Gros plan sur le midimalisme, la tendance déco qui trouve un juste milieu entre austère et rococo

L'architecte d'intérieur Erica Jacobs manie le midimalisme à merveille - Photo Hannelore Veelaert
L'architecte d'intérieur Erica Jacobs manie le midimalisme à merveille - Photo Hannelore Veelaert

Entre l’architecture minimaliste parfois trop sévère et les intérieurs baroques jusqu’à l’overdose, une nouvelle tendance déco se fraie un chemin: le midimalisme réunit le meilleur des deux mondes.

Mais pourquoi donc personne n’y a pensé plus tôt?  C’est la réflexion qu’on s’est faite quand sur le Net on est tombée sur le terme «midimalisme». La toute dernière tendance déco – sur TikTok, on appelle ça Middlemalism – mise en effet sur la voie du milieu entre minimalisme et maximalisme.

Soit un intérieur qui paraît serein et rangé, mais qui présente aussi des éléments plus extravagants et ludiques. La trendwatcher Hilde Francq l’affirme: « Après toute une période de minimalisme très influencée par le style scandinave, on voit ces dernières années plus de couleurs dans nos logements. On garde la simplicité et le calme du style scandinave et on l’associe avec des éléments plus singuliers et plus de couleurs. En bref: la simplicité rencontre l’expression ».

Les deux protagonistes

Petit cours express pour bien comprendre ce courant. Le minimalisme est synonyme d’aménagement épuré. Rien de superflu ne vient entraver le tableau. Ces intérieurs blancs sont aménagés de manière parcimonieuse et toute trace de la vie quotidienne – alias le brol – est soigneusement dissimulée dans des armoires encastrées sans poignée. Le principe: éliminer le chaos visuel pour une maison sereine et «monacale». «Less is more», la célèbre phrase de l’architecte moderniste Ludwig Mies van der Rohe résume parfaitement la philosophie… et donne de super photos. Mais beaucoup jugent ce dogme trop rigide et reproche au mouvement de produire des logis froids, sévères, inconfortables, voire inhumains.

A l’autre bout du spectre de la déco, on trouve le maximalisme, avec ses projets foisonnants où tons, formes, textures et époques se mêlent sans complexes. Les partisans de ce feu d’artifice décoratif se sentent énergisés et inspirés par cette profusion. Ils y voient une porte de sortie de la routine du quotidien. Mais leur slogan – Less is a bore and more is more – équivaut pour beaucoup d’autres à une promotion du désordre, menant à un sentiment d’oppression. Comme écouter la radio et regarder la télé alors que son conjoint est en train de choisir sa nouvelle sonnerie de smartphone. Une cacophonie où l’excès devient insupportable.

Et voici donc le midimalisme. Le meilleur des deux mondes, avec suffisamment de sérénité visuelle mais aussi de l’espace pour les effets personnels, des teintes osées et des objets qui transforment l’habitation en un endroit cosy. Alors que maximalisme et minimalisme polarisent, leur rencontre permet à tout le monde de s’y retrouver. «Très honnêtement, je n’avais jamais entendu ce terme, mais ça colle bien à ce que nous faisons», estime l’architecte d’intérieur Sam Peeters de Studio Contekst. Nous aimons flirter avec les extrêmes: un intérieur doit avoir de l’humour mais aussi la dose nécessaire de sérieux. Nous respectons la disposition existante, mais nous n’avons pas peur de poser un geste fort.»

DR

Pour sa consœur Erica Jacobs, le terme est aussi nouveau qu’approprié. «J’aime utiliser beaucoup de couleurs et de matériaux différents pour obtenir une atmosphère nonchalante. Parvenir à un équilibre avec tous ces éléments, c’est un défi, parce que ça ne peut pas être trop lourd visuellement, mais pas trop monotone non plus.» Cette cuisine dans une maison gantoise de l’entre-deux-guerres est un bel exemple: elle y a associé un sol en Mortex bleu et des portes rose saumon pour les armoires, des miroirs et une hotte sculpturale en marbre.

