Pour ou contre le dating communautaire pour trouver l’âme soeur?

. © ILLUSTRATION FIEN JORISSEN
Kathleen Wuyard-Jadot
Kathleen Wuyard-Jadot Journaliste & Coordinatrice web

Plutôt que de swiper à tout va, de plus en plus de célibataires choisissent de chercher un.e partenaire qui partage leurs valeurs, leurs hobbys ou même leur régime alimentaire. Une sélection pas si naturelle qui divise les experts des sites de rencontre: qui se ressemble s’assemble, mais les opposés s’attirent aussi.

Alors qu’au printemps dernier, la planète tout entière semblait se refermer sur elle-même au gré des confinements, Tinder a prouvé que toutes les formes de contacts humains n’étaient pas impactées de la même manière par la distanciation imposée. Le 29 mars, le géant du dating en ligne a ainsi battu un nouveau record de fréquentation: 3 milliards d’interactions et le plus grand nombre de swipes en une journée depuis le lancement de l’appli en 2012. C’est que la distanciation sociale est particulièrement propice aux rencontres en ligne, en témoigne la hausse de 20% des conversations sur Tinder ces derniers mois, même si les applications généralistes du genre ne sont pas les seules à en bénéficier…

Déjà amorcée avant qu’une pandémie ne s’invite dans notre quotidien, la tendance au « dating de niche » – réservé à un type de public défini selon ses centres d’intérêt ou ses convictions par exemple – est en effet en plein boom, une hausse qui s’explique par le fait qu’en période d’insécurité, on serait plutôt porté sur le repli, mais aussi par l’introspection favorisée par ces derniers mois passés face à soi-même. Pourquoi swiper à tout va et risquer la déception quand on peut choisir de cibler ses contacts en fonction de ses valeurs ou ses passions? Le principe, appliqué depuis la nuit des temps dans certaines religions, a servi de prétexte en 2005 à la comédie romantique Must Love Dogs, rassemblant Diane Lane en propriétaire de chien et un John Cusack cabotin prêt à tout pour la séduire, même à emprunter le toutou d’un ami. Et si, à l’écran, l’approche sert de véhicule à de nombreux quiproquos, dans la vraie vie, de plus en plus de célibataires adoptent ce tri sélectif qui évite de réaliser avec effroi au premier rendez-vous certaines incompatibilités, éliminant tout espoir de deuxième tête-à-tête.

Sur des roulettes

Roxana, 37 ans, et Joran, 32 ans, en couple depuis dix ans

« On s’est rencontrés grâce à notre passion commune, le skate, qui a offert le prétexte parfait pour notre premier rendez-vous. Depuis qu’on est ensemble, c’est le bonheur parce qu’on ne doit jamais choisir entre pratiquer notre hobby ou faire une activité en amoureux. Ça facilite drôlement le choix des plans du week-end ou de la destination de vacances, le skate nous accompagne vraiment partout. Parfois, quand on se dispute et qu’on veut quand même aller rouler ensemble, la session a une ambiance un peu bizarre, mais c’est bien le seul désagrément. C’est clairement grâce à ça que je considère Joran non seulement comme l’amour de ma vie mais aussi comme mon meilleur ami, et on espère qu’une fois que notre fils sera assez grand, on pourra partager les plaisirs de la skatelife avec lui et s’amuser comme des fous à trois. »

Accélérer la recherche

C’est ainsi que les gens tatoués peuvent se retrouver sur Dating Ink, les gourmets sur Dine, les accros à la lecture sur Book Lover, sans oublier Atypikoo, un site pour personnes neuro-atypiques, et une grande variété de plates-formes dédiées à ceux qui ont dit « adieu » à la viande mais pas à l’amour, de VeggieConnection à FindVegLove, en passant par VeggieDate et Green Singles.

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En charge de ce dernier depuis 2014, Jill Crosby est à la tête du Conscious Dating Network, qui combine plusieurs sites de rencontres mettant l’accent sur le respect de la planète et une approche plus spirituelle des relations. Pour elle, le dating de niche est la réponse pour tous ceux et celles lassés de chercher l’amour et de trouver l’amertume à sa place. « Les applications généralistes sont pas mal pour dénicher un coup d’un soir, si c’est ça que vous voulez, et il reste possible d’y former une relation sérieuse, même si c’est compliqué parce qu’on dispose de si peu d’informations sur les personnes. Cela rend le processus de screening quasi impossible, contrairement à des plates-formes plus ciblées, qui demandent certes un peu plus d’investissement en temps de la part des personnes, mais pour des résultats qui en valent la peine. Quand les autres membres du site partagent vos centres d’intérêt, cela accélère grandement le cheminement vers une relation heureuse et stable », assure la spécialiste.

