Carte blanche

Vins bios, biodynamiques et naturels: ce qu’il faut savoir pour s’y retrouver

Une question revient inlassablement dans le quotidien du caviste. Une question qui interroge les différences entre les vins biologiques, biodynamiques et naturels. Pierre Val dont c’est le métier, nous donne une petite leçon sur les subtilités de ces productions vinicoles.

Pourquoi se rendre chez un caviste afin de réaliser vos achats de vin? À mon sens, notre première mission est de garantir la qualité du vin que vous achetez. Cela constitue le minimum syndical que nous puissions vous proposer. La qualité signifie que lorsque vous ouvrez la bouteille, le vin qu’elle contient soit invariablement bon, même s’il s’agit d’un vin de table à cinq euros. Notre deuxième mission est de conseiller le consommateur. Pour ce faire, j’ai toujours refusé d’imposer mon goût personnel, privilégiant une approche basée sur l’écoute.À la source de ce travail, il y a la constitution de la gamme. Il me semble salutaire que celle-ci soit aussi variée que possible car comme j’ai pu l’observer au cours de ces vingt dernières années, le goût est quelque chose de totalement personnel (et évolutif), faisant du vin la plus grande démocratie au monde. Une même bouteille provoquera autant de réactions différentes qu’elle verra défiler de dégustateurs. Certains l’adoreront, d’autres la détesteront, il y en a même qui l’apprécieront un jour et plus du tout à une autre occasion. Par conséquent, la gamme de vins proposée par le caviste doit refléter cette diversité, quitte à sélectionner des vins qui n’entrent pas du tout dans notre goût personnel. Enfin, la troisième mission d’un caviste consiste en la proposition chaque fois renouvelée de la découverte. Une fois la qualité acquise, ainsi que le travail d’écoute et de conseil effectué, notre mission est de vous emmener vous promener dans le vignoble mondial, là où vous ne vous attendiez pas passer votre soirée.

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Une question qui revient inlassablement dans notre quotidien interroge les différences entre les vins biologiques, biodynamique et naturels. Le « bio » s’étant inscrit durablement dans les moeurs actuelles, il fait désormais partie du paysage de nos achats quotidiens, qu’il s’agisse d’alimentation, de textile ou même de produits aussi incongrus que des pneus ! Ce qui secoue le monde du vin ces dernières années est sans conteste les vins naturels. Alors que les professionnels du vin bruxellois pleurent la disparition récente d’Eric Langer, fondateur du mythique Clos des Gorets il y a 25 ans et précurseur dans le domaine, les vins naturels n’ont jamais été aussi populaires qu’aujourd’hui.

Afin de discerner les différentes démarches, la certification est sans nul doute la méthode la plus transparente. Il existe en effet une série de labels qui garantissent le respect d’un cahier des charges.

Le vin biologique

Si une multitude de labels cohabitent aujourd’hui, le plus répandu est sans conteste le label bio européen. Celui-ci garantissait au départ que le vin était produit au moyen de raisins provenant de l’agriculture biologique. Tout ce qui concernait le travail en cave (la vinification et l’élevage) n’était pas pris en compte. On ne pouvait dès lors pas parler de vins biologiques à proprement parler mais de vins produits au moyen de raisins issus de l’agriculture biologique. Or l’oenologie moderne a connu un bond technologique spectaculaire ces dernières décennies, si bien qu’il est presque impossible désormais de produire un mauvais vin, au sens d’imbuvable. S’il est trop tannique ou acide, on peut le corriger par adjonction de sucre. Inversement, s’il est trop sucré, l’acide tartrique viendra rétablir un équilibre plus frais, et afin de rendre le jus plus charmeur à moindre coût, les copeaux de chêne permettront une aromatique séduisante sans pour autant devoir investir dans une armée de coûteuses barriques.