Pour Valérie Vanermen, elle aussi architecte d’intérieur, le midimalisme se résume à une «simplicité compliquée»: «J’aime les intérieurs classiques, mais j’y intègre chaque fois des touches contemporaines. Et j’adore la couleur, mais toujours en combinaison avec des éléments neutres. Dans ma propre arrière-cuisine, j’ai choisi des portes jaunes pour les armoires en contraste avec le sol pâle. Le plan de travail en Inox apporte une froideur nécessaire face à ce ton solaire. Et les étagères blanches compensent, elles, le service coloré qui y est présenté.»

Sans nom, on n’existe pas

Dans un monde où les tendances déco – parfois totalement absurdes – se succèdent, le midimalisme apporte donc une bouffée d’air frais. Il offre une pause bienfaitrice après le cortège de diktats qui a vu s’enchaîner rapidement cottagecore (le romantisme champêtre), dark academia (les vibes sombres à la Harry Potter), cluttercore (dans un esprit bohème), japandi (mixant styles scandinave et nippon) ou encore taiwancore (le successeur du précédent). Plus qu’une tendance, ce nouveau courant est d’ailleurs une manière de vivre, une extension de soi en tant que personne, entre calme et volupté.

Certes, les détracteurs craignent que tout cela mène à une certaine médiocrité, ni chair ni poisson. Mais c’est justement le contraire, car ce cocktail génère des aménagements très personnels.

Il est toutefois bon d’ajouter que ce type d’intérieurs – modérés mais ponctués de touches osées – existent depuis bien longtemps. Et qu’il ne sort du bois aujourd’hui que parce qu’il a un nom. Ce qui est plus important qu’on pourrait le croire.

Selon les philosophes du langage, quelque chose ne peut exister que s’il y a un nom pour cela. C’est seulement quand un nouveau phénomène, une idée ou un produit reçoit un patronyme que l’on peut en parler et qu’il peut être diffusé. C’est ce que pense aussi la trendwatcher Hilde Francq: «C’est seulement quand une tendance est nommée que tout le monde peut comprendre ce qu’elle représente et que cela peut effectivement devenir un mouvement à l’avenir.»

Le midimalisme vu par Hay – DR.

Le midimalisme, mode d’emploi

1) L’équilibre est la clé. Piocher des éléments du minimalisme et du maximalisme et les mélanger pour créer son «sweet spot» personnel.

2) Commencer par une base neutre, comme des murs blancs (cassé).

3) Utiliser la couleur selon le ratio 60-30-10: une couleur de base neutre pour 60% de l’espace, une teinte plus marquée pour 30% et des détails colorés pour les derniers 10%.

4) Contrebalancer un ton osé sur un mur avec un sol et un plafond neutres. Et inversement.

5) Adopter les motifs, mais avec modération : en choisir un ou deux maximum ou opter pour le ton-sur-ton. Pour les grandes superficies – un fauteuil, un couvre-lit ou une nappe – ne pas prendre de motifs trop tape-à-l’œil.

6) Pour le papier peint, privilégier les petits motifs. Ou recouvrir la moitié du mur et peindre le reste.

7) Sélectionner une belle pièce de mobilier comme point de mire de son aménagement.

8) Rassembler ses objets personnels  dans un seul endroit, par exemple dans une bibliothèque ou sur la cheminée. Ou créer un «gallery wall», soit un mur rempli d’œuvres d’art ou de photos.

9) Tenir compte du style de son logement. Les motifs à fleurs, une cuisine en Inox ou des rideaux en velours rouge auront un effet différent dans un loft, une maison de maître, une fermette ou un appartement mid-century.

10) Ne pas attendre que cela fonctionne tout de suite. Le midimalisme n’est pas un kit prêt-à-monter qu’on assemble en deux temps trois mouvements. Mais un processus d’essais et erreurs où l’on ajoute et l’on retire jusqu’à trouver le bon équilibre.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content