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Active depuis vingt ans dans le secteur des rencontres, la Bruxelloise Marie de Duve, en charge de l’agence matrimoniale A2 by Valérie Dax, confie que ces dernières années, le respect de la planète a pris une place de choix dans les critères de sélection. « Je vois de plus en plus de gens qui ont envie de tomber sur quelqu’un qui se soucie très fort de la nature, qui opte pour le moins de déchets possible et qui bannit les produits industriels de son quotidien. Beaucoup de Bruxellois n’ont plus de voiture et me disent que c’est très important pour eux de rencontrer quelqu’un qui est aussi en pleine transition écologique », explique-t-elle. La « marieuse » 2.0 concède que des personnes qui ont les mêmes codes vont forcément mieux s’entendre, mais rappelle toutefois qu’avoir un profil très précis en tête complique la quête de « sa » personne…

L’amour au ventre

Sophie, 33 ans, et Sébastien, 43 ans, en couple depuis dix ans

« La cuisine est une véritable religion pour mon amoureux, et quand on s’est rencontrés, il m’a emmenée dans plein de restos différents, pour voir si je mangeais de tout. Un jour, au moment de commander des escargots, il m’a demandé si je voulais de l’ail, et je lui ai répondu avec enthousiasme qu' »évidemment, sinon ça n’a aucun sens », sans savoir que je posais là une des fondations de notre couple. La Nonna de mon amoureux est sarde, donc l’ail, la pasta et la sieste, c’est la base pour lui. Dix ans d’amour plus tard, je suis en guerre totale avec ma balance mais ça en vaut la peine. »

Des rencontres qui ont du chien

Un point de vue partagé par la matchmaker courtraisienne Kathleen Callewaert, qui prodigue le même conseil aux clients de ses deux agences Soulmate4Life: éviter autant que possible le dating de niche: « Cela peut être une réussite pour certains, mais c’est extrêmement limitant. Cela implique de courir le risque de laisser passer de jolies chances en se concentrant sur des critères trop spécifiques. » D’autant que forte de son expérience, elle souligne que la plupart du temps, les couples qu’elle voit se former sont à l’extrême opposé des critères qui lui avaient été communiqués lors de la prise de contact. Même si, dans certains cas, il est impensable de faire des concessions.

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Marie de Duve se rappelle ainsi de cette cliente propriétaire de plusieurs chiens et chevaux, qu’elle n’avait pas réussi à matcher à quelqu’un lui correspondant et partageant sa passion des animaux… La solution pour trouver un partenaire qui ait du chien? S’inscrire sur Dig, « l’appli de rencontre des dog lovers » fondée par Leigh D’Angelo avec sa soeur Casey Isaacson. « Tout a commencé quand ma soeur est sortie avec un homme qui a tenté de devenir une « dog person » pour elle, se souvient l’entrepreneuse américaine. Vers la fin de leur relation, il ne voulait plus que son chien vienne chez lui, à moins de mettre des couvertures sur toutes les surfaces pour qu’il ne touche rien. Ma soeur m’a dit qu’elle aurait aimé réaliser dès le départ que ça n’allait pas coller entre eux, et ça nous a donné l’idée de lancer une application permettant aux propriétaires de chiens de se trouver. » Une idée d’autant plus lumineuse que déjà sur les applis généralistes, le meilleur ami de l’homme est au coeur du processus de sélection: en 2018, l’emoji correspondant était dans le top 3 des plus utilisés sur Tinder, tandis que selon une étude réalisée par Dig, 73% des « dog parents » inscrits sur un tel site sont plus susceptibles de réagir au profil d’une personne s’il y a un compagnon à quatre pattes sur sa photo. « 55% des adultes célibataires aux Etats-Unis ont un animal de compagnie, majoritairement un chien, donc c’est important de leur offrir une communauté dédiée, parce qu’une telle bête impacte chaque aspect de votre vie, de la manière de nettoyer votre maison à vos voyages, en passant par votre façon d’exprimer vos sentiments. » Et Leigh d’ajouter que la race est également un bon indice de compatibilité. « Quelqu’un qui a un Border Collie va probablement être plus sportif, parce que ces bêtes ont besoin de beaucoup d’activité, ce qui n’est pas le cas d’un Bouledogue anglais par exemple », sourit-elle. Avant d’ajouter que peu importe la race, rien de tel qu’un comparse canin pour briser la glace: « C’est absolument impossible d’avoir l’air snob en ramassant une crotte de chien. L’animal nous autorise à être sans chichis et quand il pose sa tête sur les genoux de notre partenaire potentiel en plein date, ça vaut tous les signes d’approbation du monde. »

