Quel est ce « winter arc » qui obsède vos ados et les réseaux sociaux

C'est quoi le winter arc? Getty Images
C'est quoi le winter arc? Getty Images
Kathleen Wuyard-Jadot
Kathleen Wuyard-Jadot Journaliste

Du contenu de votre feed aux conversations des Zoomers de votre entourage, il n’y en a plus que pour le « winter arc« . Mais qu’est-ce donc? Spoiler alert: probablement pas ce à quoi vous pensez.

Car non, contrairement à ce que son nom laisse supposer, il ne s’agit pas d’une énième série inspirée de l’univers DC ou Marvel, et encore moins d’une figure de patinage mais bien, incroyable, d’une période de développement personnel. La logique, imparable, étant la suivante: l’hiver qui approche et charrie dans son sillon froid et pénombre serait en réalité la période idéale pour hiberner sous une couette avec des snacks prendre le temps de soigner sa santé physique et mentale. D’où le concept de winter arc, calqué sur le narrative arc où « arc narratif » suivi par les personnages de films ou de romans, et l’idée de mettre à profit ces mois durant lesquels le rythme de la vie ralentit pour travailler sur soi et renaître en même temps que le printemps. Givré? Pas tant que ça, d’autant que malgré l’emballement actuel, le winter arc ne date pas d’hier, et compte déjà nombre de convertis qui vantent ses louanges.

À l’origine, le concept vient des salles de musculation, et était plutôt l’apanage des hommes, lesquels profitaient des mois froids pour prendre de la masse, et cacher leur corps en transition sous plusieurs couches de vêtements. Dans le Urban Dictionary, le concept est défini comme « une période où chaque homme doit faire face aux défis mentaux et physiques de l’hiver. Une période où il faut baisser la tête et faire avancer les choses ». Comprendre: enchaîner les séances, augmenter les poids soulevés, et passer les mois froids à faire monter la température en salle pour dévoiler un nouveau corps et un mental en acier au retour des beaux jours.

Une métamorphose qui fait toujours plus d’adeptes, mais qui se féminise aussi. La preuve: à la source de l’engouement actuel sur TikTok, on retrouve non pas un homme mais bien plutôt Carly Berges, une vingtenaire originaire de Miami qui produit du contenu dédié au développement personnel.

L’arc narratif du winter arc

« À partir du 1er octobre, vous avez trois mois ou 90 jours jusqu’à la fin de l’année pour vous concentrer sur vos objectifs, votre développement personnel et votre croissance, de sorte qu’au moment où la nouvelle année arrive, vous êtes déjà en train de devenir une toute autre personne » explique-t-elle dans une capsule vidéo likée à près de 700.000 reprises à l’heure d’écrire ces lignes.

@carlyupgraded

WINTER (ARC) IS COMING ⚔️❄️ you tapping in?? #winterarc #mindset #reinventyourself #realityshifting

♬ original sound – CARLY
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Et d’inaugurer ainsi le cri de ralliement des adeptes du winter arc, pour qui, désormais, « le 1er octobre est notre 1er janvier ».

Ne me demandez pas pourquoi, mais l’image que je me fais du winter arc, c’est de quelqu’un dans un pull à capuche noir trop grand, qui a ses écouteurs dans les oreilles et qui s’apprête à aller courir sous la pluie à 5h du matin

précise encore Carly Berges.

Qui liste, parmi ses incontournables pour mettre l’hiver à profit et en sortir transformé, « se pencher sérieusement sur son sommeil » (l’heure du coucher comme l’heure du réveil) mais aussi « suivre un plan d’entraînement et un régime sain » sans oublier de « tenir un journal » afin d’émerger du winter arc avec un esprit sain dans un corps sain.

Des objectifs qui semblent somme toute plutôt raisonnables et réalistes, même si certains vont plus loin. Après le succès du raw dogging qui avait vu des utilisateurs (le plus souvent masculins) des réseaux tenter de tenir tout un vol long courrier sans boire ni manger ni s’autoriser la moindre distraction, ce défi hivernal passe en ghost mode. C’est à dire, l’arc d’hiver, mais avec un boycott des réseaux sociaux et un voeu de célibat jusqu’à la nouvelle année en prime, le tout s’accompagnant de préférence d’un crâne rasé. « Geste symbolique » pour les uns, cette boule à zéro est pour les autres la preuve ultime de leur concentration sur leurs objectifs et de leur discipline: même plus besoin de penser à se coiffer le matin, on met toute son énergie dans les efforts nécessaires pour sortir transformé de ces 90 jours.

Objectifs d’hiver

Une approche pour le moins extrême, qui a suscité critiques et inquiétude en ligne. C’est que si la majorité des utilisateurs qui postent du contenu estampillé #winterarc sont majeurs, les personnes qui regardent leurs posts et vidéos, elles, sont parfois très jeunes. Or il semble particulièrement dangereux, en pleine période de tempête émotionnelle qu’est l’adolescence, de faire le choix du repli sur soi. Isolation oblige, les objectifs plutôt louables de développement personnel peuvent même alors se transformer en période détrimentaire pour la santé mentale.

Fort heureusement, tous les adeptes de l’arc hivernal ne vont pas si loin dans leur approche. Et si, tant dans ses origines que dans la plupart des contenus diffusés en ligne, l’accent semble être mis sur l’exercice physique, la notion de travail sur soi inhérente au winter arc peut être interprétée de manière bien plus large.

Rien n’empêche, en effet, de se concentrer sur un objectif précis, qui peut tenir de la forme physique, certes, mais qui peut aussi être « lire 2 livres par mois », « boire plus d’eau chaque jour » ou même « limiter le temps de scrolling quotidien ». Qu’importe la résolution tant qu’on y met de l’entrain et qu’on a la conviction de prendre soin de soi. Car c’est là, au fond, l’élément principal du winter arc, ce qui en fait une excellente manière de contrer la déprime hivernale.

C’est qu’en se concentrant sur la réalisation de goals, aussi modestes soient-ils, on laisse peu de temps à la sinistrose. Et le meilleur, dans tout ça, c’est que même si vous prenez le train un peu en retard, vous pouvez quand même entrer dans la nouvelle année avec une nouvelle perspective. S’il n’existe pas encore de consensus scientifique définitif sur le sujet, selon une étude publiée en 2009 dans le European Journal of Social Psychology, il faudrait en moyenne 66 jours pour adopter durablement une bonne habitude. Ce qui veut dire que vous avez encore le temps pour commencer 2025 en disant, comme chaque année « new year new me« , mais en le pensant, cette fois.

Reste juste à définir votre arc narratif de l’hiver… Et si le seul objectif que vous comptez vous fixer est de binger le plus de séries possible sous le plaid mentionné en ouverture d’article, qui est-on pour vous juger?

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