« Donne-moi au moins un argument, histoire que je sache pourquoi je te retire de mes amis Facebook »

© Nicolas Balmet

Petit à petit, notre vie sociale refait son nid. Ça sent même déjà un peu l’été, la crème solaire et la crème glacée. D’ailleurs, il faut que je vous raconte un truc…

Dans le fond, ce que je regrette le plus avec ce confinement, c’est de ne pas avoir eu l’idée moi-même. Mais allez, je n’ai pas la défaite amère, et je félicite les Chinois. Même si, personnellement, au lieu de refiler gratuitement le concept à tout le monde, j’aurais déposé un brevet, histoire de mettre ma famille à l’abri sur plusieurs générations. Parce que l’air de rien, c’était quand même vachement bien. Surréaliste, mais vachement bien. Et l’occasion de faire des tonnes de découvertes incroyables. Ainsi, j’ai remarqué que, dans la vie, l’expression « lundi matin » n’était pas forcément synonyme de « attention, là-bas, un grand requin blanc! Dépêchons-nous, sinon on va tous mourir! » J’ai aussi constaté qu’il était possible d’arrêter de fumer dans la sérénité la plus totale, pour ne pas dire les doigts dans le nez (c’est une image, hein, il ne suffit pas de se récurer les narines pour arrêter, ça se saurait). J’ai même percé un secret bien gardé: il n’y a désormais plus de questions de culture générale dans les emballages Apéricube, je ne sais pas exactement à quel moment ça s’est produit mais il ne faut pas s’étonner que les gens deviennent si bêtes.

Du côté d’Internet, j’ai observé que je parvenais à passer aisément en dessous de la barre des 23 heures de réseaux sociaux par jour, cela sans aide psychologique ni produit de substitution. Pire: les habituels boulets ont fini par m’amuser, notamment ceux qui se sont mis à proposer des listes avec leurs disques ou leurs films préférés en précisant « J’ai accepté le défi de Machin Truc de poster 10 images de films que j’aime. Pas d’explication, pas de critique, juste une image. » Au-delà des choix très discutables de certains et de la désagréable paresse du concept – franchement, quitte à me dire que t’es fan du Gendarme de Saint-Tropez, donne-moi au moins un argument, histoire que je sache pourquoi je te retire de mes amis Facebook -, j’ai pu mettre la main sur des oeuvres qui se sont révélées des coups de coeur que ma raison ignorait. Du coup, j’ai aussi commencé à lorgner mes CD et mes DVD, en me disant qu’après tout, mes goûts valaient autant que ceux des autres.

Mais alors que j’étais à deux doigts (non, pas dans le nez) de commencer à récolter des photos de mes 10 films préférés avec ce génie de Pierre Richard, une question importante m’est venue à l’esprit: et si j’allais plutôt arroser mes plantes? Je me mis donc en route vers mon laurier, mes orties et mes azalées (les Diables!) (pardon). En chemin, je me préparai un jus d’orange pressé. Je pris également quelques instants pour souffler. Quelques minutes pour penser. Une pause pour m’interroger. Un instant pour n’être ni perspicace, ni efficace. Une trêve pour aller me promener, constater que je n’avais rien de prévu et rien à prévoir. En revenant devant mes films et mes disques, j’étais définitivement convaincu que je garderais mon inventaire pour moi. D’ailleurs, si j’avais eu l’idée de ce confinement, j’aurais établi trois règles dès le début: 1) pas de classements, 2) pas de listes et 3) pas d’énumérations.

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