Comment Hermès a créé Barénia, le parfum racé qui rend la caresse

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Afin d’amener le plaisir sans apporter de sucre, Christine Nagel a misé sur une baie "miraculeuse" venue du Ghana. © Paul Lepreux/ Studio des fleurs
Isabelle Willot

Dix ans après son arrivée chez Hermès, la parfumeuse Christine Nagel s’est inspirée de l’un des cuirs les plus précieux de la maison pour créer Barénia. Un parfum chypré chic comme un sac Birkin.

Christine Nagel aime les femmes d’instinct. Celles qui, comme elle, osent se faire confiance, en dépit du qu’en-dira-t-on. Dans le tourbillon vivifiant des héroïnes qu’elle admire, elle cite aussi bien l’écrivaine Nancy Cunard et l’artiste Sonia Delaunay que l’orientaliste Alexandra David-Néel ou la mécène Peggy Guggenheim. C’est d’ailleurs en suivant son intuition comme elles que celle qui, depuis dix ans, signe les parfums d’Hermès a créé Barénia. Un parfum racé inspiré par l’un des cuirs les plus précieux du sellier parisien. «L’histoire de ce sillage commence pratiquement au moment de mon arrivée chez Hermès, lorsque j’ai découvert les caves à cuir», rappelle-t-elle.

Prendre son temps

Sans vraiment expliquer pourquoi, elle «sait» qu’elle pensera un jour un chypre pour la maison, elle qui aime cet archétype de la parfumerie. «Contrairement aux familles des boisés ou des floraux dont le nom évoque à lui seul une odeur, le chypre est une vue de l’esprit qui s’inscrit dans un cadre créatif précis, précise-t-elle. Sa formule s’articule toujours autour d’une note hespéridée, d’un bouquet floral, de mousse de chêne et de patchouli. Ce qui ne vous empêche pas de faire par-ci par-là de jolis pas de côté qui rendront la signature à nulle autre pareille.»

‘Entre ce parfum et moi, il y avait quelque chose d’irrépressible.’

Très vite, Christine Nagel découvre le luxe ultime des parfumeurs maison: celui de pouvoir laisser flotter les essais le temps qu’il faut. «Je ne pouvais m’empêcher d’y revenir, de le ciseler. C’était mon jardin secret, sourit-elle. Cela ne m’était arrivé qu’une fois jusque-là dans ma carrière de parfumeur. Entre ce parfum et moi, il y avait quelque chose d’irrépressible. Quelque chose me disait que si cette écriture-là me touchait tant, elle pourrait plaire à d’autres, irrésistiblement. Les chypres sont parfois abstraits de prime abord, comme s’il fallait être initié pour les apprivoiser. Je voulais quelque chose d’immédiatement charnel.»

Des matières d’exception


Créer pour Hermès, tout en veillant sur les 84 jus de son patrimoine, a ses privilèges. Comme celui de pouvoir compter sur des matières premières à façon. En Calabre, la famille Capua lui dissèque un extrait de bergamote à partir de fruits encore verts. Pour les fleurs, elle préfère à l’opulence de la rose ou du jasmin la délicatesse du lys papillon de Madagascar. Du chêne, elle tire un extrait de bois torréfié, envoûtant comme un vieux rhum. Et compte aussi sur la dualité de deux patchoulis, l’un primal et l’autre capturé par biotechnologie.

«Les parfumeurs aiment parler de synesthésie, donc de la manière dont une note évoque pour eux une couleur, une saveur, une mélodie, observe Christine Nagel. Moi, ce sont plutôt des adjectifs de textures qui me viennent à l’esprit.» De ce cuir précieux dont les artisans qui le travaillent aiment à dire qu’il «rend la caresse», elle cherche à traduire en parfum la souplesse et l’élégance. L’addiction latente aussi, qui pousse à sans cesse le toucher, pour mieux le patiner.

Christine Nagel – en bref

  • Naissance à Genève.
  • Après avoir étudié la chimie organique, elle intègre le service de recherche de Firmenich, où elle apprend à analyser et synthétiser des matières premières. Très vite, elle décide de devenir parfumeur.
  • Entre 1997 et 2014, elle égrène les succès parmi lesquels on pointera Narciso Rodriguez for her, Miss Dior Chérie, The One de Dolce & Gabbana, plus de 40 parfums pour Jo Malone et enfin Sì d’Armani.
  • En 2014, elle rejoint Hermès et travaille pendant deux ans aux côtés de Jean-Claude Ellena.
  • Le 1er janvier 2016, elle devient parfumeur – directeur de création et du patrimoine olfactif de la maison. On lui doit entre autres Twilly, H24, Cologne Eau de rhubarbe Ecarlate.
  • En août 2024, elle crée Barénia.

La naissance du jus

Pour cela, nul besoin d’avoir recours à un accord cuiré, ce serait trop facile. Afin d’amener le plaisir sans apporter de sucre, c’est vers une baie venue du Ghana qu’elle se tourne. Au départ de ce petit fruit miraculeux capable de rendre douce toute forme d’amertume, notre parfumeuse chimiste reconstituera un accord compoté aux accents d’abricots séchés.

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Un bracelet comme inspiration

Près de dix ans après le premier essai, Christine Nagel se sent alors prête à passer le grand oral. «J’ai pris rendez-vous avec Pierre-Alexis Dumas, le directeur artistique d’Hermès, poursuit-elle. Je lui ai dit que si je ne devais plus faire qu’un seul parfum dans ma vie pour Hermès, ce serait celui-là. Il m’a dit: «J’aime, on y va!» Il ne restait plus qu’à imaginer le flacon idéal.»

Le design rappelant les codes du célèbre bracelet «collier de chien» est sorti du lot parmi les projets dessinés par Philippe Mouquet. «Un objet iconique, lâche Christine Nagel. Quoi que l’on porte, le fait de l’avoir au poignet vous donne une allure folle.» De celle qui s’impose d’instinct.

Eau de parfum Barénia, à partir de 116 euros pour 60 ml. Disponible dans les parfumeries et dans les boutiques Hermès.

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