L’écologie au coeur des tendances déco

La version monumentale du fauteuil Up de Gaetano Pesce sur la place du Duomo. © SDP
Mathieu Nguyen

Du 9 au 14 avril dernier se déroulait le mythique Salon international du meuble, grand-messe annuelle réunissant tous les labels et acteurs majeurs du secteur – à l’exception notable de l’un ou l’autre franc-tireur resté dans son showroom du côté de la Via Durini, dans le centre de la capitale lombarde. En marge de la « sélection officielle » distribuée dans les halls de Rho Fiera, le Salone peut aussi compter sur l’attrait exercé par son programme off, un Fuorisalone riche de plus de 1.300 événements éparpillés dans les Design Districts de la ville, qui rivalisent d’audace et de créativité pour se démarquer. Que retenir de cette édition particulièrement engagée, des nouveautés, buzz et tendances qui ont rythmé cette semaine de folie? On vous dit tout… ou presque: difficile de feindre l’exhaustivité face à l’immensité de la manifestation – aucune endurance humaine ne peut en venir à bout. Le Salone « se vit », c’est une expérience, parfois une épreuve, qui requiert d’avaler un certain nombre de kilomètres et de coupes de Prosecco. Pour la bonne cause.

Pour la première fois depuis de longues années, le plan et la disposition des stands dans les différents halls a radicalement changé. L’une des autres principales nouveautés consistait en un espace d’exposition circulaire, le S.Project, rassemblant B&B Italia, Louis Poulsen et Flos.

Cette édition 2019 saluait aussi l’ouverture d’une section de la Triennale dédiée à la production nationale, sous le nom Museo del Design Italiano – encore un espace circulaire, il faut croire qu’ils ont la cote. Aux commandes de cette jeune institution qui célèbre le somptueux héritage de la Botte, le très recommandable Joseph Grima.

Les habitués du district de Tortona n’en ont pas cru leurs yeux: le 56 de la Via Savona n’était pas occupé par Moooi cette année; les trublions bataves avaient déménagé du côté de Brera, et occupaient un espace plutôt modeste au vu de leur flamboyant passif. Motif officiel: l’envie d’étaler les sorties de nouveautés sur douze mois plutôt que de les concentrer sur le seul printemps. Dommage pour le show.

Au Museo del Design Italiano, section de la Triennale dédiée à la production nationale.
Au Museo del Design Italiano, section de la Triennale dédiée à la production nationale.© GIANLUCA DI IOIA – LA TRIENNALE DI MILANO

A l’occasion des 50 ans de son fauteuil Up, qui s’inspirait des rondeurs du corps féminin et le montrait attaché à un pouf/boulet, Gaetano Pesce en a érigé une version monumentale, couverte de flèches pour dénoncer les violences faites aux femmes, sur la place du Duomo. Un geste qui fut pas mal critiqué – y compris par un collectif féministe – et même vandalisé.

Lors d’une soirée au Palazzo Marino, le Lifetime Achievement Award a été décerné au designer et architecte italien Mario Bellini, rédacteur en chef de la revue Domus et collaborateur d’éditeurs comme Cassina, B&B Italia ou Alessi.

L’une des stars de la semaine était sans conteste Léonard de Vinci. Pour commémorer le 500e anniversaire de la mort du plus milanais des génies toscans, plusieurs expos et une installation sur le site de Rho (DE-SIGNO. The Art of Italian Design Before and After Leonardo) lui étaient consacrées.

Absent de Rho Fiera, Cassina est resté dans son vaste showroom du centre-ville, où Patricia Urquiola avait monté l’installation The Cassina Perspective – mais dont un petit coin était toutefois réservé aux Danois de Karakter, rachetés en mars dernier.

The Cassina Perspective, dans le showroom de la marque au centre-ville.
The Cassina Perspective, dans le showroom de la marque au centre-ville.© STEFANO DE MONTE

Le Salone en chiffres

58 éditions

2.418 exposants de 43 nationalités

386.236 visiteurs venus de 181 pays différents

550 jeunes talents participant au SaloneSatellite

24 pavillons

230.000 m² de surface d’exposition

Et plus de 12 longues minutes de marche pour traverser le site, de la porte Ouest à la porte Est. On a chronométré.