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C’est en 2010 que le label bio européen nouveau voit le jour, ayant notamment pour mission de régler l’épineuse question des OGM. En ce qui concerne le vin, le label bio européen bannit désormais l’utilisation de produits chimiques de synthèse (désherbant, fongicides, …) durant trois ans minimum et limite les quantités d’intrants utilisés lors de la vinification. Nous arrivons donc à la fameuse question du dioxyde de soufre (SO2), plus connu sous le patronyme de sulfite. Pour le vin certifié biologique, la quantité autorisée de SO2 est de 100 milligrammes par litre pour les vins rouges et de 150 milligrammes par litre pour les vins blancs. Ces proportions sont indubitablement fort larges, si bien que de nombreux vignerons « conventionnels » en utilisent beaucoup moins, et résultent probablement du travail des lobbys de la grande distribution pour qui le bio constitue aujourd’hui un marché en croissance fructueux, en raison des marges bénéficiaires plus avantageuses. A titre de comparaison, certains vins bios de vignerons indépendants travaillant « proprement » ne dépassent pas les 15 milligrammes de sulfites par litre (pour un blanc !).

Le vin biodynamique

La biodynamie est issue des travaux de l’Autrichien Rudolf Steiner en 1924 et peut être considérée comme une démarche biologique plus approfondie et quelque peu ésotérique. Pour faire simple, l’objectif est de rendre la plante (la vigne) la plus vigoureuse possible naturellement, afin qu’elle soit productive quantitativement et qualitativement, ainsi que la plus résistante possible aux maladies. Pour ce faire, on la considère dans son écosystème global, en pratiquant la polyculture, l’élevage et l’enherbement, afin de stimuler la concurrence entre les plantes et la prolifération de la vie (ndlr : qu’il y ait des petites abeilles qui pollinisent et des vers de terre qui aèrent les sols). Les chevaux de trait font également souvent partie de l’équipe, permettant de labourer les sols sans les tasser. En bref, il en résulte une terre bien vivante.

Les différentes interventions dans le vignoble seront également rythmées par les cycles lunaires. En fonction des déplacements de notre satellite naturel et de sa position par rapport aux douze constellations, l’un des quatre éléments fondamentaux (terre, air, eau et feu) sera exacerbé. Par exemple, lorsque la lune est positionnée devant une constellation d’eau (cancer, scorpion, poisson), l’activité de la plante favorise les feuilles : ce sont les « jours feuilles ». Les soins apportés à la vigne en « jours feuilles » favoriseront son développement végétatif ; en « jours fruits », ils faciliteront la croissance du fruit ; en « jours racines », ils renforceront l’activité racinaire et en « jours fleurs », ils amélioreront la florescence.

Cette influence se poursuit jusque dans le verre. La dégustation en « jour fruit » permettrait d’avoir un vin plus ouvert et fruité. En « jour fleur », les notes florales des vins seraient dominantes. En « jour racine », le vin serait plus minéral et fermé. Enfin, en « jour feuille », un caractère végétal et amer apparaîtrait.

La biodynamie se caractérise enfin par toute une série de traitements à apporter à la vigne, à certains moments précis évidemment. La préparation la plus connue est certainement la 500 ou « bouse de corne ». Elle consiste à remplir de bouse de vache des cornes de vache, puis à enterrer celles-ci dans la terre durant l’hiver. Cette pratique permettrait de structurer le sol, de favoriser l’activité microbienne et la formation d’humus, de réguler le pH du sol, ainsi que de stimuler la germination des graines. Même si toutes ces pratiques peuvent paraître excentriques ou mystiques, les vins en étant issus sont à notre avis plus expressifs et « vivants ». Les labels vous permettant de les reconnaître sont « Demeter » et « Biodyvin ».

Le vin naturel

Nous en arrivons enfin aux fameux vins naturels. Grosso modo, les vignerons travaillant « en nature » vinifient des raisins « propres », tout en bannissant toute intervention en cave (afin d’améliorer ou de corriger le vin). La comparaison la plus édifiante est certainement le vin produit par nos aïeux, loin des techniques oenologiques modernes. Les vins naturels se caractérisent souvent par des jus très frais, fruités et digestes, bref des vins légers plus infusés que macérés. Pour ce faire, ils sont généralement non-filtrés, ce qui leur confère un caractère pulpeux (ou l’impression de croquer dans le fruit), et souvent vinifiés par la méthode de la macération carbonique, consistant en une fermentation des jus à l’intérieur même des grains de raisin, ce qui a pour effet de produire des vins également bourrés de fruit.