Une bonne étoile

Alexandre, 28 ans

« Je ne pense pas qu’il faille forcément se ressembler à 100% pour qu’un couple puisse fonctionner, mais je dois bien admettre que si mes anciens partenaires avaient adhéré à certaines de mes passions, la dynamique de couple aurait été tout à fait différente. Je suis passionné d’astrologie, une discipline qui fascine mais fait aussi l’objet de nombreux jugements de valeur, et je pense que si mon partenaire s’y intéressait aussi, je me sentirais mieux en couple. L’astrologie demande beaucoup de curiosité et d’empathie ainsi qu’une capacité de recul incroyable, des qualités non négligeables pour fonder une relation solide. »

Une démarche réfléchie

Signe des temps: longtemps confinée aux Etats-Unis – même si par définition, les plates-formes en ligne sont accessibles des quatre coins de la planète – la tendance au dating de niche déferle aujourd’hui sur le vieux continent, avec un marché particulièrement florissant en Grande-Bretagne. Muddy Matches – pour les amoureux de la campagne – et Toffee – la première appli dédiée aux diplômés d’écoles privées – ne sont que quelques-uns des nombreux exemples ayant vu le jour chez nos voisins britanniques ces dernières années, tandis qu’Amsterdam a été le berceau, en 2012, d’une des applications de niche les plus populaires. Aujourd’hui présente dans trente villes à travers le monde, The Inner Circle soumet les utilisateurs potentiels à un processus rigoureux de screening et garde volontairement le mystère sur les critères qui permettent de la rejoindre. Un mystère dont ne s’embarrassent pas Luxy ou Millionaire Match, dédiées à connecter les ultrariches.

C’est important d’aborder les rencontres avec l’esprit ouvert, sinon on risque de rester célibataire.

Une condition de sélection qui fait gentiment sourire Kathleen Callewaert. « Plus vous ajoutez des critères spécifiques, plus vous vous fermez des portes. C’est important d’aborder les rencontres avec l’esprit ouvert et de se laisser porter, sinon on risque de rester longtemps célibataire et de peut-être passer à côté d’une rencontre déterminante. » Même si pour Marie de Duve, adopter une approche plus réfléchie n’a pas que des conséquences négatives. « Les générations d’avant avaient tendance à se lancer tête baissée dans une nouvelle relation, même s’il y avait beaucoup de différences entre leur partenaire et eux, avec des chagrins d’amour à la clé. Je trouve les jeunes adultes d’aujourd’hui super, ils sont très soucieux de trouver « la » personne, en se préoccupant beaucoup de partager des valeurs et pas seulement de foncer face à un joli sourire. » Aimer à perdre la raison? Non merci, c’est so 2010.

Vents (pas si) contraires

Laurane, 29 ans, et François, 34 ans, en couple depuis trois ans

« Mon amoureux et moi sommes littéralement opposés: je suis végétarienne, il adore le steak; je suis acheteuse compulsive, il réfléchit à deux fois avant de s’acquérir une chemise; je pleure pour un rien, il ne montre pas ses émotions… On dit souvent pour rire que je suis le coeur et lui la tête, et je suis convaincue que nos personnalités très différentes font la force de notre relation, même si on partage des passions telles que la cuisine et le voyage. J’ai eu peur que nos différences nous empêchent de construire quelque chose sur le long terme, mais on a réussi à s’apprivoiser et désormais on forme un tout que je n’échangerais pour rien au monde! »

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