. © PATRICK PARCHET / SDP

Et ce sont nos voisins français qui se frottent les mains car l’exploitation des algues en cosmétique est une activité typiquement hexagonale !  » C’est le leader mondial sur le marché. Ce pays possède des pépites fantastiques. On peut presque parler de  » terroir  » à propos de leur provenance. La mer d’Iroise, par exemple, constitue un trésor. Le patrimoine aquatique y est exceptionnel, comparable à celui de l’Amazonie ! « , se réjouit Gérard Redziniak.

Dans l’archipel de Bréhat, en Bretagne, deux courants chauds et froids se croisent, créant un milieu favorable au développement des nutriments et de nombreux végétaux marins. On y compte plus de 800 espèces. Et la pollution ? Dans cette zone, les eaux, contrôlées par l’Ifremer, sont préservées, car il y a peu d’élevages animaliers aux alentours. La qualité est telle que même les marques asiatiques y portent un intérêt.

A noter également que les méthodes de production évoluent : on prélève certaines algues en milieu naturel, on en cultive d’autres, ou l’on fait appel à la biotechnologie.  » Avant, on se contentait de récolter, de faire macérer, puis d’en tirer un extrait, rappelle Eric Bordron. Aujourd’hui, le partenariat avec les cultivateurs est plus large. On peut, par exemple, prélever des cellules souches que l’on reproduit en milieu stérile.  »

Le Soin Noir Léger, Givenchy, 365 euros les 50 ml
Le Soin Noir Léger, Givenchy, 365 euros les 50 ml © PATRICK PARCHET / SDP

Et le plaisir, dans tout ça ? Il arrive. Car ces plantes ont également le pouvoir d’apporter un supplément de sensualité à nos crèmes.  » Les très grandes algues ont longtemps été utilisées comme agents gélifiants. Leur extraction est simple : il suffit de les hydrolyser, c’est-à-dire de les couper, et de récupérer les fractions d’actifs « , indique Caroline Nègre, directrice scientifique de Biotherm. Du coup, on commence à remplacer les polymères synthétiques par des extraits d’algues, génial pour les adeptes de cosmétiques green. Ces polysaccharides peuvent aussi remplacer les agents moussants lavants ou le mal aimé silicone, procurant un toucher glissant très enveloppant. Plus amusant, on en fait aussi de la gomme d’alginate, qui se retrouve dans des masques dernière génération. Le nouveau qui fait le buzz, lancé par la marque américaine Dr.Jart+, ressemble à du caoutchouc bleu, rose ou jaune fluo. On applique d’abord un sérum, puis on laisse poser ce masque souple et les actifs pénètrent l’épiderme. Le résultat ? Hautement  » instagrammable « . D’ailleurs, sur le réseau social, le hashtag #rubbermask relie les adeptes de cet ovni cosmétique et les fétichistes des combinaisons vinyles. Il est où, le cool ?

A tester, 3 algues puissantes

  • Cultivée dans le noir, l’Euglena gracilis réagit à l’obscurité et libère des générateurs d’énergie qui stimulent le renouvellement cellulaire. On l’utilise dans les soins de nuit, pour booster les mécanismes de réparation de la peau.
  • L’Odontella aurita, aussi appelée « placenta marin », est utilisée pour ses propriétés anti-âge, un peu comme un rétinoïde, ce classique actif antirides. A trouver dans certains cosmétiques coréens et japonais.
  • Les laminaires sont de grandes algues qui s’accrochent aux rochers avec leur « pied » afin de ne pas dériver. A cette extrémité se trouve un crochet qui possède des fibres extrêmement résistantes. On s’en sert pour renforcer la production des fibres de la peau, l’élastine, et le collagène.

PAR MARIANNE RENOIR

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