Comme un air de vacances, dans cette maison qui revisite la ferme carrée

Habiter dans un quartier densément bâti tout en ayant l’impression d’être en vacances sur une île déserte: c’est le tour de force qu’a réussi l’architecte de cette maison, en livrant une réinterprétation magistrale de la ferme carrée, où flottent des accents venus du Japon, d’Ibiza et de Bali.
S’évader du quotidien sans quitter sa maison: un rêve devenu plus pressant que jamais. Quand les futurs occupants prennent contact avec David D’Hulst, à la tête de Studio Ambacht, ils expriment avant tout le souhait de créer une oasis de sérénité, un lieu où chaque jour aurait le goût des vacances. Mais aussi de prendre leurs distances avec leur environnement immédiat: un lotissement typique, comme il en existe beaucoup. «En fait, nous rêvions de nous retirer quelque part, loin du monde», confie l’un d’eux.
La réalité prendra une autre tournure. Notamment pour l’architecte qu’ils avaient initialement approché, et dont ils se sont finalement détournés après avoir découvert, dans un magazine, la maison en bois que David D’Hulst avait érigée en pleine forêt. Une habitation expérimentale traversée par la nature. «Nous étions en quête de cette même osmose avec l’environnement. Ce qu’il avait créé là nous a immédiatement séduits.»
Disparaître dans le paysage
Alors que le projet précédent de l’architecte cherchait à faire corps avec la nature environnante, ici, l’enjeu est tout autre: ouvrir la maison sur le panorama à l’arrière et faire oublier autant que possible l’environnement urbain, pressant, qui l’entoure. «L’idée d’une sorte de ferme carrée s’est très vite imposée», explique l’intéressé. Une analogie qui ne vaut que pour le plan au sol. Car si la demeure se déploie bien en U autour d’un patio, sa façade monumentale côté rue évoque davantage un temple japonais aux lignes épurées qu’une ferme traditionnelle. «Le chantier n’est pas passé inaperçu», se souviennent les propriétaires, un couple de trentenaires, tous deux entrepreneurs, dont l’un dirige un studio de yoga, de massages et de soins par le son. «C’était le dernier terrain libre de la rue. Les habitants, pour la plupart des retraités, avaient pris l’habitude d’y passer du temps. Dès le début des travaux, une poignée d’entre eux venaient régulièrement observer l’avancée du chantier. Mais toujours avec le sourire. Peut-être craignaient-ils qu’on érige une sorte d’entrepôt industriel…»
David D’Hulst, lui, avoue ne pas bien comprendre l’histoire urbanistique de ce quartier, loti dans les années 1970 et 1980. «C’est étrange. Les prescriptions urbanistiques y laissent une liberté architecturale presque totale. Et pourtant, à l’époque, peu ont osé en tirer parti.» Ce que, bien sûr, ses clients et lui n’ont pas hésité à faire. «Nous voulions que le projet sorte du cadre, au sens propre comme au figuré.»
Entre ombre et lumière
Derrière la porte pivotante, massive, s’ouvre un hall dont la modestie tranche avec la solennité de la façade. Plus bas que le reste de la maison – à l’image des maisons japonaises – il accueille la lumière avec générosité. En face, le patio laisse entrevoir un étang de baignade, dont l’eau renvoie les reflets du soleil sur le plafond, comme une chorégraphie naturelle. La cour intérieure, tel un cadran solaire, capte la lumière tout au long de la journée, affirment les propriétaires. Cela tient à la pente des toits, qui s’ouvrent vers l’extérieur, mais aussi aux immenses baies vitrées de la cuisine. Dans le salon, une haute fenêtre, savamment positionnée, dissimule la vue sur les habitations voisines.
Autre jeu de contraste: de l’extérieur, on imagine un volume simple, compact. Pourtant, à l’intérieur, l’architecte a dessiné une succession de pièces asymétriques, de part et d’autre du patio. L’ensemble évoque une placette secrète, nichée dans un village méditerranéen. «En jouant avec les différences de niveau, les hauteurs de plafond et les textures, chaque espace acquiert sa propre personnalité», explique-t-il. Le salon ne ressemble en rien à la cuisine. Et pourtant, tous deux sont unis par un même fil conducteur: l’utilisation du Pandomo, une matière proche du Mortex, appliquée au sol, sur le mobilier et le plan de travail. Mais les atmosphères varient: l’une emprunte à Bali, l’autre à Ibiza – comme l’avaient rêvé les maîtres des lieux sur leur moodboard. «Les visiteurs sont souvent surpris d’apprendre qu’il s’agit d’une construction neuve. Pour nous, c’est le plus beau des compliments: cela signifie que la maison a une âme.»
Un pont vers l’imaginaire
David D’Hulst refuse toutefois de s’en attribuer tout le mérite. «Je ne suis pas de ces architectes qui imposent un plan intangible. J’aime travailler dès le départ en synergie avec le maître d’ouvrage et les partenaires du chantier (NDLR: ici, avec Oostkaai et blancooo). Dès la phase de gros œuvre, il faut penser à la finition.» Ainsi, une armoire a été approfondie à la dernière minute pour accueillir une platine vinyle, et le petit muret autour du canapé Togo a été construit sur mesure.
Tout comme les jardinières intégrées, il donne au salon une ambiance de «conversation pit», typique des années 1970. «Ce muret est super pratique, affirment les habitants. Il fait office de table basse: on y pose verres, assiettes, livres. Tout est toujours à portée de main.»
Quant à l’étang longeant la façade latérale, il faisait partie du projet dès le premier jour. David D’Hulst en a intégré un similaire à sa maison forestière. «Dès que je le peux, j’en place un. Cela rafraîchit l’air, apaise l’esprit et invite la nature au seuil de la maison.» Une grenouille que l’on voit plonger dans l’eau, à travers la baie vitrée, semble confirmer ses propos. «Petite, je rêvais d’avoir un jour un étang avec un petit pont, comme celui de Monet», confie la maîtresse des lieux. Ce ne sera pas un bassin profond au fond du jardin, ni un pont japonais envahi de glycines comme chez le peintre. Mais plutôt une passerelle vers un ailleurs, qui vous fait oublier le monde, ne serait-ce qu’un instant.
David D’Hulst en bref
©Senne van der Ven
Il a étudié à l’institut Henry van de Velde à Anvers, puis a travaillé pour Verdickt & Verdickt architecten et Christian Kieckens Architects.
En 2008, il fonde P8-architecten avec deux associés.
Il construit sa propre maison entre 2014 et 2016, puis lance Studio Ambacht. Il est spécialisé dans les maisons privées et les rénovations complexes. studioambacht.be et @stu_ambacht
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