À Anvers, découverte d’un projet d’habitat groupé aux airs d’utopie champêtre

Le bois noirci n’étant pas autorisé par les autorités locales, la façade a été bardée de thermobois. © Mr Frank

Non loin d’Anvers, Jesse et Jolijn ont rejoint un projet d’habitat groupé lancé par des amis. Le résultat: un pavillon en bois dans un décor idyllique.

«Nous n’avions pas d’enfant à l’époque. Paolo n’est arrivé que quatre ans plus tard. Mais l’idée qu’un jour, nous pourrions voir grandir notre fils ou notre fille ici nous a poussés à signer immédiatement pour ce projet d’habitat partagé», affirme Jesse. Et ce même si cela signifiait renoncer à la proximité des galeries, des bars et des restaurants de Borgerhout.

habitat groupe
Les unités du cohousing sont réparties autour de la verdure. © Mr Frank

«Tout ça générait une certaine agitation qui en réalité, à ce jour, ne me manque pas», complète Jolijn. Lui est plasticien, elle travaille comme responsable com’, et lorsqu’ils ont entendu parler de ce cohousing, lancé par d’anciens camarades de classe, Geert et Wenke, ils n’ont pas hésité un instant. Cet empressement leur a permis d’être les premiers à choisir une place à Zwarte Arend, une métairie délabrée avec des dépendances, entourée d’un paysage protégé composé d’un château, d’un parc forestier et de terres agricoles. Une petite oasis, bien cachée derrière une zone résidentielle dense.

Un volume enterré

Sur place, le couple a tout de suite repéré l’ancienne grange à tracteurs constituée d’une dalle de béton et d’un toit en asbeste-ciment. Un bâtiment agricole qu’ils ont remplacé par une maison à ossature bois presque neutre sur le plan énergétique, conçue par B-bis architecten. Une construction enterrée de soixante centimètres parce que la réglementation ne leur permettait pas de bâtir plus haut que l’ancienne ferme centrale.

bois béton
La construction est enterrée de 60 cm, ce qui rend la verdure environnante très présente à l’intérieur. © Mr Frank

Grâce à cette implantation, la verdure semble vraiment pénétrer à l’intérieur. Les fleurs sauvages se balancent dans le vent et tapent doucement contre la fenêtre. Les papillons se poursuivent dans une sorte de danse tandis qu’un escargot glisse sans se faire remarquer d’un côté à l’autre de la baie. Entre deux averses, nous remarquons que les enfants voisins se cherchent pour jouer dehors. Un cadre vraiment idyllique.

Bien plus qu’un chalet

De l’extérieur, leur maison ressemble aujourd’hui un peu à une cabane de montagne, que l’on s’attend à trouver sur un versant des Dolomites. Le couple rêvait de façades en bois noirci, dans le style japonais Shou Sugi Ban. Mais cela n’a pas été autorisé par les autorités locales. L’aspect vieilli du matériau a donc été obtenu à l’aide d’un bardage en thermobois, un pin qui a subi un traitement à la vapeur ou à la chaleur, ce qui le rend résistant aux champignons et aux insectes.

volume enterre
Dans le salon à double hauteur, le couple a associé un canapé bleu roi de Hay à une rare table basse d’Adrien Audoux et de Frida Minet. Au mur, à gauche, une œuvre de Jan Yoors. © Mr Frank


L’intérieur, imaginé par leur ancien voisin, l’architecte Stijn Janssens, cumule également diverses essences de bois: du noyer et de l’afrormosia dans la cuisine, la chambre et la salle de bains; du pin maritime pour les poutres. «J’ai eu un peu peur que notre maison ressemble à un chalet suisse», s’amuse Jolijn.

