Le subtil arabica: une espèce de café oubliée

Bien meilleur que le robusta et plus résistante au réchauffement que le subtil arabica: l’espèce rare et oubliée coffea stenophylla pourrait assurer l’avenir d’une production de café de grande qualité, selon une étude publiée lundi.

Même s’il existe 124 espèces de caféiers répertoriés, le monde dépend seulement de deux d’entre elles pour sa consommation: l’arabica, de haute qualité gustative et le robusta, jugé bien inférieur. Mais l’arabica originaire d’Ethiopie et du Soudan du Sud, qui se cultive environ à 19°C, est plus vulnérable au réchauffement de la planète que le robusta qui supporte 23°C. L’espèce redécouverte supporte elle 6°C de plus que l’arabica, selon l’étude dans Nature Plants. « Le café représente une industrie de plusieurs milliards de dollars qui soutient l’économie de plusieurs pays tropicaux et fournit des revenus à 100 millions d’agriculteurs », commente un des auteurs Aaron Davis, des jardins botaniques royaux de Kew (Angleterre).

Alors « trouver une espèce de café qui s’épanouit à des températures plus élevées et a bon goût est la découverte d’une vie: cette espèce pourrait être essentielle pour l’avenir d’un café de haute qualité », ajoute-t-il. Son équipe a redécouvert en 2018 en Sierra Leone le coffea stenophylla, qui n’avait plus été vu à l’état sauvage depuis 1954. Elle s’est ensuite associée au Centre français de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) qui a réalisé l’analyse « sensorielle » grâce à des grains issus des collections en champ conservées sur l’île de la Réunion.

Le café a été dégusté à l’aveugle par les palais avertis d’un jury de professionnels de l’industrie (Nespresso, Starbucks, Supremo, l’Arbre à café…). « Les juges l’ont tous trouvé différent de ce qu’ils connaissent, avec des notes végétales », explique à l’AFP Delphine Mieulet, du Cirad. « Des goûts de rose, de fleur de sureau, de litchi, comme les meilleurs arabica », poursuit-elle, notant que « l’échantillon était si rare qu’on n’a même pas pu le faire déguster à toute l’équipe ».

Aaron Davis a eu cette chance. « C’était comme de s’attendre à boire du vinaigre et finalement goûter un bon vin », raconte-t-il à l’AFP. La question est désormais de savoir si cette espèce pourrait être cultivée et dans quelles conditions. « Nous allons la tester dans des environnements différents pour voir quel est son potentiel agronomique au champ », précise Delphine Mieulet, soulignant qu’elle pousse sous ombrage, un élément intéressant pour combiner plantations de café et forêt dans un contexte d’agroforesterie.

« Il y a fort à parier que cette espèce sera commercialisée un jour », poursuit-elle, soulignant l’intérêt exprimé par les industriels pour s’associer à ces études. Mais l’espèce endémique d’Afrique de l’Ouest n’ayant jamais fait l’objet de normes alimentaires, cela prendra du temps avant d’obtenir une éventuelle autorisation de vente. « D’ici 5 ans, on peut avoir l’espoir de la consommer », estime la chercheuse. Quant aux régions où elle pourrait être cultivée, elles pourraient s’étendre sur la zone tropicale, là où l’arabica souffre parfois déjà du réchauffement et ne peut aujourd’hui être remplacé que par le robusta.

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