Visite d’une maison moderniste à Vilvoorde plus avant-gardiste que jamais
![Intérieur 06](https://img.static-rmg.be/a/view/q75/w680/h0/7008509/knackweekend-interieur-modernisme-rogerdewinter-lucienengels-raissa-12-preview-jpg.jpg)
A Vilvorde, on trouve des pépites modernistes qui valent le détour. La maison familiale de Raïssa Verhaeghe, consultante mode, porte le sceau du duo d’architectes De Winter et Engels. Elle a gardé la beauté, la fonctionnalité et l’avant-gardisme de ses origines.
Elle a toujours été fascinée par cette maison. Raïssa n’était alors qu’une petite fille, vive et curieuse, elle habitait à Vilvorde, dans une rue presque sans âme. Pourtant, en face de chez elle, une façade faussement austère, aux lignes parfaites, l’avait toujours intriguée. Elle avait même l’impression que la maison l’appelait. En grandissant, elle avait compris qu’elle avait des affinités certaines avec le style moderniste. Mais elle s’en était allée étudier le droit à Paris puis vivre et travailler dans la mode à Anvers. Jusqu’à ce que le destin la mène là où elle devait être. C’est-à-dire ici.
On est en 2007, Raïssa Verhaeghe apprend que la maison est vide, que les seuls propriétaires, la famille Spruyt, n’ont pas encore mis le nid de leur enfance en vente. Premier réflexe: «Mon Dieu, je ne vais tout de même pas habiter en face de mes parents et surtout, retourner à Vilvorde.» Mais il lui a suffi de pousser la porte d’entrée pour être sûre de son amour indéfectible. «Je l’ai visitée avec Veronique Branquinho, qui était mon amie d’enfance, on travaillait alors ensemble. J’ai été éblouie aussitôt par la lumière et la transparence de la maison. En montant les escaliers, Veronique me dit «tu dois l’acheter», mais je m’étais déjà fait ma propre opinion, c’était décidé.»
Avant-garde perfectionniste
Elle connaît l’œuvre des architectes qui ont conçu ce bijou que l’histoire retiendra comme la Maison Spruyt. Roger De Winter (1923-2001) et Lucien Engels (1928–2015) ont beaucoup construit dans cette petite ville du Brabant flamand et alentours dans les années qui suivirent la Seconde Guerre mondiale. Ils l’ont marquée de leur empreinte moderniste, avec leur usage de matériaux contemporains, leur préférence pour la fonctionnalité dans la structure du plan, leur goût pour les façades sobres, presque abstraites, avec une transparence accrue grâce à l’utilisation de murs-rideaux, de carreaux de verre et d’auvents. Leur duo ne résista pas au temps, mais les plans de la maison portent une date, 1954, et leurs noms encore associés. «Roger De Winter était perfectionniste, précise Raïssa, ce que j’aime beaucoup. Il portait une attention particulière aux détails. Tout est très réfléchi.»
Et c’est parce que tout est bien pensé qu’elle ne veut rien changer. Elle demande juste quelques conseils à des amis architectes, pour comprendre comment agencer au mieux les espaces existants. Dans cette maison unifamiliale qui s’étage sur trois plateaux ouverts, les volumes se répartissent autour d’un escalier gracieux à marches flottantes. Cette architecture claire et transparente n’a guère besoin d’être repensée, mis à part la buanderie et la salle de bains au format «modeste» et la cuisine qui doit répondre aux exigences contemporaines, sans dénaturer les plans originels. «On a décidé de garder la maison telle qu’elle était et de vivre avec le confort conçu par les architectes.»
On a décidé de garder la maison telle qu’elle était et de vivre avec le confort conçu par les architectes.
Dans les règles de l’art
Raïssa Verhaeghe a donc rénové chaque pièce, très rigoureusement, avec les mêmes matériaux: le sol du premier étage en carreaux Winkelmans, «absolument typiques», le linoléum du deuxième, dont elle a juste changé la couleur, il était bleu, elle le préfère en noir. Elle a aussi repeint la porte du garage en jaune, inspiration puisée dans la palette chromatique chère au Corbusier, elle connaît ses classiques.
Elle a racheté une grande partie du mobilier d’origine – ce petit banc à l’entrée, ce divan confortable, dessiné par Roger De Winter et fabriqué par la société Batenburg, le fauteuil et la lampe près de la cheminée en pierres de Diegem, cette bibliothèque d’inspiration scandinave. Pour le reste, ses meubles à elle ont trouvé leur place.
Ce n’est pas mon but de vivre dans un environnement qui serait trop curaté. Une maison doit raconter une histoire.
Son fauteuil Barcelona signé Mies van der Rohe occupe le devant de la scène dans ce salon resté dans son jus. Car Raïssa marie les époques et les styles. Pour preuve, ces buffets USM jaune ou blanc, qu’elle apprécie pour leur fonctionnalité et leur élégance. «Ce n’est pas mon but non plus de vivre dans un environnement qui serait trop curaté, confie-t-elle. C’est ma curation à moi! Pour moi, une maison doit raconter une histoire.» Voilà pourquoi dans le salon, il y aussi la harpe de son fils aîné Louis et des ballons gonflés pour l’anniversaire de Charlie, 10 ans.
Une décoration épurée, pour faire place à la maison
Et s’il y a peu d’objets de décoration, c’est parce que Raïssa ne s’embarrasse pas de l’inutile mais se concentre sur la beauté, comme cette céramique de Wouter Hoste, souvenir de l’expo Wouter Harvey qu’elle a organisée ici, l’an dernier; la prochaine, en avril, mettra à l’honneur le travail de l’artiste Natalia Brilli, ses masques en raphia, ses tapisseries et ses vases crochetés inspirés par une Italie infiniment baroque.
La maison n’a pas besoin d’être décorée. Elle est belle en soi. Je suis encore toujours touchée aujourd’hui par ses volumes, sa conception, sa répartition spatiale, ses escaliers…
Raïssa n’a pas oublié qu’elle est la fille d’un peintre et d’un collectionneur qui fut directeur de l’Académie des beaux-arts de Vilvorde; sur les murs de la maison, ses œuvres, aux côtés des dessins de ses gamins et d’amis artistes. «Je suis dans mon biotope naturel au milieu des toiles et des peintres!», s’amuse-t-elle. Puis elle jette un regard amoureux sur son univers concentré ainsi entre ces quatre murs qui furent avant-gardistes, et qui le restent. «La maison n’a pas besoin d’être décorée, affirme Raïssa. Elle est belle en soi. Je suis encore toujours touchée aujourd’hui par ses volumes, sa conception, sa répartition spatiale, ses escaliers… Souvent, quand je la regarde, je m’entends murmurer: «Mon Dieu, c’est tellement beau».»
En Bref
- Raïssa Verhaeghe (51 ans)
- Elle est née à Malines, a grandi à Vilvorde, étudié le droit à Louvain et fait un master en droit social à Paris puis un MBA à la Vlerick School.
- Elle fut directrice commerciale puis General manager chez Veronique Branquinho de 1998 à 2007 et ensuite vice-general manager chez Ann Demeulemeester jusqu’en 2011.
- Elle a fondé Raver, fashion agency et consulting, et a travaillé avec Raf Simons, Delvaux, MAD Brussels et Flanders DC, notamment, et actuellement avec Toos Franken et Katerin Theys.
- Ponctuellement, elle donne des cours à Polimoda.
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