Kitsch ou charmant? A Schilde, une maison neuve pensée dans le plus pur style anglais
Stephanie Barba Mendoza a recréé une ambiance british d’antan dans ce nouveau bâtiment, en Flandre. En y mêlant avec brio chintz, volants et meubles anciens.
Quand un visiteur pénètre dans la maison de Sabine, il se demande généralement dans quelle époque il a atterri. Et c’est probablement le plus beau compliment qu’on puisse lui faire… Dès notre arrivée, nous sommes en effet mis sur une fausse piste. Au milieu d’un jardin classique planté de vieux arbres, se dresse une majestueuse demeure de style Tudor.
La façade à colombages, combinée à de hautes baies vitrées à croisillons et à des cheminées proéminentes, nous catapulte dans l’Angleterre des XVe, XVIe et XVIIe siècles. En des temps reculés où Henri VIII et Bloody Mary régnaient outre-Manche et où William Shakespeare couchait sur papier son œuvre.
Habituellement, ce genre de villas copiant le passé s’accompagne d’un intérieur contemporain aux cinquante nuances de greige rompant immédiatement le charme. Il n’en est rien ici.
L’architecte d’intérieur Stephanie Barba Mendoza a en effet mêlé chintz anglais – ces poétiques imprimés floraux panachés –, volants et meubles anciens pour qu’on ait l’impression d’entrer dans une vieille chaumière de campagne d’une famille anglaise distinguée ayant trouvé refuge à Schilde il y a plusieurs générations.
Un splendide parc de Jacques Wirtz
Ce qui n’est évidemment pas le cas. Sabine, qui désire rester anonyme, vient en réalité des Pays-Bas. A 18 ans, elle est venue étudier en Belgique. Elle a ensuite travaillé comme chasseuse de têtes et a rencontré son mari Philip, consultant dans l’industrie minière. Pour fonder une famille, ils ont troqué l’agitation d’Anvers contre la verdure de la périphérie de la ville il y a vingt ans.
«Nous avons fait construire une première fois dans un style typique des années 30, nous raconte-t-elle. La maison était magnifique. Nous avons toujours eu un faible pour les vieux matériaux.»
Tous les week-ends, ils enfourchaient invariablement leur vélo pour explorer le quartier avec leur progéniture. «Un jour, à moins d’un kilomètre de chez nous, un terrain a attiré notre attention, poursuit-elle. L’immeuble était complètement délabré, mais le parc qui l’entourait était sublime. Il s’est avéré qu’il s’agissait d’un projet du paysagiste Jacques Wirtz. Nous avons tout de suite su que cet endroit deviendrait notre nouvelle adresse.»
Inspiration londonienne
Un an plus tard, le couple aura l’occasion d’acheter le terrain, de démolir le bâtiment existant et de concevoir celui de leurs rêves, plus grand (800 mètres carrés) et suivant leurs envies esthétiques tournées ver la Grande-Bretagne. «Ma mère m’a fait découvrir le monde de la déco d’intérieur. Cela m’a donné l’œil pour les meubles en acajou, les chinoiseries et l’utilisation hétéroclite d’imprimés et de couleurs. C’est très anglais», résume Sabine.
Cette dernière s’est d’abord lancée seule dans l’aménagement du logement. «Lorsque j’étudiais à Bruxelles, je déménageais presque tous les ans. Chaque fois, cela me donnait l’occasion de redécorer et de m’améliorer», confie-t-elle. Mais à Schilde, elle s’est vite retrouvée bloquée. Son mari se rendant régulièrement à Londres avec elle, elle est tombée un jour en admiration devant le club Annabel’s. Et c’est ainsi qu’est née l’idée de travailler avec la créatrice de cet espace.
Un sain dialogue avec la décoratrice
A l’époque, Stephanie Barba Mendoza travaillait depuis dix ans pour Martin Brudnizki, l’homme à l’origine de certains des intérieurs d’hôtels de luxe les plus remarqués du moment – Beekman à New York, Le Grand Mazarin à Paris, Chiki’s au Mexique. Pour la jeune architecte d’intérieur d’origine mexicaine, qui était juste en train de créer son studio, ce projet belge était une belle opportunité, mais aussi un sacré défi.
«J’ai visité la propriété seulement deux fois. La première, c’était pour rencontrer le propriétaire, la veille de la fermeture de la Belgique pour le Covid. La deuxième, c’était en 2022, lorsque j’ai pu à nouveau voyager librement», explique-t-elle.
Mais le courant est immédiatement passé entre les deux femmes. Stephanie Barba Mendoza s’est lancée à corps perdu dans ce projet, créant plusieurs tableaux d’ambiance et présentations numériques, envoyant des échantillons de textiles et de papiers peints par courrier, suivis de nombreux appels vidéo pour acheter des meubles anciens et en concevoir d’autres sur mesure.
Des coins intimes
Même s’il n’y a pas eu de changements structurels, le salon a nécessité une grande réflexion, principalement en raison de sa taille. Les deux ados du couple étant désormais plus souvent ailleurs, il souhaitait surtout rendre la pièce plus accueillante pour deux. «J’ai donc créé plusieurs coins intimes, afin que Sabine et Philip puissent se sentir en sécurité partout», décrit la décoratrice.
Pour ce faire, elle a utilisé différents types de sièges. Des chaises Chippendale chinées chez un antiquaire londonien aux canapés conçus par ses soins – dont un siège d‘angle au dossier ondulé – en passant par de nouveaux fauteuils à franges. Le tout dans un décor tapissé de papier de Gournay peint à la main.
Une abondance de fleurs
Dans la chambre et le dressing, elle a remplacé la palette de tons rouges par des bleus et des verts apaisants. Et elle a choisi un motif du spécialiste londonien du papier peint Jean Monro, tant sur les murs que pour les rideaux, le baldaquin et le fauteuil.
Quant à l’imprimé moiré du tapis, elle l’a puisé dans les archives de Madeleine Castaing, une icône du style français et l’une des décoratrices d’intérieur les plus influentes de l’histoire récente. Dans la cuisine – du moins sur les murs – les imprimés floraux ont été abandonnés.
Stephanie Barba Mendoza a opté pour une combinaison de tons chauds, pêche et taupe, pour contraster avec la vue sur le jardin. Il y a aussi une raison pratique à cela: les éclaboussures sur les murs sont plus rapides à repeindre qu’à recouvrir de papier.
«Les déplacements étant impossibles à l’époque du chantier, c’est la propriétaire elle-même qui a tout suivi de près et qui a assuré les dernières finitions. Elle a fait un excellent travail, confirme Stephanie Barba Mendoza. En termes de goût, nous étions sur la même longueur d’onde. Peu de gens osent un tel intérieur!»
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