Rencontre avec Bas de Groot, premier sommelier du lait

« Il existe autant de laits qu’il y a de producteurs, et chacun devrait nous raconter une histoire », assure Bas de Groot. Ce Hollandais avoue avoir été accro au lait, au point d’en boire 4 litres par jour. Sa fascination pour ce produit à la diversité infinie lui vaut depuis quelques années le titre de « sommelier du lait ».

Le sommelier du lait Bas de Groot explique que le goût du lait cru est influencé par plusieurs facteurs, parmi lesquels le fourrage donné aux vaches.
Le sommelier du lait Bas de Groot explique que le goût du lait cru est influencé par plusieurs facteurs, parmi lesquels le fourrage donné aux vaches.

Dans le genre métier de niche, qui dit mieux ? Bas de Groot ne connaît dans le monde que quatre collègues sommeliers du lait. Vous imaginez sans doute qu’ils se sont spécialisés dans l’accord lait-mets, à l’instar de leurs confrères sommeliers en vins. Mais la passion de Bart va au produit laitier lui-même, donc à ses producteurs. L’homme se concentre avant tout sur les diverses sortes de lait. Interview.

Pour l’immense majorité des gens, le lait est ce produit industriel au goût standard que l’on achète en tetra-pak. Pour vous, il n’en est rien : le lait dévoile, au contraire, une très riche palette de saveurs.

En effet. J’ai suivi une formation en jardinage bio et permaculture. J’ai pu remarquer que différents types de sols donnent des produits très différents, avec des qualités très variables. Le vin et l’huile d’olive ne sont pas les seuls qui aient un terroir, le lait aussi. Mais pour goûter la différence, il faut consommer le lait cru.

« CHAQUE LAIT DEVRAIT NOUS RACONTER UNE HISTOIRE ET RAPPORTER BEAUCOUP PLUS À SON PRODUCTEUR. »

N’est-ce pas risqué ?

Si, mais vivre est en soi une activité risquée. A notre époque et sous nos latitudes, les exigences en matière d’hygiène et les systèmes de contrôle sont si poussés que boire du lait cru n’a jamais été aussi sûr. Depuis que j’en consomme, je n’ai eu qu’une seule fois mal au ventre, et encore il n’est pas certain que cela soit dû au lait. Disons qu’il faut un peu de bon sens. Dans la chaîne de production, tout le monde a sa part de responsabilité, y compris le consommateur. A lui de s’informer et de prendre position. Le lait cru est déconseillé aux femmes enceintes et aux enfants de moins d’un an : le risque est limité mais pas inexistant.

Dans quelle mesure le fourrage donné aux vaches influence-t-il la saveur du lait ?

Une vache nourrie à l’herbe donnera un lait à la saveur fruitée, avec un petit arrière-goût de framboise. Le lait des vaches qui reçoivent un fourrage enrichi en amidon – comme le maïs – a, quant à lui, plus d’amertume. C’est un lait qui tapisse la bouche et laisse une fine pellicule sur le palais. La saison et le moment de la journée auquel a lieu la traite comptent également. Le lait contiendra d’autres substances et son goût sera différent, même s’il sort du même pis.

Les vaches Jersey de Roel dans le Maasland broutent jour et nuit à l'extérieur dans des prairies de tourbières. Le lait de ces vaches est plus gras et plus protéiné qu'un autre lait.
Les vaches Jersey de Roel dans le Maasland broutent jour et nuit à l’extérieur dans des prairies de tourbières. Le lait de ces vaches est plus gras et plus protéiné qu’un autre lait.

La race des vaches joue-t-elle aussi un rôle ?

Absolument. Le lait d’une vache Jersey, par exemple, est plus protéiné, et cela se goûte. Il est plus riche en acides gras, ce qui lui permet de mousser plus facilement. C’est un lait idéal pour les baristas. Et ce n’est là qu’un exemple. Dans les bars spécialisés, on a le choix entre un nombre infini de cafés mais on ne vous propose qu’un seul type de lait. Etrange, non, quand on sait que 80 % des cafés se boivent allongés avec du lait ?

