Le chef Kobe Desramaults nous explique la fermentation (et sa recette du kimchi)

© Kris Vlegels

Les grands cuisiniers redécouvrent les vertus de cette méthode ancienne qui permet de conserver les aliments sans perdre de leurs saveurs. Le chef Kobe Desramaults montre l’exemple. Pour lui, « les possibilités sont infinies ».

Depuis la nuit des temps ou presque, la fermentation permet de conserver les légumes grâce à l’acide généré par les micro-organismes de la saumure dans laquelle ils baignent. Le processus dure plusieurs semaines et il en résulte un produit légèrement croquant et agréablement aigre, possédant une saveur propre. On distingue la « transformation spontanée » des substances alimentaires de la « transformation consciente » à l’aide de levures ou de bactéries. Les particules organiques sont, dans le premier cas, naturellement présentes dans la nourriture tandis que dans le second, elles sont ajoutées. Le résultat varie selon l’ingrédient initial, le ferment choisi et la durée du procédé conduisant à la formation d’acide ou d’alcool.

Cette technique est utilisée dans de nombreux endroits de la planète mais c’est en Extrême-Orient qu’on trouve la plus grande variété de denrées traitées de la sorte, à base de soja, de riz, de légumineuses et même de poisson (nuoc-mâm ou nam pla). Le kimchi coréen, un mets végétarien, est ainsi en train de conquérir le monde. En Europe, les anciens Romains baptisaient leur sauce à base de poisson « garum ». Celle-ci était très populaire et se retrouve même dans le livre de recettes d’Apicius, figure de la haute société de l’époque. Cette préparation se composait de restes de poissons et de saumure qu’on laissait tremper durant deux à trois mois ! Sans en avoir réellement conscience, nous consommons nous aussi régulièrement des produits du genre : cornichons, betterave, sauce Worcestershire, bière, vin, cidre, levure fraîche de boulanger, café, olives, thé, fromages, yaourt, kéfir, saucisson sec, etc.

Kobe Desramaults en cuisine
Kobe Desramaults en cuisine© Kris Vlegels

Kobe Desramaults, à la tête du restaurant In de Wulf à Dranouter, du bistro De Vitrine à Gand et du restaurant-boulangerie De Superette, dans cette seconde ville également, expérimente quant à lui cette méthode depuis plusieurs années, à l’instar du maître René Redzepi, du Noma à Copenhague. « Nous avons débuté par quelque chose de très simple dans le but d’élargir ensuite nos connaissances. Nous avons saupoudré de sel (à raison de 2,5 % du poids des légumes) du chou blanc et immergé celui-ci dans un bocal. Un biotope a été créé et des variétés de bacilles lactiques sont apparues, transformant le sucre en acide. Au bout d’un mois et demi, la choucroute était prête. Nous avons tenté l’aventure par curiosité mais aussi pour mettre en valeur une saveur aigre différente. Cela nous a permis de constater le potentiel infini du système. » Convaincu, le chef nous donne quelques explications.

Existe-t-il de nombreux aliments adaptés à cette technique ?

A travers les cultures, elle est utilisée pour conserver divers types de denrées. Dans nos restaurants, nous nous concentrons sur la fermentation lactique, particulièrement adaptée aux légumes. Mais, en raison de la chlorophylle qu’elles contiennent, la plupart des variétés vertes ne conviennent pas. Rose Green, auparavant sous-chef du restaurant In De Wulf et désormais responsable des cuisines de De Superette à Gand, est notre spécialiste en la matière. Elle travaille en étroite collaboration avec Sarah Lebeer, bio-ingénieur en technologie cellulaire à l’université d’Anvers. A deux, elles étudient le fonctionnement des lactobacilles.

Pourquoi ces préparations sont-elles considérées comme saines ?

L’industrie pasteurise beaucoup et, par conséquent, rend inactifs certains bacilles… Aujourd’hui, la santé intestinale intéresse particulièrement les instituts de recherche et les entreprises du secteur. On a en effet découvert que certains composants de notre régime pouvaient influencer positivement ou négativement l’état du système digestif. Les micro-organismes sont présents en grand nombre dans le gros intestin. Les légumes fermentés et les kéfirs maison confèrent à cet organe une dose supplémentaire de bactéries saines et d’enzymes, ce qui permet de stimuler le transit et de renforcer le système immunitaire puisque ces micro-organismes sont agressifs vis-à-vis des intrus.

Cette méthode est-elle sûre ?

Le risque d’accident est très réduit mais il est toutefois préférable de s’informer. Il faut par exemple veiller à ce que l’environnement soit stérile avant de débuter la procédure.

>>> Lire également Fermentation: les 10 règles à suivre de Kobe Desramaults

Est-ce une solution pour gérer les excédents de l’agriculture ?

Il y a peu, nous avons lancé la marque Wulvennest. L’idée est née suite à une collaboration avec des agriculteurs. En période de surplus, nous transformons le chou blanc en choucroute ou nous concoctons du kimchi en utilisant des produits locaux et notre propre pâte de crevettes. Nous travaillons également avec les carottes, idéales pour la fermentation car pleines de sucres.

Peut-on conserver longtemps ces denrées ?

Nous recommandons généralement de les consommer dans les trois à quatre mois mais, en principe, ces légumes restent comestibles pour autant qu’ils soient immergés dans le liquide. Avec le temps, le goût est juste plus extrême mais on peut en manger autant que l’on veut. Ces ingrédients sont particulièrement riches en vitamine C. Le Capitaine Cook donnait déjà de la choucroute à ses marins pour lutter contre le scorbut !

Hôtel-restaurant In de Wulf, 1, Wulvestraat, à 8951 Dranouter. Tél. : 057 44 55 67. www.indewulf.be

Le kimchi coréen, un mets végétarien à base de choux fermenté.
Le kimchi coréen, un mets végétarien à base de choux fermenté.© Kris Vlegels

Recette du Kimchi

Pour 4 personnes

3 choux chinois, 2 gros oignons, 6 radis blancs, 2 poires, 10 g de saké, 100 g de sucre, 10 g de pâte de crevettes, 40 g de piments (frais), 8 gousses d’ail, 1 racine de gingembre d’environ 50 g épluchée et grossièrement hachée, 50 g de farine, 15 g de sel.

Couper les choux, les oignons et les radis blancs en morceaux, saupoudrer de sel et laisser mariner une nuit entière. Rincer le tout dans l’eau froide le lendemain et laisser égoutter.

Couper les poires en morceaux et les intégrer au chou.

Mélanger le reste des ingrédients jusqu’à obtention d’une pâte grossière puis ajouter celle-ci aux légumes. Placer le tout dans des bocaux et presser. Une quantité suffisante de jus est nécessaire afin de recouvrir l’ensemble de la préparation. Ajouter si nécessaire de l’eau dans laquelle on a préalablement dissout 1,5 % du poids total des légumes en sel.

Les premiers résultats apparaissent au bout d’un mois de fermentation à température ambiante. Le Kimchi est meilleur lorsqu’il est conservé dans un lieu frais durant plusieurs mois.

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