Mallory Gabsi, la pépite belge de Top Chef: « Je vais peut-être ouvrir mon restaurant « 140°C » à Bruxelles »
A 23 ans, Mallory Gabsi crève l’écran dans Top Chef. Après une épreuve pleine d’émotions, le phénomène belge de cette 11e saison s’est qualifié pour les demi-finales. L’occasion pour nous de retracer son parcours dans la compétition, de discuter de ses projets d’avenir, et d’en savoir un peu plus sur la nouvelle pépite de la cuisine belge. Des étoiles plein les yeux, des projets plein la tête, mais « Malou » garde les pieds sur terre. Interview.
Le secteur de la restauration est durement impacté par le coronavirus. Au restaurant d’Yves Mattagne, où tu travailles, vous avez continué avec une autre formule?
On a décidé de ne pas faire de la livraison, car on n’obtient pas la même qualité qu’au restaurant. Par contre, un service traiteur a été instauré avec la Villa Lorraine. Donc, en attendant le retour à la normale, je travaille là-bas de temps en temps. Le chef Yves Mattagne reprend d’ailleurs la Villa Lorraine au mois de septembre.
Comment tu as pris la décision de participer à Top Chef ?
Un collègue m’a inscrit. Top Chef a appelé le restaurant où je travaille. J’étais en congé ce jour-là, et mon collègue a donné mon nom. Il m’a envoyé un message seulement après pour me dire « Hé, on t’a inscrit à Top Chef ». Je me suis dit, « Bon bah, on va y aller ». Après, il y a évidemment des castings. Quelques démarches, comme aller voir un psychologue, pour être sûr que tu ne pètes pas un câble sur le plateau. Bon, moi, ça m’est finalement arrivé (rires). Après, à Paris, il y a des tests culinaires à passer.
Tu as subi un accident qui t’a fait perdre la vue d’un oeil. On sent que ça te rend plus fort. Tu arrives même à en blaguer publiquement.
Avant, je n’arrivais pas à en parler si facilement. Mais c’est arrivé il y a 5 ans et ça fait maintenant partie de moi. J’ai appris à l’accepter et à passer au-dessus. Ça fait grandir. Je m’en suis relevé, et maintenant, je peux en blaguer sans complexe à la télé.
Cette célébrité fulgurante, tu le vis bien ?
Oui, très bien. Bon, avec le confinement, c’est tranquille. Il faut rester les pieds sur terre et avancer petit à petit. Ce qui est plus compliqué, c’est gérer tous les messages, tous les mails, pour ne pas rater de belles occasions. Tout se mélange un peu. Tant que c’est tenable, je pense que c’est mieux de gérer sa communication soi-même. Mais je suis bien entouré.
Il n’y encore rien de sûr, mais ouvrir mon restaurant ‘140°C’ à Bruxelles, c’est quelque chose qui me tient vraiment à coeur.
Tu peux nous parler de tes activités actuelles ?
Je travaille toujours avec le chef Yves Mattagne. Cela fait maintenant 5 ans que je bosse avec lui. Je suis sous-chef depuis 1 an et demi. Avec Top Chef, il y a pas mal de choses qui pourraient changer. Parce que ça va vite, on reçoit beaucoup de messages. Mais là, je suis concentré sur l’ouverture de la Villa Lorraine. Je ne pense pas quitter le restaurant du chef Mattagne pour le moment.
Tu as des projets qui se dessinent dans ta tête pour le futur ?
Peut-être l’ouverture d’un restaurant « 140°C », ici à Bruxelles. En référence au restaurant qu’on l’on avait nommé comme tel pour l’épreuve de la guerre des restos. Il faut encore que tout se fasse. On va retravailler un peu le projet, le resto. Il n’y a encore rien de sûr. Mais ça me tient à coeur. Je préfère ne pas en dire plus pour le moment.
Tu envisages de faire de la télé par la suite ?
Je ne dirais pas non, ça peut être cool. Mais je ne vais pas me lancer dans n’importe quoi. Je n’aime pas trop le côté « téléréalité » à outrance. Si je fais de la TV, ce sera plutôt quelque chose de sérieux. Je suis cuisinier, pas animateur. Faire le mariolle derrière un écran, ça ne m’intéresse pas trop. Faire une émission de cuisine et donner la possibilité aux gens de refaire les recettes à la maison, oui, pourquoi pas. Si j’ai des propositions, je les regarderai avec beaucoup d’attention.
Quand Yannick Alléno te propose d’aller manger un bout avec lui, tu te tais et t’y vas.
Tu as tapé dans l’oeil de Yannick Alléno. Il t’a recontacté ?