Comment expliquer que le lait perde de sa saveur à mesure qu’on le transforme ?

Rencontre avec Bas de Groot, premier sommelier du lait

La pasteurisation et la stérilisation modifient les molécules qui le composent. Et ce n’est pas tout : le lait industriel est décomposé, puis réassemblé. On commence par l’écrémer pour en faire du lait maigre, on agglomère les particules de graisse, puis celles-ci sont réinjectées dans le lait pour en faire du semi-écrémé ou du lait entier. La structure originelle a totalement disparu. Certains laits n’ont plus ni protéines, ni lactose. Ces composants sont vendus à l’industrie pharmaceutique. Plus on traficote le lait, plus il perd de sa saveur.

Dans ces conditions, difficile de percevoir sa diversité de goût. Quelles solutions préconisez-vous?

Servir du lait tel qu’il sort du pis de la vache ne serait pas réaliste. Les sondages le disent : les consommateurs veulent un lait qui a toujours le même goût. Personnellement, je conseillerais de boire en semaine du lait standard et de se faire plaisir le week-end avec un lait bien meilleur, comme on le fait pour le vin et les bons petits plats. Il y a autant de produits que de fermiers, chaque lait devrait nous raconter une histoire et rapporter beaucoup plus à son producteur. Mais il y a des freins, et ces freins sont avant tout dans la tête des producteurs. C’est pourquoi j’essaie d’inspirer les fermiers et de les convaincre de se différencier de la masse.

Vous semblez dire que nous avons tout à y gagner en matière de santé aussi.

Mais oui, songez au lait A2A2 (commercialisé en Hollande) destiné aux gens qui souffrent d’allergie ou d’intolérance. Ou au lait de nuit, issu de vaches que l’on trait la nuit, qui donnent un lait plus riche en mélatonine, donc capable de faciliter l’endormissement. Ou encore au lait des vaches qui broutent une herbe riche en acides gras Omega 3 et 6. C’est cela aussi, se différencier.

Travaillez-vous aussi avec du lait issu d’autres mammifères, comme les juments, les chèvres ou les brebis ?

Je l’ai fait mais ce sont des secteurs si limités que j’ai décidé de me concentrer sur le lait de vache. C’est là qu’il y a le plus de travail, le plus de choses à faire bouger.

A titre personnel, quel lait préférez-vous boire ?

Plusieurs laits ont mes faveurs. En particulier le lait cru des vaches de Roel de la ferme Landlust (voir photo), dans le Maasland. Cela me demande une demi-heure de route mais je le fais volontiers. Leurs vaches sont des jersey, elles paissent autant que possible en plein air, dans des prairies de tourbières, et reçoivent un mélange d’herbes spéciales pour les maintenir en bonne santé. Les vaches de Roel peuvent garder leurs cornes. En magasin, j’achète le lait Zuiver Zuivel produit en biodynamie. A défaut, je prends un autre lait bio. Je bannis les produits laitiers non biologiques. Comme je dois goûter un maximum de laits différents, mes besoins ont diminué. Je n’en bois plus qu’environ un demi-litre par jour.

Katrien Depoorter / Photos Faye Pinaert

Où trouver du lait cru ?

Le lait cru, non pasteurisé ni homogénéisé, s’achète en grande surface, tout simplement.

Mais quelles sont les alternatives ?

On peut se fournir directement à la ferme. Faites une recherche en ligne, selon la région où vous habitez. Sites intéressants :

pointferme.be

natpro.be

leclilocal.be, la plateforme des produits agricoles, du producteur à la collectivité

accueilchampetre.be

rechtvanbijdeboer.be : le site est en néerlandais mais si vous entrez le nom de votre commune dans son moteur de recherche, vous verrez apparaître des adresses locales intéressantes.

La plupart des magasins bio proposent, à côté du lait pasteurisé (UHT), du lait frais cru de diverses marques (entre autres Pur Natur). Le lait produit en biodynamie n’est ni pasteurisé, ni homogénéisé. On le trouve également en magasin bio.

Infos : purnatur.eu, biofresh.be

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content