Rencontre avec Denis Meyers, artiste engagé qui manie avec brio les lettres

Anne-Françoise Moyson

A 45 ans, Denis Meyers dessine H24 dans des carnets et n’a de cesse de superposer les lettres en apparitions-disparitions hypnotiques. L’artiste bruxellois couvre de ses mots toiles, murs, fantômes de Solvay, bonnets de bain, églises désacralisées et désormais une bouteille de Bru®, en édition limitée spéciale Fêtes de fin d’année. Cheers.

Police de caractères

Denis Meyers: Dessiner des lettres est un jeu. J’ai un rapport à elles variable en fonction des périodes et souvent de mon propre état. Parfois, je suis dans une lisibilité extrême, parfois, c’est juste une manière de m’exprimer sans spécialement vouloir dire ou montrer quelque chose. L’un de mes premiers chocs, c’est quand j’ai compris que je ne devais pas utiliser les polices de caractères qu’on m’imposait à l’école sur un ordinateur mais que je pouvais les esquisser moi-même.

Carnets utiles

Denis Meyers: La pomme tombe rarement loin de l’arbre. Mon grand-père, Lucien De Roeck, était typographe. Je le suis aussi et fier de l’être. Pourtant, j’ai choisi d’étudier le design graphique et la typographie à La Cambre sans savoir qu’il y avait été prof. Pour moi, quand j’étais petit, ce n’était ni un prof ni un artiste, c’était juste mon grand-père. J’ai appris à dessiner avec lui dans des carnets que je continue à utiliser, j’en ai toujours avec moi.

Partager tout

Denis Meyers: Partager, c’est un mot que j’affectionne particulièrement. Il a toujours été important dans mon parcours et dans la compréhension de qui j’étais, de qui je voulais être – le partage de tout, du matériel, des connexions, des systèmes D… Je l’ai rajouté à la liste de ceux que Bru® me proposait pour cette édition limitée, qui correspondaient à ceux que j’avais trouvés, en français et en néerlandais. Et j’y ai aussi ajouté le vocable «amour».

Râteau passé

Denis Meyers: Dans certains domaines, il faut savoir s’accrocher. S’il fallait s’arrêter au premier râteau, je serais toujours célibataire. Il n’y a pas très longtemps, une amie qui a du goût et un sacré caractère m’a dit: «Putain, qu’est-ce que t’étais moche avant. Avec les années, tu t’es embelli.» C’était un peu dur à entendre, mais la connaissant, c’était un très beau compliment.

Patience…

Denis Meyers: Tu es sur la bonne voie. C’est ce que je dirais si je croisais l’adolescent que je fus. «Mais sois patient quand même…» Le début de mon parcours à La Cambre a été une horreur. La plupart de mes profs me détestaient parce que j’étais «le petit-fils de». On m’a fait rater ma première année en me disant que mon travail ressemblait trop à celui de mon grand-père. Comment est-ce que cela pouvait ressembler à celui d’un mec qui avait cinquante ans de métier alors que je gribouillais depuis un an seulement? J’ai terminé mes études avec la plus grande distinction et je suis devenu l’un des plus jeunes profs de l’histoire de La Cambre. C’était un beau pied de nez

Dessiner des visages

Denis Meyers:J’ai un rapport particulier aux visages. J’ai croqué tous les DJ que j’ai vus depuis mes 15 ans. Je danse et je fais la fête en dessinant dans mon carnet, c’est ma manière à moi d’apprécier la musique. Cela crée des situations incongrues parfois. Solomun, un DJ que j’aime et que j’ai beaucoup dessiné, m’a un jour demandé, lors d’une soirée Hangar, par le biais d’un de ses assistants, d’arrêter de me planter face à lui car il n’arrivait pas à se «concentrer»…

« Je danse et je fais la fête en dessinant dans mon carnet, c’est ma manière d’apprécier la musique. »

Un rôle à jouer

Denis Meyers: L’art a un rôle à jouer et par extension, l’artiste aussi. J’avais lu cette phrase à une époque où je ne comprenais pas vraiment, d’autant que j’avais du mal à définir ma place dans la société. Et puis, quelqu’un m’a demandé d’offrir une toile pour une vente aux enchères, j’ai dû rapporter 250 euros à l’association mais aujourd’hui, ça rapporte plein de fric, c’est cool. Je veux être engagé. Je soutiens notamment Action Sénégal, qui essaie d’améliorer le quotidien des enfants esclaves. Je me suis pris une claque en voyant là-bas des enfants enchaînés à des poteaux par les pieds, les mains, le cou. Je ne pensais pas cela existait au XXIe siècle.

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De l’art de la constance

Denis Meyers: Je cherche à donner du sens et de la constance. Parce que j’ai envie d’assumer ce que j’ai fait et que ce que je propose ne soit qu’une version améliorée de ce que j’ai réalisé avant. Pour ne pas me dire que mes choix étaient minables ou injustes. Pour le moment, je demande à des gens, de très jeunes à très, très vieux, de me donner un mot qui leur évoque le futur pour un projet d’installation sur presque 10.000 m2 dans le futur Musée des Arts Urbains et du Street Art à Lyon. Pour le MAUSA de Neuf Brisach, j’avais déjà créé une pièce qui était le début d‘une démarche basée sur la rencontre et non plus égocentrée, comme je l’avais vécu pour Remember Souvenir à Solvay.

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