Coloc’ de luxe: le coliving, nouveau must du logement partagé

Le Morton Place, près de l'avenue Louise, à Bruxelles. © SDP
Yoris Bavier

Ne dites plus « colocation », mais « coliving ». A Bruxelles et en Wallonie, un nouveau modèle d’habitat partagé se fait une belle place parmi les archétypes de logement traditionnels. Décryptage. Ou visite guidée, plutôt.

Née sur la côte ouest étasunienne, dans les années 2000, une nouvelle tendance en matière de logement se dessine dans les centres urbains: le coliving. Comprenez un habitat partagé, meublé et décoré avec raffinement, qui allie de qualitatifs espaces communs ainsi que privés et propose de nombreux services: nettoyage, maintenance, Wi-Fi, abonnement Netflix et, parfois même, les denrées de base, des vélos électriques en libre service ou un petit-déjeuner mensuel. Soit une colocation clé-sur-porte et all inclusive, qui offre des baux flexibles – de 3 mois à un an, renouvelables à souhait – et promet un cadre de vie dynamique. Le tout, géré par un opérateur professionnel.

Petit pays, grandes ambitions

Et force est de constater que ce modèle séduit toute une génération de jeunes travailleurs qui sont à la recherche d’une habitation en ville, apprécient la vie communautaire et sont capables de payer un loyer mensuel oscillant le plus souvent entre 550 et 750 euros pour les formules de base. A l’instar des expatriés. « Sur nos 500 chambres, 80% d’entre elles sont louées par des étrangers, explique Jean-Nicolas Caprasse, cofondateur de ShareHome Brussels, l’un des acteurs les plus importants de la capitale. Nous aimons cette proportion car elle crée une interaction sympathique avec les colocataires belges qui deviennent des guides touristiques, des ambassadeurs du pays, de la belgitude. »

Chez nous, le phénomène a émergé, à la charnière des années 2015 et 2016, avec la création d’Ikoab et de Cohabs – même si de plus petits acteurs avaient déjà lâché des premiers ballons avant. Après que les deux sociétés se soient implantées majoritairement au sud et à l’est de Bruxelles, la première s’est développée aussi en Wallonie avec des propriétés à Liège, Arlon, Mons et Charleroi, où elle ambitionne de faire de l’hôtel des chemins de fer le plus grand espace belge de coliving (soit 76 chambres sur les 5 200 m2 du bâtiment). La seconde, quant à elle, s’est internationalisée avec des infrastructures à New York, à Paris et, bientôt, au Luxembourg ainsi qu’en Espagne. Sans pour autant délaisser notre capitale, comme le prouve le concept premium, inauguré en ce début d’année: Châtelain 50, une demeure patricienne dont l’atmosphère rappelle celle d’un boutique-hôtel et la chaleur, celle d’un foyer familial. « Ce lieu est le point de départ d’une nouvelle ligne pour Cohabs, éclaircit Lionel Jadot, Chief Design Officer. Il est destiné à des gens plus âgés qui sont passés par pas mal de choses: des couples entre deux projets d’habitation et accompagnés d’un bambin, des quadras fraîchement divorcés, des seniors isolés… Les gens n’ont plus envie d’être seuls. Et ils ne veulent plus se casser la tête à meubler un logement, à ouvrir des compteurs, à souscrire un abonnement Internet… » Et pour séduire cette cible, l’architecte d’intérieur a mis les petits plats dans les grands: introduction de suites de 50 m2, meubles sur mesure, système audio sans fil, aire de jeux… « On se doit de proposer des espaces de vie agréables, qui ont du caractère et une identité unique, à des gens qui arrivent avec seulement une valise en main. » Mais le rêve a un prix: à partir de 960 euros pour une chambre individuelle et jusqu’à 1 350 euros pour les suites.

Actuellement, l’entreprise est également occupée à transformer les trois étages au-dessus du Passage du Nord – la galerie commerçante couverte imaginée à la fin du XIXe siècle par Henri Rieck, qui relie le boulevard Adolphe Max à la rue Neuve. Au programme: une soixantaine de chambres, de nombreux espaces communs dont un coworking de près de 500 m2 et une yoga room.

Lionel Jadot x Cohabs, au Botanique.
Lionel Jadot x Cohabs, au Botanique.© SDP / Xavier portela

Toujours plus smart

Et, comme à chaque fois, la formule est à peine installée qu’une nouvelle déclinaison émerge: le smartliving. Si cette forme de cohabitation reprend les clés de la réussite du cohousing (son autre nom), il est ici question de louer des studios et non plus des chambres. A Anvers, dans le quartier branché de Berchem, Yust a ouvert ses portes au printemps 2019. Dans ce complexe offrant un juste milieu entre une expérience hôtelière classique et une proposition de location traditionnelle, il est possible de passer une nuit ou d’y vivre un an, au choix. Et puisque le succès fut rapidement au rendez-vous, la société s’apprête à inaugurer, au mois de mai, une deuxième adresse à Liège. Elle comprendra 45 chambres, 55 lofts, un espace de travail partagé et un coffee corner – à disposition des voyageurs et résidents – et, dans sa partie publique, un auditorium, un restaurant et un rooftop qui accueilleront des expos, brunchs, afterworks, marchés de vinyles… Sans grande surprise, Yust a déjà confirmé son envie de débarquer aussi à Bruxelles et à Gand par la suite.

Dans un même ordre d’idées, Rezidentz proposera bientôt des appartements soigneusement meublés, nichés dans des immeubles de taille raisonnable, et accompagnés de services et de partenariats avec des commerces ou des adresses du coin. L’idée ici n’étant plus de réunir les différents locataires au sein même de l’infrastructure – il n’y a d’ailleurs pas d’espaces communs – mais bien dans une salle de sport ou dans un atelier de céramique. Ancré dans la capitale, le réseau compte déjà quatre immeubles.

Il semblerait donc que coliving et smartliving s’érigent comme des phénomènes de société appelés à croître. Nulle surprise lorsque l’on sait que le marché de l’immobilier est de moins en moins accessible aux primo-accédants et lorsque l’on peut supposer qu’une crise sanitaire nous a peut-être un peu plus esseulés que prévu. Néanmoins, pour que ce mode de vie se pérennise, il faudra certainement mettre un terme au flou juridique qui l’entoure. Parce que, concernant la définition même de ce type d’habitation, et donc des taxes et permis qui vont avec, concepteurs et échevins de l’urbanisme ne sont pas sur la même longueur d’onde. Et d’aucuns savent que désaccords et colocation ne font pas bon ménage…

Le smartliving signé Rezidentz.
Le smartliving signé Rezidentz.© SDP

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