Oui. Il m’a envoyé un message car il aimerait qu’on se voit. Quand Yannick Alléno te propose d’aller manger un bout avec lui, tu te tais et t’y vas. Donc je vais y aller et écouter ce qu’il a à me proposer. Mais je lui ai déjà précisé que je ne comptais pas quitter les cuisines du chef Yves Mattagne pour le moment.
D’ailleurs, est-ce que tu insuffles déjà ta propre cuisine chez Yves Mattagne ?
Bien sûr. Quand j’ai une idée, je la lance, je lui fais goûter. S’il aime, on la met sur la carte. Si pas, on la retravaille. C’est ça aussi, être un bon cuisinier : reconnaître faire des choses moins bonnes et accepter l’échec.
Ta cuisine, tu la définirais comment ?
C’est une question assez compliquée pour moi. J’aime bien la cuisine assez gourmande, nette. Quand les choses sont carrées. Mais à 23 ans, je ne peux pas encore vraiment la définir à 100%. Je suis encore en recherche et en apprentissage.
Tu serais un bon ambassadeur pour la cuisine belge à l’étranger, non ? On sent que tu aimes ton pays…
J’aime bien l’idée ! (rires). J’apprécie mettre en avant les produits de chez nous. Et tous les artisans qui y sont liés : les agriculteurs, les éleveurs…. C’est important de découvrir d’autres cultures culinaires aussi. J’adore la cuisine asiatique et tunisienne, par exemple. Mais ouvrir un restaurant de cuisine belge à l’étranger, c’est sûr que c’est un gros rêve.
Ouvrir un restaurant de cuisine belge à l’étranger, c’est un gros rêve.
L’Etat belge nous pousse peut-être un peu à aller voir à l’étranger aussi. Je ne suis pas patron, ni indépendant. Mais quand tu vois la situation dans laquelle se trouve la restauration ici, ça ne me donne pas très envie d’ouvrir en Belgique. Je pense que si je n’avais pas fait Top Chef, je ne serais pas en train de penser à ouvrir un restaurant à Bruxelles. Avec Top Chef, j’ai la chance d’avoir une plus grande visibilité, sur un pays comme la France aussi. Je verrais bien un petit « 140°C » en France, d’ailleurs. Si ça marche en Belgique, pourquoi ne pas partir sur la France.
On peut dire que tu es clairement – avec Adrien- la pépite de cette 11e saison de Top Chef. Tu réalises ?
Pas trop, encore. Je ne m’attendais pas à tout ça. A la base, m’inscrire à Top Chef, c’était juste un délire. Je ne n’imaginais pas à aller si loin, à avoir autant de retours.
Si on te dit « pomme de pin » ?
Je perds mes dents (rires). Ça me fait penser à la demi-finale, mais aussi à mon pétage de plombs. Ce n’était pas ‘top top’. Au final, ça reste un bon souvenir.
C’est une des épreuves les plus folles de toute l’histoire de Top Chef…
Revenir sur le plateau et empocher la victoire, je ne m’y attendais pas du tout. Je n’avais pas envie de rigoler, à ce moment-là, parce que je pensais que mon épreuve était foutue.
A Top Chef, on peut avoir la meilleure assiette et ne pas passer.
Après, quand j’entends les commentaires du chef, je me dis qu’il y peut-être une chance. Je savais que sur mes goûts, j’étais bon. Pour moi, c’est le plus important. Mais il y a toujours ce stress. A Top Chef, on peut avoir la meilleure assiette, et au final, ne pas passer.
A combien de degrés, la première cuisson des frites ?
(rires) 140 degrés ! Par contre, j’ai été manger à la Friterie Antoine à Bruxelles, réputée pour être la meilleure dans la Capitale. J’étais avec Diego (autre candidat, ndlr.) et il fallait absolument que je lui fasse goûter une « vraie frite ». On en a profité pour demander à combien de degrés ils les pochent. Ils nous ont dit: « 128 degrés! ». C’est ce que j’avais aussi répondu au chef 2 étoiles Christophe Hardiquest lors de l’épreuve. La meilleure friterie de Bruxelles poche donc ses frites à 128 degrés. Comme quoi…(rires)
Dans la foulée, choisir de faire la guerre des restos avec comme thème principal la frite, et ce restaurant « 140°C »… tu voulais remettre les choses dans l’ordre ?
Fallait remettre l’église au milieu de village, comme on dit. Mais ça restait ‘bon joueur’. Pour moi, c’était une façon de me rattraper sur la pomme de terre. Le Belge qui rate sa frite à Top Chef, c’est pas top top, justement.
Si tu devais résumer l’aventure Top Chef en trois mots ?
Enrichissant. Imprévu. Et des belles rencontres.
L’ambiance entre les candidats, elle est comment ?
