À Mons, une chapelle reconvertie en habitation, pour s’amuser en famille sans se faire prier
Transformer une chapelle abandonnée en une habitation contemporaine, colorée et ludique, où passé et présent cohabitent parfaitement. Sacré défi pour ce couple et ses trois enfants !
Cette famille n’est pas bigote… C’est même plutôt le contraire, même si la grande statue de Jésus qui veille sur la salle à manger pourrait nous faire croire à sa profession de foi. » Cet objet n’était initialement pas ici. Je l’ai découvert dans une habitation en travaux. J’ai demandé ce qu’ils allaient en faire ; ils comptaient s’en débarrasser ! Je trouve qu’il est parfait à cette place « , observe Nikola Brésart, avec un brin d’ironie.
Cet architecte montois, spécialisé dans le secteur hospitalier et la promotion immobilière, et son épouse Barbara, ont acquis » un peu par hasard « , en 2006, cette chapelle des Dames du Saint-Sacrement, où ils vivent aujourd’hui avec leurs trois enfants, Olivia, Lily et Harry.
» Ça aurait pu être un lavoir ou tout autre chose, insiste-t-il. A l’époque, nous avions une fille et voulions revenir dans le centre historique de Mons. Cet édifice répondait parfaitement à nos attentes en offrant une surface au sol de 150 m2 – la taille d’une belle maison de maître – avec une cour extérieure et des volumes ouverts, aux plafonds élevés, comme dans un loft. »
Le lieu, érigé au début du XXe siècle et attenant à un couvent désormais démoli, n’était plus occupé depuis vingt ans. L’ensemble était défraîchi, squatté, mais totalement exploitable.
» J’avais déjà croisé ce bien pendant mes études d’architecture, lors de sa vente aux enchères… Quand j’ai appris qu’il était à nouveau sur le marché, j’ai sauté sur l’occasion. En cinq jours, c’était réglé ! « , se souvient le propriétaire.
Couleurs de choeur
Côté rue, la bâtisse, qui ne passe pas inaperçue, a conservé son caractère d’antan : une façade en brique rouge, une porte cernée de pierre et des fenêtres en ogives très hautes, rappellent la fonction initiale de l’immeuble. Une fois le porche franchi, on se retrouve face à l’autel, au rez-de-chaussée. Au départ, le couple y organisait des concerts. Depuis 2015, il loue l’endroit à une galerie d’art.
Un escalier raide et recouvert de tôle mène, entre deux parois, à la partie privée. » Puisque nous sommes en ville, il était important pour nous de ne pas habiter au niveau du trottoir, pour une question de bruit mais également pour pouvoir conserver les baies sans être vus des passants « , fait observer Nikola.
Au premier étage de la demeure, se situent les pièces de vie qui résument à elles seules l’esprit de la rénovation. Les vestiges du passé -arcs, colonnes et certains vitraux – ont été conservés au maximum et, en ce qui concerne la structure, peints en blanc. L’intervention contemporaine, elle, est mise en avant par des tonalités vives.
» L’endroit n’était pas classé et heureusement, sinon nous ne l’aurions pas acheté, souligne le concepteur du projet. L’idée était vraiment de laisser le caractère originel de la chapelle intact et de venir s’enchâsser à l’intérieur, de façon franche. »
Ainsi, le bloc de la cuisine, » où toute la vie de famille se passe en fin de compte « , occupe une place centrale et se distingue par ses faces rouge brillant. A l’avant, le coin repas bénéficie d’une hauteur sous plafond importante, magnifiée par des suspentes en verre griffées Kartell. Il est baigné de lumière grâce aux grandes fenêtres donnant vers la rue. A l’arrière, le salon se prolonge par une terrasse couverte, avec une très belle vue sur le Beffroi de Mons. C’est par là que se fait l’accès à la cour, d’où l’on peut admirer la façade de l’ouvrage religieux, repeinte en gris anthracite, ce qui lui donne un caractère intemporel.
De manière générale, le choix des tons joue d’ailleurs un rôle crucial dans la composition.
» Tout est parti du carrelage sur lequel j’avais flashé pour sa teinte cuivrée et le fait qu’il pouvait être placé aussi bien dehors que dedans, raconte Barbara, qui est prof de français mais a participé activement à l’aménagement, surtout pour les aspects déco. J’ai ensuite pensé à l’assortir à du doré, très en vogue à l’époque… De là, a découlé le rouge, le blanc cassé, etc. Une couleur en a appelé une autre. »
Aux murs et sur les étagères, des oeuvres souvent étonnantes et des objets divers finissent de donner un cachet unique à l’espace. Crânes d’animaux, photos de graffs, clins d’oeil à la religion, détails ludiques… et même » un mausolée spécial Doudou « , comme le surnomme Nikola, montrant les vestiges ramassés, au cours des ans, lors de cette fête, emblématique de Mons, où saint Georges terrasse le dragon, acclamé par la foule… On y repérera même un bâton en bois orange fluo : un débris souvenir de cette sculpture d’Arne Quinze qui, un soir de décembre 2014, s’effondra dans la cité qui s’apprêtait alors à être sacrée Capitale européenne de la Culture – ce qui fit jaser bien au-delà des frontières du chef-lieu hennuyer.
Un petit goût de paradis
Par-dessus ce niveau bouillonnant de vie, où l’on imagine bien les trois mômes ajouter leur touche personnelle – mais que diable fait cette fée Playmobil exposée aux toilettes ? -, se situe la partie réservée aux parents, avec bureau et chambre. »
Elle est en mezzanine afin de bénéficier du grand volume voûté « , précise le concepteur. Et de fait, de son lit disposé sous une arche, le couple a vue sur les vitraux du séjour. Ici aussi les teintes vivent dominent, notamment dans la pièce d’eau où des carottages ont été réalisés dans le mur, pour apporter un peu de lumière naturelle. Autour de ses trous sont peintes d’amusantes gouttes vertes.
Mais ce n’est rien en comparaison à l’antre des trois kids, au quatrième et dernier étage, véritable paradis enfantin, tout récemment réaménagé. Rien que la salle de bains vaut le détour avec sa baignoire rouge, son évier orange et ses carrelages pop.
» Au départ, les enfants avaient un plateau commun, sans véritable séparation, avec un trampoline et une aire de jeux. Mais ils ont grandi et veulent désormais avoir chacun leur coin à eux. »
Résultat : Lily a hérité de la chambre noir, blanc et rouge ; Olivia de celle où domine le bleu. Quant à Harry, la sienne est encore en travaux mais elle sera sur le thème des super-héros, avec une touche Harry Potter, prénom oblige. Et elle bénéficiera d’un oculus donnant sur la nouvelle gare de Mons de Santiago Calatrava… quand elle sera terminée !
» J’ai réfléchi chaque entité avec les enfants, en fonction de leurs goûts. Je désirais travailler avec des papiers peints car c’est très tendance – mais hélas très cher – et cela permet de faire plein de choses « , s’enthousiasme Barbara. » Nous voulions remettre le volume sous toiture à leur échelle, explique l’architecte. Les chambres sont comme de petites chaumières qui donnent sur un salon partagé. Nous avons garnis les cloisons, extérieurement, avec un motif de forêt enchantée pour donner un côté Alice au pays des merveilles à l’ensemble. »
De là, une échelle de meunier et une passerelle mènent à des mezzanines, pour jouer ou loger des amis, et au clocher. Mais nous ne le visiterons pas. Les voies du Seigneur sont impénétrables.
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