Challenge créatif pour une architecte: Une maison d’angle métamorphosée à Anvers

De cette sombre demeure d’angle, étriquée et sans ouverture, l’architecte Karen Seykens a fait un home sweet home confortable et lumineux où la frontière entre les espaces privé et urbain s’estompe. Un petit coin de bonheur à l’état pur.
« En tant qu’architecte, j’ai toujours aimé les bâtiments d’angle. Ce n’est pas pour ça que j’ai choisi mon amoureux, mais c’était quand même une bonne surprise de me rendre compte que Werner, huit ans avant notre rencontre, avait acheté une telle maison, à Borgerhout », avoue en riant Karen Seykens. L’absence de jardin ou de cour et surtout d’ouverture à l’arrière laissant entrer la lumière rend ce type de logement très attractif pour celui qui recherche le challenge créatif. « C’est justement dans ces points négatifs que se cache le potentiel de l’endroit », insiste la conceptrice.
Si on ne crée pas de rupture visuelle franche entre le plancher, les murs et le plafond, la sensation d’amplitude augmente automatiquement
La maison, qui accueillait il y a cent ans une poissonnerie, a été divisée en un rez-de-chaussée et deux étages de 40 m2 chacun. Pour agrandir le volume, l’architecte a décidé d’intégrer au logement le sombre espace qui séparait la maison de celle des voisins à l’arrière. La salle de bains, les toilettes, le débarras et l’arrière-cuisine y ont trouvé place. « Quatre mètres carrés, ça semble étriqué, mais ça suffit parfaitement pour installer une pièce d’eau qui offre tout ce qu’il faut. Il n’y a pas besoin de plus », affirme Karen. Grâce à cette disposition, un maximum de surface habitable a été libérée du côté de la façade ensoleillée de l’habitation, qui a aussi été délestée de toute une série de murs et de portes. La cage d’escalier a par ailleurs été ouverte. Depuis, les marches servent aussi de banquette et Werner ou des amis de passage prennent plaisir à s’y asseoir pendant que la maîtresse des lieux est aux fourneaux.
Bienvenue chez nous
Quand le propriétaire a acquis ce bien, plus aucune trace de l’ancienne poissonnerie ne persistait. L’occupant précédent y avait aménagé un garage. Karen a donc remplacé l’ancienne porte par un modèle vitré en accordéon que l’on peut ouvrir par beau temps. « Parfois, on dirait vraiment qu’on travaille dans la rue. Au départ, l’intention était aussi de renforcer cette connexion avec la ville. Nous voulions prolonger les pavés de béton du trottoir au rez-de-chaussée. Mais des problèmes structurels nous en ont empêchés », raconte l’architecte. Le prédécesseur du couple semble en effet avoir commis plusieurs faux pas architectoniques, avec comme conséquence une cascade d’imprévus sur chantier. Mais le couple n’en garde pas d’amertume. « A posteriori, c’était enrichissant. Cela nous a boostés dans nos recherches. »
L’interaction entre les espaces privé et public se fait donc finalement grâce à un sol en béton brut lissé, que l’on sent granuleux sous les pieds, comme les dalles du trottoir. Le rez-de-chaussée fait office d’entrée et vestiaire, de zone de travail et de table d’hôtes. Mais il sert aussi à entreposer les vélos. « Les passants ont souvent du mal à déchiffrer cet endroit. Ils nous demandent si c’est un magasin, ou un bureau. La fenêtre ouverte et l’aspect brut génèrent une certaine accessibilité. J’aime ce jeu d’interactions. Si nous sommes en bas, nous sommes étroitement impliqués dans ce qui se passe dehors, et depuis la cuisine du premier étage, nous pouvons nous isoler et regarder la rue sans complexes. Au rez, c’est exactement le contraire: c’est nous qui sommes regardés. »
Trois cuisines sinon rien
Comme le rez-de-chaussée pouvait accueillir autant de fonctions, Karen a réussi à dégager au maximum le reste de la maison. Ce qui fait que les deux autres étages – même s’ils sont petits – donnent une impression d’aisance. Quelques astuces visuelles contribuent par ailleurs à ce sentiment. « Nous avons à chaque niveau prolongé les matériaux du sol sur le mobilier. Si on ne crée pas de rupture visuelle franche entre le plancher, les murs et le plafond, la sensation d’amplitude augmente automatiquement. » Les radiateurs ont eux été dissimulés derrière des armoires en multiplex. Ils servent aussi de banc, d’étagères à bouquins et de buffet. Ainsi, chaque centimètre est intelligemment exploité.
Depuis l’étage de nuit, un escalier conduit, via un deuxième coin cuisine, à la terrasse sur le toit, avec une vue sur la solennelle Maison du district de Borgerhout. Trois endroits pour cuisiner dans une habitation de 130m2: voilà qui ressemble à une maison de foodies invétérés! « Oui, j’aime beaucoup cuisiner, mais Werner et moi, nous sommes très maladroits avec les plateaux, répond l’habitante. Ces petites cuisines nous permettent au moins de prendre l’apéro confortablement, aussi bien en bas que sur le toit. » Si ça ce n’est pas le grand luxe…
Elle est née en 1985 et a étudié l’architecture à l’Institut Henry van de Velde, à Anvers.
Avec Annemie Lathouwers, elle a ensuite fondé l’atelier Blancooo, une agence de design et une maison ouverte pour les créateurs.
Elle conçoit des habitations avec un soin particulier apporté aux finitions et à la décoration. Elle a rénové récemment le Bar Bob, à Borgerhout également. blancooo.be
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici