Visite de la formidable maison du décorateur belge Geoffroy Van Hulle, parfait exemple du style maximaliste éclectique

L’aménagement s’inspire de l’atelier du sculpteur Antoine Bourdelle à Paris. © National

Déambuler dans la maison de Geoffroy Van Hulle est un voyage en soi. A la manière d’un chef de cuisine fusion, le décorateur mélange les ingrédients classiques et exotiques. Mais le name-dropping ou la prétention, très peu pour lui, son chez-soi doit avant tout être agréable à vivre.

«Habitation-atelier», c’est peut-être la meilleure manière de qualifier la maison de Geoffroy Van Hulle. A mi-chemin entre Knokke et Gand, le décorateur utilise sa demeure de Maldegem comme plaque tournante pour ses nombreux coups de cœur. Son intérieur change en fonction de ses goûts et des saisons. «Et en fonction de ce que je vends à mes clients, précise-t-il. Il y a très peu de pièces auxquelles je suis vraiment attaché.» L’intéressé renouvelle sa déco plus rapidement que son dressing. Heureusement, la base du logis reste la même: une vaste maison de maître à laquelle l’architecte Stéphane Boens a ajouté, il y a trois ans, un salon d’hiver cosy.

Le propriétaire préfère quant à lui nommer cet espace à double hauteur son «atelier». Il s’est en effet inspiré du studio du sculpteur Antoine Bourdelle (1861 – 1929), un musée-atelier pittoresque près de la Fondation Cartier à Paris. Un lieu dont la visite est des plus recommandées, ne serait-ce que pour son original escalier en colimaçon en métal qui a donné des idées à Geoffroy Van Hulle.

L’aménagement s’inspire de l’atelier du sculpteur Antoine Bourdelle à Paris.
L’aménagement s’inspire de l’atelier du sculpteur Antoine Bourdelle à Paris. © National

Une déco intuitive

«Beaucoup de mes confrères n’aiment pas trop le terme décorateur, auquel ils préfèrent celui d’architecte, explique-t-il. Mais je suis un décorateur. J’habille des espaces comme un couturier le fait avec un mannequin. Une pièce ne peut pas être agréable si elle n’est pas décorée.» Pour lui, l’atmosphère et le confort priment sur tout le reste, y compris l’esthétique. C’est à ses yeux plus important que le fait de glisser des noms de designers ou d’artistes dans un intérieur.

«Est-ce qu’un sofa a plus de valeur si Hermès est inscrit dessus? Un logement doit avant tout être agréable à vivre. De nombreux clients viennent me voir parce qu’ils en ont assez de leur intérieur minimaliste où tout doit être parfait. Ils veulent une maison où ils peuvent vraiment vivre, sans avoir peur que quelque chose ne cloche dans le beau tableau.»

La cuisine est un patchwork étonnant de textures, de cultures et d’histoires.
La cuisine est un patchwork étonnant de textures, de cultures et d’histoires. © National

Si, chez Geoffroy Van Hulle, tout est harmonieux, cela se construit toutefois de manière spontanée et intuitive. Un livre de travers sur la table du salon, par exemple, n’a rien de gênant. Ses intérieurs dégagent une sorte de luxueuse convivialité, où l’on se sent tout de suite à l’aise. Et c’est peut-être là son plus grand talent: il sait faire d’une pièce un lieu généreux, qui donne envie de s’y nicher. Et dont on voudrait toucher les matériaux et les étoffes. «A aucun endroit du logis on ne se trouve à plus de dix pas d’un bouquin, de quelque chose à boire ou d’une bûche pour la cheminée, affirme-t-il. C’est ma définition du confort.»

Le passé au présent

La demeure du décorateur est comme un recueil de nouvelles où chaque endroit recèle sa propre intrigue. La succession des espaces thématiques démontre la large palette de ses goûts, mais elle fait aussi en sorte qu’on ne s’y ennuie jamais: on est presque en voyage. D’une zone séjour en forme de tente «Empire meets Marrakech» à un boudoir Jean Michel Frank avec chinoiseries: déambuler d’un lieu à l’autre ressemble à une balade à travers l’histoire de la déco d’intérieur. L’observateur aguerri y décèlera des références à des esthètes classiques comme Renzo Mongiardino, Cecil Beaton, Nissim de Camondo, David Hicks, Yves Saint Laurent et John Soane. «Mes idoles sont tous des décorateurs décédés, explique l’Est-Flandrien. Chacun à sa façon a été inventif à son époque. A l’aide d’objets anciens, j’intègre le meilleur du passé dans un intérieur d’aujourd’hui.»

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Geoffroy Van Hulle bouscule cependant les codes de ses maîtres. Mais sans une once de prétention. «Mes aménagements ne dépendent pas des grands noms aux murs. Je ne dois pas éduquer mes clients. Une toile déchirée qui coûte 3 millions d’euros, je n’en vois pas le but. Je donnerai avec plaisir la place d’honneur à une trouvaille faite aux puces. Et s’il se fait qu’il y a une table basse d’Ado Chale, c’est parce que je la trouve belle, pas parce que c’est une pièce de design chère et reconnaissable. Intégrer des «investment pieces» dans un intérieur n’est pas important pour moi. Qu’est-ce qui fait la valeur d’un meuble ou d’une œuvre? Je préfère m’entourer de pièces qui ont une valeur décorative. Elles sont esthétiques, on peut vivre à leurs côtés. Et l’on n’a pas besoin de gants blancs pour les manipuler.»

Le pavillon du jardin multiplie les clins d’œil à Renzo Mongiardino, Tony Duquette et Cecil Beaton.
Le pavillon du jardin multiplie les clins d’œil à Renzo Mongiardino, Tony Duquette et Cecil Beaton. © National

Sans signature

Geoffroy Van Hulle est issu d’une famille de fabricants de meubles, depuis six générations. Il est le premier enfant à devenir décorateur, et ce sans même jamais avoir décroché son diplôme d’architecte d’intérieur. Au KASK à Gand, il se heurte à l’incompréhension de ses professeurs, alors qu’il conçoit des intérieurs classiques en pleine période minimaliste. Il fait dès lors ses armes dans le magasin de meubles de sa mère à Maldegem. Les pièces de brocante et les antiquités rustiques qu’il installe dans certains coins se vendent mieux que les meubles sur mesure de la boutique. Son nom fait le tour de la région. Le bouche-à-oreille fonctionnant, on lui demande d’aménager quelques appartements et maisons dans le style classique campagnard qu’il défend alors. Et ça décolle. L’homme commence une carrière, hors du magasin maternel. «Savoir décorer, c’est un don, mais on peut l’entraîner. Je le fais en voyageant beaucoup, en restant curieux et en visitant des hôtels: des lieux qui ont été conçus pour accueillir les gens», souligne-t-il.

Dans la cour-jardin classique, Geoffroy Van Hulle reçoit également les clients sur rendez-vous.
Dans la cour-jardin classique, Geoffroy Van Hulle reçoit également les clients sur rendez-vous. © National

Tout qui entre dans son showroom de Maldegem ou à la côte le remarquera immédiatement: son style a évolué vers un maximalisme éclectique. C’est pour cela que ses clients viennent le trouver, de Knokke à Londres et de Paris à Amsterdam. «J’ai un style particulier, c’est vrai, mais pas de véritable signature. Il y a effectivement des éléments qui reviennent sans cesse, comme les grands miroirs patinés. Mais j’essaie de mettre surtout beaucoup de variations dans mes intérieurs, de manière à ce que ma patte devienne invisible. Le but n’est pas que mon nom soit repérable quand un client, pas pour moimême.»

Geoffroy Van Hulle

Il appartient à la sixième génération d’une famille de fabricants de meubles de Maldegem.

Il n’a jamais terminé ses études d’architecte d’intérieur à l’Académie de Gand, mais a commencé à travailler en 1999 dans le magasin de meubles et de décoration de sa mère.

Il est aujourd’hui à la tête de sa propre boutique à Maldegem et à Knokke.

Il est réputé pour son style maximaliste éclectique aux influences classiques.

geoffroyvanhulle.com

@geoffroy_van_hulle

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