Une autre caractéristique est la fermentation spontanée, grâce aux « levures indigènes » contenues dans le raisin donc sans ajout de levures dites « exogènes ». Et nous revenons évidemment sur le fameux enjeu des sulfites, emblématique des vins naturels. Certains d’entre eux portent sur leur étiquette la mention « vinifié sans sulfites ». Ce qui signifie que la fermentation s’est déroulée sans ajout de SO2 mais qu’une petite quantité a été ajoutée à la mise en bouteille.

Mais qu’est-ce que ce fameux S02 ? Les sulfites agissent comme antioxydants (permettant la conservation et le transport du vin) et antimicrobiens (évitant les contaminations, notamment par les brettanomyces, dites « bretts », dont l’apparition est notamment favorisée par un manque d’hygiène dans les cuves ou les barriques). Le sulfite et considéré comme un allergène alimentaire qui se traduit par le développement d’une intolérance pour certaines personnes et dont les symptômes les plus communs se matérialisent sous forme de congestion nasale, de maux de tête, d’état de fatigue, de démangeaisons cutanées, voire même de crise d’asthme !

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Malheureusement, les vins naturels souffraient jusqu’il y a peu d’un manque de transparence. Il y avait autant de pratiques que de vignerons, les raisins pouvant être biologiques ou non, l’usage de souffre n’étant pas réglementé, etc… bref, il n’y avait pas de cahier de charges clair et objectif. Seuls certains vignerons tels que Jean-Pierre Rietsch en Alsace avaient pris l’initiative d’indiquer les analyses (quantité de sulfites et de sucre) du vin sur la contre-étiquette. Il faut noter que jusqu’à présent, le vin est le seul produit alimentaire n’étant pas contraint d’indiquer la liste d’ingrédients le composant sur son étiquetage. Dans cette jungle de pratiques, il est vrai que certains en ont profité pour vendre des vins plein de défauts à des prix exorbitants, profitant de cet engouement pour les vins naturels, et imposant ces breuvages douteux comme vérité unique. Ils furent d’ailleurs flanqués du surnom d’ « Ayatollahs du Vin ». Car pour s’interdire toute intervention en cave, il faut maîtriser les techniques de l’oenologie. Mais depuis 2020, un label certifiant les vins naturels a enfin vu le jour : « Vin Méthode Nature (sans sulfites ajoutés) ». Celui-ci impose la culture de la vigne sans traitement chimique pendant minimum deux années, les vendanges manuelles, la proscription de l’ajout de sulfite durant la fermentation, ainsi que l’interdiction du recours aux méthodes « brutales » de corrections oenologiques (osmose inverse, flash pasteurisation, etc…).

Même si ce label de certification reste assez confidentiel jusqu’à présent, il constitue une avancée de géant pour les consommateurs de vins naturels qui peuvent enfin consommer leurs breuvages favoris en toute confiance.

Nous avons survolé les différentes démarches régissant la production du vin, ce qui je l’espère, vous aidera à choisir votre quille en connaissance de cause. En guise de conclusion, j’aborderai la question de l’incidence sur la qualité : Un vin bio est-il meilleur qu’un conventionnel ? Pour ma part, il est vrai que je ne sélectionne pas les vins que je vends en fonction de ce facteur. Toutefois, au bout de quelques années, je me suis aperçu que les bouteilles figurant dans mon armoire étaient majoritairement biologiques, biodynamiques ou naturelles. Je sélectionne les vins selon leur qualité, leur fidélité à leur identité (terroir d’origine, cépages qui le composent, démarche du vigneron qui en est l’auteur), leur rapport qualité/prix et enfin leur originalité. Mais au final pas moins de 85% des vins que j’ai sélectionnés sont issus de l’une de ces trois démarches respectueuses de l’environnement et/ou de la santé. CQFD. Bien que je reste convaincu que nombre de vignerons indépendants travaillant en conventionnel produisent leurs breuvages dans à peu près les mêmes conditions. Quoiqu’il arrive, que votre jus soit conventionnel, biologique, biodynamique ou naturel, achetez-le auprès de ceux qui maîtrisent leur sujet.

Par Pierre Val

Caviste à Saint Gilles

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