Ras la toque! Ce que les chefs ne supportent pas chez leurs clients

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Au royaume des chefs, le client est roi. Mais il y a des limites à ne pas dépasser. Entre deux services, ils nous ont confié ce qui les énervait vraiment. Toute ressemblance avec des personnes existantes sera considérée comme fortuite…

Le perfectionniste

Karen Keygnaert, Cantine Copine, à Bruges

« Aller au restaurant est une fête pour moi. Je suis heureuse et je me laisse servir. C’est cet état d’esprit que je veux transmettre à la Cantine Copine: de la chaleur, de la jovialité, sans trop de tralala. Mais je remarque que certains prennent ça très au sérieux. Tout doit être exactement tel qu’ils se le sont imaginé. Sinon, ils expriment leur mécontentement au moindre petit souci, comme s’ils n’attendaient qu’un prétexte. C’est encore plus fréquent dans un étoilé (NDLR: le premier restaurant de Karen Keygnaert, A’Qi, avait un astre au Michelin) car cela suscite des attentes supplémentaires. Il y a des clients qui viennent davantage pour vous tester que pour passer un bon moment. »

Le faux végétarien

David Martin, La Paix, à Anderlecht

« Les gens qui choisissent d’être ou ne pas être végétarien en fonction du plat qu’on leur propose, c’est agaçant. Dans notre restaurant, nous avons un menu unique de douze plats. Au début, nous nous assurons donc qu’il n’y a pas d’intolérances. Mais il n’est pas rare que quelqu’un affirme qu’il est allergique au poisson car il n’a tout simplement pas envie d’avoir du cabillaud ou du bar dans son assiette. Quand on lui dit que c’est dommage parce que l’entrée est une tartelette au caviar et que le plat est à base de langouste, là, soudainement, il change d’avis et répond: « Ah mais ça va, ça, ce n’est pas du poisson! » »

Le je-sais-tout

Ricarda Grommes, Quadras, à Saint-Vith

« Un jour, nous avions de la sole comme entrée. Mais un client était convaincu qu’il avait de la lotte dans son assiette. C’était délicat parce qu’on ne pouvait pas discuter librement devant les autres convives. J’ai donc pris l’initiative de l’appeler pour en parler calmement, quelques jours plus tard. Mais c’était un jour férié et il était relativement tôt. L’homme était donc à nouveau mécontent et notre conversation a pris fin au bout de moins d’une minute. »

Ras la toque! Ce que les chefs ne supportent pas chez leurs clients
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C’est comme si les gens pensaient que n’importe qui est capable de faire notre travail!

Le difficile

Jason Blanckaert, Aroy Aroy, à Gand

« A deux reprises déjà, à peine entrée, une personne m’a annoncé qu’elle ne voulait absolument pas de chili dans son plat, sous quelque forme que ce soit. Je comprends parfaitement que tout le monde ne connaisse pas la cuisine thaïlandaise et j’essaie de tenir compte des goûts de chacun. Mais les chefs ne peuvent pas non plus accomplir de miracle. Commander un plat thaïlandais sans un de ses principaux ingrédients revient à demander l’impossible. »

L’habitué

Kevin Lejeune, La Canne en Ville, à Ixelles

« Nous avons repris un établissement, tout en gardant son nom d’origine. Mais d’anciens clients se montrent désagréables envers le nouveau personnel. Un jour, l’un d’eux a demandé des olives et du fromage en arrivant. J’ai expliqué poliment qu’il s’agissait d’un restaurant gastronomique et que je n’avais pas ce qu’il me demandait, mais que nous avions des amuse-bouches et du pain. Il s’est énervé, a insulté l’équipe et est parti. Il voulait le même apéritif qu’avant… Mais je ne veux pas proposer cela, ce n’est pas une brasserie. »

