Inspiration déco: le retour de la brique dans nos intérieurs

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Les briques sculpturales du bureau d’archi Snøhetta pour Fornace Brioni. © Mattia Balsamini

Après l’hégémonie séculaire du béton, la brique fait son retour. Chez les architectes bien sûr, mais aussi chez les designers et les décorateurs qui introduisent ce matériau dans nos intérieurs.

Le Salon du meuble de Milan qui se tient chaque année au mois d’avril est le lieu de prédilection pour repérer les tendances en matière de déco. Si les nuances terracotta ont beaucoup fait parler d’elles lors de la dernière édition en s’affichant, avec le bordeaux, dans toutes les marques ou presque, nous avons vu aussi une quantité remarquable de briques. Dans le domaine de l’architecture, celles-ci connaissent un regain d’intérêt depuis un certain temps déjà. Il suffit de regarder les nouvelles façades maçonnées, qui dans les rues apparaissent désormais plus souvent que celles en béton. Les experts y voient une réaction contre les matériaux froids tels que le béton, l’acier et le verre qui ont dominé le secteur de la construction pendant des années. La brique est plus terreuse, plus chaude et plus tactile.

Des appliques de l’architecte Thijs Prinsen chez Serax (119 euros pièce).

Rien ne se perd

Originaire de Lille, le designer Aurélien Veyrat est l’un des adeptes de ce matériau que nous avons rencontrés à Milan. Il y présentait sa collection de colonnes, lampes, tabourets et sculptures, qu’il fabrique à partir de briques de récup. «Sur un chantier, il y a toujours des surplus et j’utilise aussi celles avec de petits défauts», explique l’intéressé, qui a une approche philosophique de l’upcycling: «Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme.» Avec ses objets, le Français nous invite à observer autrement ce matériau ordinaire. Nous découvrons ainsi ses subtiles différences de couleur et texture et ses qualités graphiques. Son travail se situe au croisement du design, de l’architecture et de l’art, et réunit industrie et artisanat. Ce qui plaît à beaucoup de monde, nous confie-t-il: «J’ai déjà distribué de nombreuses cartes de visite à des architectes et à des décorateurs.» Ceux-ci pourront également voir son œuvre du 11 au 13 octobre à Curated, un nouveau salon du design de collection se tenant au Mix, l’hôtel situé dans l’ancien bâtiment de la Royale Belge à Bruxelles.

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Les totems d’Aurélien Veyrat invitent à porter un autre regard sur les briques de récup’.

Un vase de brique

Chez les Belges de Serax aussi, nous avons repéré une création s’inscrivant dans cette vague: une applique murale de l’architecte Thijs Prinsen, associé de Lens°Ass, un studio qui utilise beaucoup ce matériau dans ses réalisations. Toujours à Milan, nous avons également vu la marque italienne Kriptonite décorer ses bibliothèques modulaires en métal avec des modules en terre cuite faisant office de serre-livres, de vases ou simplement de sculptures. Une idée du designer Federico Fraternale de Taro Studio. «Nous nous sommes inspirés de la nouvelle couleur que Kriptonite a proposée, à savoir le terracotta. La brique a un bel aspect rugueux et terreux, sans être trop dominante. Nous avons choisi des briques creuses avec une belle grille graphique. Lorsqu’on casse les parallélépipèdes, on obtient un résultat inattendu qu’on retrouve dans nos objets.»

Une table en brique signée Floris Wubben et rappelant la forme de saucisses.
Le lustre présenté par Floris Wubben à la Design Week de New York.

Floris Wubben est un autre nom incontournable de cette mouvance. Le designer néerlandais, lui, n’était pas en Lombardie, mais bien à la Design Week de New York en mai dernier, où il a montré une spectaculaire collection en brique à la galerie The Future Perfect. On y trouvait canapés, lustres et miroirs aux courbes enchanteresses en forme de… saucisses. Ces éléments ont été fabriqués à l’aide d’une machine à extrusion qu’il a conçue lui-même. «Cette collection est une véritable ode à ce classique de la construction totalement sous-estimé à mes yeux. Avec mon travail, je veux amener les gens à le regarder différemment», explique le designer, qui a collaboré ici avec une vieille entreprise familiale de Groningue, aux Pays-Bas, fournissant même la famille royale. «Leur argile du polder de Dollard, à Groningue, est huileuse et convient parfaitement à l’extrusion. Outre cette nouvelle matière, la maçonnerie était également une nouveauté pour moi. Je dois généralement me creuser les méninges pour la cuisson de mes grandes pièces – je viens d’ailleurs d’acheter un nouveau four pour des tables de trois mètres de long. La maçonnerie m’a permis de réaliser plus facilement des créations de grandes dimensions.» Pour Floris Wubben, cette collection représente un nouveau tournant. Il expérimente désormais la brique émaillée, avec en ligne de mire Design Miami. «Je travaille également pour le musée Groninger, qui organisera en 2026 une expo sur la brique Groninger, un élément du patrimoine culturel qui a joué un rôle important dans le style de l’Ecole d’Amsterdam, entre autres.»

La brique revue par Ronan et Erwan Bouroullec, pour la marque de carrelage Mutina.

6.000 ans plus tard

Il est à noter que les fabricants de carrelage s’engouffrent également dans la brèche. Ainsi, l’entreprise historique de carreaux italienne Fornace Brioni a présenté au salon du meuble Void une création sculpturale du célèbre cabinet d’architectes Snøhetta, à mi-chemin entre le carreau et la brique. Mutina, une autre marque transalpine de carrelage, propose même une collection distincte, avec des briques conçues par des architectes et des designers de renom, à l’instar de Vincent Van Duysen, Patricia Urquiola et les Bouroullec.

Des briques comme déco de bibliothèque dans ce projet de Taro Studio pour Kriptonite.

Pas question de blocs classiques, mais bien d’éléments de construction polyvalents et ultradécoratifs avec lesquels l’on peut créer murs, meubles et autres colonnes. A l’image aussi des présentoirs de la boutique de sacs à main Valextra à Hawaii, qui ont été dressés avec les briques Barber & Osgerby. «C’est l’un des plus anciens matériaux. Son histoire remonte à environ 4.000 ans avant Jésus-Christ. C’est formidable que nous l’utilisions encore, dixit le designer Konstantin Grcic, qui a dessiné un hexagone pour Mutina. Je voulais faire un rectangle. Mais quelqu’un l’avait déjà fait avant moi.»

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