Au début, tu arrives là-bas tout seul. Mais ils sont forts pour mettre tout le monde à l’aise. Le premier soir, on a tous été boire un verre, pour qu’on puisse discuter ensemble. Ça évite qu’il y ait trop cet esprit de concurrence.
Le Belge qui rate sa frite à Top Chef, c’est pas top top!
Après les épreuves, on allait parfois manger une pizza. Cette année, tout le monde dit qu’il y avait particulièrement un bon esprit d’équipe. J’en retire que des bonnes expériences.
Tu as gardé contact avec des candidats en particulier ?
Avec Diego. On a le même âge, pas mal de points en commun. On est devenu bons potes. Mais sinon, je m’entendais très bien avec tout le monde. Avec Adrien et Jordan, le courant est très bien passé aussi.
Le candidat éliminé trop tôt qui avait le plus de potentiel, selon toi ?
Je dirais Mory. C’est un très bon cuisinier qui a un bon bagage derrière lui. Il méritait clairement d’aller plus loin. Malheureusement, il a souvent fini en dernière chance.
Si tu devais retenir trois épreuves ?
La première, elle est très stressante. Quand tu arrives sur un plateau avec des caméras, tu réalises que ce n’est plus du « fake », tu es là, quoi. Et puis, je dirais la guerre des restos et la boîte noire.
L’ambiance avec les chefs est toujours au top ?
Avec la Cheffe Darroze, on s’est bien entendu. C’est une très chouette personne. Mais ça reste un concours. On n’a pas le droit d’avoir des contacts avec les membres du jury en dehors de l’émission. On peut avoir des conseils des chefs avant ou après les épreuves, mais uniquement quand on est sur le plateau. Sinon, ça crée vite des histoires, des jalousies.
Le fait de changer de brigade et de te retrouver avec Michel Sarran, tu l’as vécu comment ?
J’avais compris que je n’allais pas rester avec Hélène Darroze. David est grand fan d’elle, alors que moi, je ne la connaissais pas vraiment. Depuis le départ, il a tout fait pour elle. Donc je peux comprendre.
Faire l’aventure avec Philippe Etchebest? J’aurais bien aimé. J’apprécie sa personne, il est très humain.
Quand je suis allé avec Michel Sarran, elle est peut-être devenue un peu plus fan de moi (rires). Ça reste une expérience très attachante. On est toujours tous ensemble.
Ta mentalité aurait parfaitement matché avec Philippe Etchebest, non ? Tu aurais apprécié faire l’aventure avec lui ?
Oui, j’aurais bien aimé, je pense. Il est un peu « rentre dedans » comme moi. J’aime bien sa personne. Il est très humain, surtout. Il a cette envie de vouloir apprendre aux plus jeunes, je trouve ça important.
Le fait d’être toujours filmé, de devoir répondre à des questions, en plus de se concentrer sur sa cuisine, ce n’est pas trop déconcertant ?
Si, parce qu’avant d’arriver dans le concours, je n’avais pas pensé à cet aspect. Sur une épreuve d’une heure, tu peux facilement perdre 20 minutes à parler avec une personne de la production, ou à devoir remontrer quelque chose qu’ils n’auraient pas filmé. Ça reste rare, mais si on te demande de recommencer trois fois quelque chose, c’est un peu « relou ».
Tu dis quoi aux jeunes cuisiniers qui veulent se lancer mais n’ont pas trop confiance en eux ?
Il faut oser, pas avoir peur. Ce n’est pas facile, mais c’est un super beau métier. Il faut croire en soi et croire en ses rêves. Ceux qui y croient vraiment y arriveront.
Le fast-food de Malou
Tu as des autres passions, à côté de la cuisine ?
J’aime passer du temps avec mes amis. Avant, je faisais beaucoup de sport. Là, comme je travaille beaucoup, si je fais du sport en plus, j’ai mal partout (rires). J’aime bien le rap, aussi. Des artistes belges comme Damso, La Smala, Caballero & JeanJass, Romeo Elvis… j’aime beaucoup!
Un plat qui n’est pas reconnu à sa juste valeur ?
Le Waterzooï. J’adore ! C’est une super bonne recette, et on n’en entend pas beaucoup parler. Pommes de terre, carottes, salsifis, oignons : je fais un bouillon avec tout ça. J’ajoute un peu de cerfeuil et de ciboulette. Je lie le bouillon avec de la fécule et puis j’y ajoute des blancs de poulet en aiguillettes. Je rajoute aussi un peu de crème : c’est gourmand, c’est bon ! Et on n’oublie pas l’assaisonnement, évidemment.
Un aliment que tu ne peux pas manger ?
L’Andouillette. Ça, je ne peux vraiment pas. Pourtant, je ne suis pas difficile, je mange de tout. Mais l’Andouillette, non.
N.S.
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