Cacao: les prix rebaissent, les planteurs trinquent

Les grands pays producteurs de cacao, la Côte d’Ivoire et le Ghana, ont raté leur pari d’imposer une hausse des prix du cacao aux multinationales chocolatières. Une fois encore, ce sont les petits planteurs pauvres qui paient les pots cassés.

« C’était un combat de David contre Goliath. On croyait avoir gagné, mais les multinationales ont eu raison de nous », constate avec amertume Yao Dinard, planteur et responsable d’une coopérative cacaoyère à Oumé, dans le centre de la Côte d’Ivoire.

Les deux pays d’Afrique de l’Ouest, qui produisent les deux tiers des fèves de cacao vendues dans le monde, avaient annoncé en fanfare un prix de 1.000 francs CFA (1,5 euro) par kilo en octobre 2020, en hausse de 20%.

Grâce à une concertation inédite, ils avaient aussi réussi à imposer aux multinationales du cacao et du chocolat une prime de 400 dollars par tonne pour mieux rémunérer les planteurs tropicaux, qui ne touchent que 6% des 100 milliards de dollars annuels de ce marché mondial.

Mais devant la difficulté à écouler la production, la Côte d’Ivoire, leader mondial avec plus de 40% du marché, a baissé la semaine dernière d’un quart son prix de référence à 750 FCFA (1,1 euro) pour la campagne dite « intermédiaire » (d’avril à septembre), qui représente 25% de la récolte annuelle.

« Ce prix de 750 FCFA par kilo est un retour à la réalité, il correspond au prix réellement payé aux planteurs », avait commenté un expert.

– « surproduction structurelle » –

Plusieurs raisons expliquent les prix bas du cacao sur les marchés mondiaux, selon les experts.

D’abord la « surproduction structurelle » de fèves depuis plusieurs années: pour la campagne 2020-21, elle est évaluée à 100.000 tonnes, soit 5% de la production mondiale.

Un excédent qui favorise les acheteurs, dans un marché régi par la loi de l’offre et de la demande. D’autant plus – deuxième raison – que le marché mondial du cacao et du chocolat est tenu par une douzaine de multinationales, face à des millions de planteurs ne disposant pas d’organisations collectives efficaces pour les défendre.

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« En coulisse, les multinationales ont fait plier le gouvernement ivoirien », ont affirmé des organisations de commerce équitable la semaine dernière, leur reprochant d’avoir préféré puiser dans leurs importants stocks de fèves, qui représentent un tiers de la production annuelle mondiale, plutôt que d’accepter de payer des prix plus élevés aux planteurs.

S’ajoute à cela une raison conjoncturelle: la pandémie de Covid-19 a provoqué une crise économique mondiale, qui a un gros impact sur la consommation de chocolat.

Un constat toutefois remis en cause par les organisations de commerce équitable.

« On se pose des questions car certaines enquêtes disent que la consommation de chocolat était forte pendant la crise », note Franck Koman, coordinateur du Réseau ivoirien du commerce équitable (RICE).

Résultat de ce yoyo des prix, « c’est le planteur qui va perdre encore, c’est toujours lui qui paie les pots cassés », se désole M. Koman.

– « Les planteurs n’y comprennent rien » –

« On avait plein d’espoir au début de la campagne » en octobre 2020, « mais les planteurs et les coopératives n’arrivaient pas à vendre. Ils ont été obligés de brader leurs produits », explique M. Koman, qui évoque 100.000 à 150.000 tonnes de cacao invendues en Côte d’Ivoire.

Le Conseil Café Cacao, qui gère la filière ivoirienne, s’est refusé à donner des chiffres.

« Pourquoi on n’arrive pas à stabiliser les prix? Les planteurs n’y comprennent rien dans ce système. Le mécontentement est généralisé car on est frappé de plein fouet », tempête Yao Dinard.

En décembre, plusieurs organisations de producteurs ivoiriens avaient menacé de « boycott » les multinationales si elles ne payaient pas la prime spéciale aux planteurs. Une stratégie médiatisée qui avait payé, les grandes firmes craignant pour leur image.

« Nous sommes en train de nous concerter pour un nouveau plan d’action », a assuré M. Yao à l’AFP.

Plus de la moitié des planteurs ivoiriens vivent sous le seuil de pauvreté, selon la Banque mondiale, dans un pays où le cacao fait vivre 5 à 6 millions de personnes, un cinquième de la population.

Historiquement, le prix réel du cacao reste deux fois inférieur à celui des années 1960, et même près de quatre fois inférieur au pic atteint dans le milieu des années 1970, selon la Banque mondiale.

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