« Porter la coupe mulet, c’est un geste de pure liberté »
C’est à Boussu que se déroulera dans quelques jours le tout premier festival européen de la coupe mulet, un événement qui rassemblera les pratiquants et sympathisants de cet ultime interdit capillaire. Rencontre avec son initiateur, Martin Pichault.
« Eh bien, je vois qu’on s’est préparés », s’exclame une journaliste à la vue des tignasses alentour, en arrivant à la conférence de presse. « En fait, c’est ma vraie coupe de cheveux », répond Martin Pichault, amusé. Car, non, ce n’est pas « préparé »: ce jeune trentenaire arbore fièrement un mulet, coiffure réprimée par les tenants du bon goût, longue derrière et courte devant, qui lui vaut tantôt moqueries, tantôt compliments. Le festival, c’est lui qui en a eu l’idée. Trompettiste d’un ensemble de cuivre déjanté, le Gustave Brass Band, il a initialement été inspiré par le look d’une autre fanfare complètement barge, Kermesz à l’Est, dont plusieurs membres portaient « de superbes mulets, parmi les meilleurs de Belgique ». Son but, c’était d’avoir l’air « un peu plus fou » pour le tournage d’une vidéo – pari gagné, voir le clip de Brassstar sur YouTube.
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« Mais quand tu laisses pousser tes cheveux pendant un an, après, tu as du mal à t’en séparer, reconnaît-il, déplorant dans la foulée le déclin de sa santé capillaire. C’était un peu ma dernière occasion d’avoir un mulet décent », résume-t-il, fataliste.
Amorcée comme une blague, sa fantaisie chevelue est pourtant devenue un symbole de sa philosophie de vie: « Je suis un peu marginal, je ne cours pas après la maison, la famille, le CDI. A la fin de mes études, je suis parti voyager à vélo. J’ai parcouru l’Australie, puis je suis revenu ici à travers l’Asie et l’Europe, ça a duré plus de deux ans. » Pas mal!
Et depuis? Il a fait « plein de trucs », pas toujours en rapport avec ses diplômes – il est tout de même ingénieur agronome et licencié en géo, excusez du peu. Il explique: « J’ai envie de rendre ma vie intéressante, de varier les expériences et les professions. Je veux juste pouvoir me retourner sur mon parcours, de semaine en semaine, d’année en année, et me dire: « J’ai kiffé mon quotidien. » Ce qui peut passer par quitter un boulot pour jouer davantage de musique, ou organiser un festival comme celui-ci. »
Revenons donc à nos mulets. Etonnamment pro, la conférence de presse illustre bien le principe « Business in the front, party in the back », slogan de ralliement des aficionados. Après une remise en contexte historique, Martin rappelle que le projet est né sur Facebook, où il a créé l’event, « un peu pour rire », après avoir appris l’existence du Mullet Fest australien. Très vite, sur le Net, ça buzze ferme, les rédactions Web relaient le sujet, rameutant les nostalgiques de la classe des glam rockers et des footballeurs allemands. On propose des coups de main, la Brasserie du Borinage offre d’héberger la manifestation – coïncidence, son propriétaire n’est autre qu’un pote de Martin, ils ont étudié l’agro ensemble à Gembloux. Même la commune de Boussu leur file un coup de pouce, et la petite plaisanterie mute progressivement en un événement susceptible d’accueillir 3.000 participants. La page Facebook totalise en effet près de 9.000 « je participe » ou « ça m’intéresse ».
Le mulet est un geste de pure liberté
Au programme du jour: ambiance guinguette et fête foraine avec des groupes et DJ, stand coiffure, course de cu-mulets, « Contes des mulets une nuits » pour les plus petits, sans oublier divers prix attribués aux scalps les plus emblématiques du genre – pas sectaire, l’organisation ouvre la compétition aux « queues de rat », variante filasse elle aussi décriée par la morale bourgeoise.
Arrosée des bières craft brassées sur place, l’affaire s’annonce franchement épique, un grand moment de délire, de déconne, de « déwanne » en patois borain, dans un esprit festif mais bienveillant – bien que les initiés sachent faire preuve d’autodérision et encaisser les regards en biais. Voletant au gré du vent comme un étendard, voire une cape de super-héros, leur mulet est un geste de pure liberté, qui renvoie à leurs étroites certitudes un paquet de snobinards à la nuque propre et dégagée. « Ilot d’émancipation dans un océan de conformisme », ils osent narguer la police du style et, en cela, méritent notre admiration, ou au moins notre soutien. Parce qu’ils le valent bien.
Festival de la coupe mulet, à 7300 Boussu, ce 18 mai. Non-porteurs admis.
David Bowie en roux flamboyant, période Ziggy Stardust.
MacGyver, grand bricoleur pas copain avec son coiffeur.
Sandra Kim, avec le combo épaulettes-noeud pap’ à l’Eurovision.
Andre Agassi, cachant sa calvitie sous une perruque peroxydée.
Mel Gibson et sa crinière en folie dans L’Arme fatale
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