Le grossier

Joke Michiel, Souvenir, à Gand

« Une fois, en s’acquittant de l’addition, un homme m’a informée que tout était parfait mais qu’il plaignait mon mari d’avoir pareille femme. Ce genre d’incident est rare mais dans notre métier, nous sommes confrontés à toutes les formes inimaginables de grossièreté: des clients qui ne viennent pas, qui refusent de payer le prix indiqué, qui s’étalent sur leur chaise en barrant le chemin aux autres ou qui claquent des doigts… Le personnel de salle en voit parfois de toutes les couleurs. C’est comme si les gens pensaient que n’importe qui est capable de faire notre travail. »

Le retardataire

Tiana Moretti, Osteria Moretti, à Hasselt

« De temps en temps, des clients arrivent très en retard, sans avoir prévenu. Ils se contentent d’un « ça va, ça ne vous dérange pas? » désinvolte. Ou au contraire, ils débarquent beaucoup trop tôt et s’indignent de ne pas pouvoir entrer tout de suite. Comme si le personnel ne devait jamais manger ni agencer les tables. J’ai l’impression que les gens pensent que les restaurants sont gérés par des lutins invisibles et que nos heures de travail se limitent aux périodes d’ouverture notées sur la porte. »

L’hyperconnecté

Willem Hiele du restaurant du même nom, à Coxyde

Les clients, qui ne peuvent officiellement pas manger de lactose… et qui commandent un plateau de fromages en fin de repas!

« Je ne supporte pas qu’on me filme pour les réseaux sociaux quand je suis aux fourneaux. Tous ces posts sur Instagram se font un peu au détriment de l’expérience authentique que nous offrons ici. Je préfère que mes clients laissent leur smartphone à la maison ou dans leur auto et qu’ils profitent pleinement du moment. Après tout, ils sont aussi des invités dans la maison de pêcheur où nous habitons. Quand on me photographie sans permission, j’ai l’impression qu’on vole ma vie privée et lorsque je le fais remarquer, les gens tombent des nues ou me trouvent arrogant. C’est dire à quel point nos normes et valeurs sont bafouées. »

Le jaloux

Michel Borsy, Les Éleveurs, à Halle

« Lorsqu’un plat végétarien est envoyé en salle, des convives ayant demandé une assiette à base de viande ou de poisson trouvent que cela a l’air appétissant et réclament la même chose! Ça pose vraiment problème, surtout quand on prépare un banquet, où tout est prêt et où rien n’est proposé à la carte. Si on le sait à l’avance, d’accord. Mais modifier une commande comme ça, en plein service, c’est pénible parce qu’il faut se débrouiller avec les moyens du bord. »

L’intolérant (ou pas)

Pierre Résimont, L’Eau Vive, à Profondeville

« Il nous arrive très régulièrement de recevoir des clients allergiques à l’un ou l’autre produit. Cela fait partie de notre quotidien de composer avec quelqu’un d’intolérant au lactose ou au gluten, de végétarien ou de végan. Tous les soirs, nous vérifions si c’est le cas pour l’un des clients du lendemain afin d’adapter notre menu. Mais nous avons déjà eu des visiteurs qui ne peuvent officiellement pas manger de lactose… et qui commandent un plateau de fromages en fin de repas! »

Le critique 2.0

Johan Segers, ‘t Fornuis, à Anvers

« Des collègues souffrent parfois des commentaires négatifs postés sur des canaux comme Tripadvisor. Personnellement, je n’ai jamais lu de choses pareilles. Quand quelqu’un a un problème, je trouve qu’il doit le signaler au moment même et au chef en personne. Les gens sous-estiment l’impact de ces critiques en ligne, pas toujours justifiées, sur la réputation d’un établissement mais aussi sur les gens qui le gèrent, des entrepreneurs souvent passionnés qui veulent livrer le meilleur d’eux-mêmes. Après quarante-trois ans, ‘t Fornuis a une large clientèle d’habitués – je suis très heureux d’avoir pu lancer notre affaire en d’autres temps. »

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