Parfums: faut-il passer au 100% naturel?

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Les nouveaux parfums mettent de plus en plus en avant leur naturalité © Athos Burez
Isabelle Willot

Après les cosmétiques, les parfums sont emportés par la vague «clean». Poussés à lever le voile sur des formules jusqu’ici gardées secrètes, les parfumeurs mettent en avant les ingrédients naturels. Même s’ils ne sont pas toujours synonymes de durabilité.

Connaissez-vous la tendance de l’année 2022 en parfumerie? Ce n’est pas ni ingrédient ni un type d’accord. Cette année, tous les grands acteurs de la parfumerie ont choisi de mettre en avant les ingrédients naturels qu’ils utilisent. Après le packaging, c’est au tour des parfums eux-mêmes de prouver qu’ils sont durables et «clean». Ils se doivent d’être dépourvus ou peu chargés en ingrédients controversés… Même si ceux-ci sont pourtant autorisés par la législation européenne.

Chez Dior, on a ainsi choisi de faire table rase de l’alcool. Celui-ci est considéré par certaines personnes comme asséchant et potentiellement irritant… La maison parisienne propose donc une édition à base d’eau de son best-seller J’Adore. Prada, pour son tout nouveau parfum Paradoxe, préfère miser sur un «musc durable». De leur côté, Cartier, Roger&Gallet ou encore Guerlain ont opté pour un alcool obtenu à partir de végétaux. Ce choix permet de booster le pourcentage de naturalité du parfum que l’on voit même apparaître sur certaines campagnes de pub. Il atteint ainsi 100% chez Chloé et 97% dans le N°1 L’Eau Rouge de Chanel.

Un naturel parfois allergène

«Cette course au tout naturel devient un argument marketing pour certaines marques, pointe Anne-Sophie Hojlo, membre du mouvement culturel olfactif Nez. Mais elle recouvre des réalités plus complexes. D’abord parce que la naturalité fièrement affichée est à géométrie variable selon la certification retenue. Ensuite parce que les consommateurs parent les ingrédients naturels de toutes sorets de vertus. Mais ils oublient pourtant que certains sont potentiellement allergisants.» C’est le cas notamment des huiles essentielles. L’huile de rose, par exemple, contient pas moins de 500 molécules différentes qui pourraient provoquer une réaction indésirable chez les personnes sensibles.

Les marques ne sont à ce jour pas tenues de communiquer la composition détaillée de leur formule. Celle-ci relève encore toujours du secret industriel. Elles préfèrent donc mettre en avant les matières premières exceptionnelles qui composent leurs parfums. Notamment celles issues des filières durables qu’elles ont développées à Grasse, mais également aux quatre coins de la planète.

«Là aussi, il faut rester nuancé, poursuit Sophie Hojlo. Dans une planète sous pression, la gestion de l’eau va devenir un paramètre non négligeable. Il en va de même pour les terres arables. Cela va-t-il rester tenable de faire pousser du jasmin sur une terre cultivable plutôt que du riz ou du blé? Surtout lorsque l’on sait que la demande mondiale en matières naturelles à l’heure actuelle est déjà difficile à satisfaire.»

Les ingrédients d’origine animale bannis

Anne-Sophie Hojlo pointe également du doigt les «effets d’annonce» plutôt opportunistes qui ne correspondent en réalité qu’à un état de fait. Aujourd’hui, la majorité de l’alcool utilisé en parfumerie proviendrait déjà de dérivés de betterave sucrière ou de canne à sucre. La quasi-absence d’ingrédients d’origine animale − à part peut-être la cire d’abeille − rend les jus végans par nature. A l’inverse, on ne peut que se réjouir de la disparition progressive des colorants de synthèse. Même chose pour les filtres solaires ajoutés pour stabiliser les compositions. Sans parler des conservateurs, quasiment inutiles dans une solution alcoolique.

«Toutefois, diaboliser la chimie n’a pas beaucoup de sens non plus, pointe encore Anne-Sophie Hojlo. Les industriels font énormément de recherches pour rendre la chimie plus verte. Si l’on prend les muscs par exemple, ils sont encore très utilisés pour apporter de la tenue. Mais on leur reproche de ne pas être biodégradables. De nouveaux muscs ayant une durée de vie limitée à celle du produit dans lequel ils se trouvent ont été développés. Mais ils coûtent plus chers. Tout comme les ingrédients de synthèse issus de la biochimie.»

Se passer de solvants polluants

Dans le même ordre d’idées, l’extraction de certaines matières naturelles − les absolues notamment − peut aussi s’avérer très énergivore. Voire même nécessiter l’usage de solvants polluants. Là encore, de nouveaux procédés sont sans cesse mis au point, permettant aussi de «nettoyer» certaines matières de molécules à risques ou de facettes qu’il faudrait ensuite cacher dans la composition.

Chez les gros fournisseurs de matières premières, comme Firmenich ou Givaudan, qui créent les nouvelles molécules alimentant ensuite tout le marché, des divisions entières sont chargées de rendre l’entièreté du business plus propre. Question d’image bien sûr, mais aussi, à plus court terme qu’il n’y paraît, d’économie. La flambée des prix du pétrole, et par extension de tous ses dérivés, ne peut que motiver les acteurs de la parfumerie à trouver des moyens de pouvoir s’en passer.

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