Tout naturellement

L'écologie au coeur des tendances déco
© JEROEN VERRECHT – FLANDERS DC

On pouvait s’y attendre: l’écologie sous toutes ses formes s’est imposée comme le principal sujet des expos, installations, concours et nouveautés. D’où les nombreuses effusions de verdure, dans les vitrines de La Rinascente avec l’installation Green Life de Sabine Marcelis, sur le stand Fritz Hansen ou à l’expo Naturale au Palazzo Reale. Ce fut par ailleurs l’occasion de voir émerger des techniques ou matériaux inédits – comme le terrazzo en bois recyclé chez Cappellini ou le tissu « zéro chutes » chez Sancal – mais également de réinterpréter et remettre au goût du jour des propriétés connues depuis longtemps – par exemple, les objets en chanvre de Romy Di Donato.

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© GIANLUCA DI IOIA – LA TRIENNALE DI MILANO

Très courue par le grand public, alternant les démonstrations concrètes et la prospective plus pointue, l’expo Broken Nature de la Triennale traitait du rôle que jouerait le design dans la survie humaine – eh oui, on en est là. Bien dans l’air du temps et disposant d’un bel espace à Tortona, la délégation belge, réunie sous le pavillon Belgium is Design, a mis en rapport designers et entreprises durables – l’occasion de découvrir des projets aussi inventifs qu’enthousiasmants, portés par une jeune génération que l’on ne manquera pas de suivre, comme Studio Plastique et sa matière naturelle faite de résine mais dure comme de la pierre, NomadLab, qui mit au point le Nüdelkart, une sorte de plaine de jeux transportable destinée aux enfants réfugiés dans des camps. Mais la star du stand, c’était sans conteste le multi-lit Altezza de Pierre-Emmanuel Vandeputte, un rêve éveillé pour petits et grands, inspiré par Montessori et fabriqué par Mathy by Bols.

L'écologie au coeur des tendances déco

L'écologie au coeur des tendances déco
© SDP

Nos amies les bêtes

Qui dit nature, dit animaux, et la Design Week a une nouvelle fois assisté au lâcher d’un certain nombre de bestioles plus ou moins sauvages, des serpents-lampes de Moroso au macaque en vedette chez Moooi. Un bestiaire des plus sympathiques – les Oiseaux des frères Bouroullec, l’éléphant Eames et les Resting Animals de Front – paressait d’ailleurs dans la cabine luxuriante installée par Vitra en plein centre-ville. Dans un autre ordre d’idées, une inquiétante armée de lions- robots veillait sur les rutilants prototypes présentés cette année par Peugeot.

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© SDP

Que d’eau

Sans doute pour rester raccord avec les thématiques écolo, l’eau était aussi l’élément central de pas mal d’expos et de décors, à commencer par AQUA. Leonardo Da Vinci’s Water Vision à la Conca dell’Incoronata, bassin doté d’un système d’écluses mises au point par le génie de la Renaissance, avec une impressionnante scénographie interactive signée Balich Worldwide Shows. Dotées de moins de moyens mais pas inintéressantes pour autant: les installations When Water meets de Piero Lissoni pour Boffi et De Padova, Journey of a Rain Drop chez Issey Miyake, 50 Words for Rain de Canada Goose, ou encore The Rituals of Water des salles de bains INAX.

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© SDP

La nique au plastique

C’était un peu l’ennemi public numéro un, le matériau à abattre. De grands noms ont déjà pris le sujet à bras-le-corps, comme la prestigieuse galerie Rossana Orlandi, qui inaugurait le Ro Plastic Prize, pour tenter de trouver un plastique « innocent ». Plus modeste mais pas moins concerné, le jeune label indoor/outdoor scandinave Houe exposait non sans fierté sa première chaise en plastique collecté sur les plages danoises, tandis que chez Kartell, forcément en avant-poste, on planche résolument sur le bioplastique.

A Alcova, les projets retenus par le New Material Award 2018 ont attiré toutes les curiosités avec leurs solutions inattendues à la crise des matériaux. Au programme: cheveux humains, sang animal, particules fines, résidus de métaux lourds… Les vainqueurs: les Français d’Atelier Luma et leur Labo Algues. Toujours à Alcova et pas en reste au niveau de la curiosité suscitée: les sacs à dos de Qwstion, en BananaTex (oui, comme du Piñatex, mais avec des bananiers).

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