Bois et béton assemblés

Heureusement, le béton, l’escalier en acier et les murs en terre cuite rétablissent l’équilibre et créent une ambiance moderne et méridionale. Le palmier qui occupe l’espace double hauteur, les cactus et les objets qui recèlent chacun une anecdote contribuent à cette atmosphère. D’une combinaison d’astronaute soigneusement pliée à une vieille bobine de soie japonaise, d’un fossile avec des traces de vélociraptor à des objets hérités des grands-parents, des artefacts africains ou un jeune Rinus Van de Velde et Jan Yoors.

fenetre interieur
Le hublot sépare la cuisine du bureau de Jesse. © Mr Frank


On pourrait d’ailleurs presque parler de muséification: «Tous ces objets viennent tant de la place du Jeu de Balle que de Sotheby’s. Je suis un véritable chasseur-cueilleur, résume Jesse. Ces choses accumulées m’ont surpris ou subjugué à un moment ou à un autre.»

Jolijn, qui se tient derrière lui, rit car Jesse a des obsessions éphémères: tous les six mois, il se trouve une nouvelle marotte. Ses centres d’intérêt sont multiples: de la terre cuite ancienne à la permaculture en passant par Tintin. «Quand cela me prend, j’ai vraiment besoin de tout savoir sur le sujet. En ce moment, je me focalise sur la manière d’investir, plaisante-t-il. Les chiffres, leurs hausses et leurs baisses ne me lâchent pas.»

Les joies du chantier

Le projet d’habitat partagé a nécessité deux ans de planification juridique, notariale et administrative. La conception et la construction de la maison de Jesse et Jolijn ont également pris deux ans. Pendant neuf mois, ils n’ont pas eu d’autre choix que d’emménager chez les parents de cette dernière. «J’étais enceinte, qui plus est. J’ai parfois eu l’impression de redevenir une adolescente», dit-elle en riant.

poutre contemporain
Malgré l’abondance de bois – noyer et afrormosia dans la cuisine et pin maritime pour les poutres – la maison est d’une grande modernité. © Mr Frank

Certes, les propriétaires ont rencontré quelques embûches en chemin, notamment avec la cellule patrimoniale et les voisins. «Mais c’est à peu près la norme lorsqu’on discute avec quelqu’un qui a un tel projet de construction ou de rénovation derrière lui. Comparé à d’autres, tout s’est déroulé assez rapidement en fait», se rassure Jolijn. Souvent en effet, le groupe d’habitants est d’abord constitué, puis un site est recherché, que la ville ou la municipalité doit approuver. Ici, c’est l’inverse qui s’est produit. L’endroit était là, puis le groupe s’est formé.

Les bienfaits du cohousing

Récemment, Celeste, une autre voisine, a envoyé des photos dans le groupe WhatsApp des cohabitants. Pour rappeler à tout le monde le chemin parcouru. Il y a deux ans, la cour n’était qu’une dalle de béton pavée, et Jesse et Jolijn voyaient depuis leur salon une énorme montagne de sable. En conséquence, le sol reste pauvre même si les maîtres des lieux tentent de le faire revivre progressivement.

thermobois bardage
Jolijn Mathijssen, Jesse Willems et leur fils Paolo (2 ans et demi) © Mr Frank

«Pour ce faire, nous fauchons intensivement certaines zones et en laissons d’autres pousser à l’état sauvage, explique le tandem. Et cela marche: les chardons et l’oseille ont fait place aux fleurs et aux parterres, et ici et là à une taupinière.» Le potager est entretenu collectivement, tout comme le verger où des arbres fruitiers locaux ont été plantés. Le nouveau poulailler attend ses occupants, une ancienne race de poules de la Campine.

terrasse brique sur champs
Une vie au grand air, comme si les vacances duraient toute l’année. © Mr Frank

N’est-il toutefois pas difficile de vivre ainsi en communauté? En tant qu’introverti, Jesse a parfois envie de s’isoler, ce que son atelier, dans la galerie anversoise Schönfeld, lui permet. Il y prépare d’ailleurs une expo solo pour une galerie parisienne qui représente également Martin Parr. Jolijn, elle, apprécie cette compagnie. «Paolo est fils unique, mais il a douze frères et sœurs, se réjouit-elle. Il a toujours quelqu’un avec qui jouer et se joint sans hésiter aux autres familles assises sur leurs terrasses. Sans ce projet, nous n’aurions jamais pu donner cela à notre fils.»

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